Le cinéma français est rempli de comédies, et certains acteurs se sont fait une place dans ce milieu. Outre les grandes figures du passé comme De Funès, Coluche et Thierry Lhermitte, on retrouve dans la génération actuelle des noms comme Jonathan Cohen, Jérôme Commandeur ou bien Kev Adams. Si on peut reprocher la qualité de certains de leurs films, ils restent des grands noms qui attirent les spectateurs. Malgré leur attrait surtout commercial, cela ne leur empêche pas d’apporter leur propre vision dans leurs comédies, comme peut le faire Jean-Pascal Zadi.
Zadi
Le comédien n’a cependant pas commencé dans l’humour, mais bien dans le rap. Il a en effet fait partie d’un groupe nommé La Cellule. Il réalisera par la suite plusieurs documentaires sur la musique, joue des petits rôles à la télé et au cinéma et se révélera au grand public en 2020 avec Tout simplement noir, dans lequel il jouera le rôle principal et coréalisera le film avec John Wax. Ce faux documentaire, où il joue un homme tentant de faire une grande marche d’hommes noirs et qui lui vaudra le César du meilleur espoir masculin, met en place son thème de prédilection : la place des noirs dans la société. Ce sera notamment présent dans sa série En Place, où il joue le premier homme noir à se lancer dans la course présidentielle, ainsi que Le grand déplacement, qui traite de la première mission spatiale de l’Afrique. La culture africaine est également très présente dans Prosper, présenté au FNC 2025.
Jean-Pascal Zadi joue le personnage titre, un chauffeur Uber en galère qui croise la route de King, un homme d’affaires assez scrupuleux et sapeur congolais. Ce dernier se fait tirer dessus et finit par mourir dans la voiture de Prosper, qui laisse son corps, prend la liasse de billets de son manteau et finit par prendre ses chaussures. Mais lorsqu’il les porte, l’esprit de King prend mystérieusement contrôle de son corps et amène le pauvre Prosper dans l’enquête pour savoir qui a tué King.
Se faire respecter
Prosper nous transporte dans le milieu de la sape, diminutif de Société des ambianceurs et des personnes élégantes. Ce mouvement originaire du Congo consiste à être le mieux habillé possible, notamment en portant des vêtements très haut de gamme, dans le but de se faire respecter, la philosophie étant que s’habiller comme une personne respectable poussera les autres à respecter le sapeur lui-même. C’est une sorte de revendication sociale, montrant un homme noir de façon élégante, libre et respectée face à une société qui le met généralement en bas de l’échelle.
Un mode de vie qui est en fort contraste avec celui de Prosper, vivant encore chez sa mère, galérant à se soutenir financièrement et, surtout, est plutôt mal habillé. Il devient un poisson hors de l’eau dans ce milieu. Il est également perturbé par l’aspect surnaturel du film, lorsque l’esprit de King vit ses chaussures en peau de crocodile. Le comportement de Prosper change très vite, devenant plus respectable et classe. Jean-Pascal Zadi est d’ailleurs très bon pour passer d’une personne à une autre. Il porte aussi une bonne partie de l’humour du film, avec plusieurs blagues qui font mouche. Mais les éléments les plus drôles du film sont les deux gardes du corps de King, qui se lance souvent dans des conversations comiques.
Un ton particulier
Le ton du film le distingue des autres comédies, car il peut passer du film surnaturel au film criminel, sans oublier ses racines comiques. Cependant, cette distinction amène un certain déséquilibre dans le film, qui a du mal à bien raconter son histoire. En effet, il pose beaucoup d’éléments qui sont assez vite expédiés.
C’est notamment le cas de tout le contexte de la sape congolaise, ce sur quoi le film se basait entièrement. Ce contexte aurait pu être très bien exploité, le contraste entre le loser Prosper et les élégants sapeurs servant entièrement de base pour l’humour du film. Mais ce contraste n’est pas vraiment utilisé, le personnage se trouvant vite un style lui permettant de se fondre dans la masse de personnes bien habillées. Il ne devient qu’une petite partie d’un film qui aurait dû en faire toute sa structure. Mais il faut cependant célébrer que le film porte un regard respectable sur ce milieu, alors qu’il aurait pu être vu de haut dans un tout autre projet.
Prosper aurait pu être un coup de neuf au sein de la comédie française grâce à son ton atypique et aurait pu être propulsé grâce à sa star en tête d’affiche. Mais le film n’arrive pas à trouver sa bonne formule et devient un fourre-tout certes sympathique, mais qui aurait pu devenir plus.
Prosper est présenté au FNC les 11 et 18 octobre 2025.
