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[FNC] Sentimental Value — Parler à travers les films

« Il est temps qu’on se parle toi et moi. »

Valeur sentimentale - affiche

Si la Suède a Ingmar Bergman et que le Danemark a Lars Von Trier, Thomas Vinterberg et toute la bande du Dogme 95, il faut dire que la Norvège n’a pas autant de grands noms qui ont marqué l’histoire cinématographique. Il faut dire que le réalisateur norvégien le plus connu a commencé sa carrière dans les années 2000. Il est aussi l’un des seuls à avoir gardé son étiquette d’auteur, la plupart de ses confrères s’étant rendus à Hollywood et ont fini par se consacrer au cinéma de divertissement. S’il a connu un beau succès avec son premier long-métrage Reprise en 2006, il connaîtra une première consécration avec Oslo, August 31st, présenté au Festival de Cannes en 2011. Ce film lui ouvrira aussi les portes de Hollywood, là où il réalisera, en 2015, Louder Than Bombs avec son casting prestigieux qui inclut Jesse Eisenberg, Isabelle Huppert et Gabriel Byrne.

Mais il connaîtra une deuxième consécration mondiale en 2021 lorsqu’il présente en compétition officielle du Festival de Cannes The Worst Person in the World, ou Julie (en 12 chapitres) en français. Ce film, qui est le dernier de la trilogie sur Oslo du réalisateur, narre les tribulations d’une jeune femme dans la trentaine incarnée par Renate Reinsve, qui trouve ici le rôle de sa carrière et a remporté le Prix de l’interprétation féminine au Festival. Le film a eu la chance de connaître une belle visibilité en Amérique du Nord grâce à sa distribution par Neon, ce qui lui a permis d’être sélectionné non seulement pour meilleur film étranger aux Oscars, mais également pour meilleur scénario original, écrit par Trier et son collaborateur de longue date Eskil Vogt. Un beau parcours qui pourrait bien être répété avec le nouveau film du réalisateur, Sentimental Value, ayant déjà remporté le Grand Prix à Cannes.

Le cinéma dans le cinéma

Aux funérailles de leur mère, Nora, une actrice de théâtre, et Agnes, une professeure qui vit une vie de famille, retrouvent leur père Gustav, un réalisateur réputé qui les a délaissés après le divorce avec leur mère. Ce dernier a un projet de film après des années d’absence et sera un récit autobiographique sur sa mère, qui s’est suicidée. Il souhaite tourner dans la maison familiale et propose le rôle principal à Nora, qui refuse. Mais une grande actrice en vogue américaine est attirée par le rôle.

Le cinéma prend une place importante au sein du récit de Sentimental Value. Pour Gustav, il s’agit là de la façon de ressouder ses liens, notamment avec sa famille, ayant fait jouer sa fille Agnes dans un de ses films et son prochain relatant son histoire familiale. Joachim Trier tente d’explorer comment l’art peut servir de thérapie pour se reconstruire. Le nouveau film de Gustav est non seulement un moyen de relancer sa carrière et de trouver un nouveau sens dans sa vie, mais également un moyen de se reconnecter avec ses filles, car leur implication dans sa carrière étant les meilleurs souvenirs entre eux trois. Cependant, ces dernières ont des cicatrices plus profondes qu’un simple hommage à l’écran ne pourrait pas guérir.

Plus que tout ça, le film traite du manque de communication et des liens qui se créent. Il y a non seulement la distance entre le père et ses deux filles, mais aussi entre les deux sœurs, car le mode de vie de Nora étant bien différent de celui d’Agnes, les deux s’éloignent petit à petit. Joachim Trier joue beaucoup avec le non-dit des personnages, ce qu’ils pensent, mais n’osent pas dire, jusqu’au moment où leur vérité éclate. Surtout entre Nora et Gustav, les deux pensant beaucoup l’un à l’autre, mais dont la relation très distante les empêche de s’exprimer clairement et de faire part de leurs émotions, ce qui accentue leur distance. Le tout montré avec une parfaite justesse. Il y a aussi le choix de montrer la maison familiale comme un véritable personnage, ayant vécu énormément d’histoires avec cette famille, mais incapable de la relater.

À noter que tous ces moments ne seraient pas aussi efficaces sans les formidables prestations des acteurs. Stellan Skarsgård est brillant, comme d’habitude, et Renate Reinsve crève une fois de plus l’écran. Elle Fanning, qui joue la superstar américaine, est également excellente. Mais le gros coup de cœur est Inga Ibsdotter Lilleaas qui joue le rôle d’Agnes, une actrice norvégienne peu connue hors de son pays natal, mais qui vole chaque scène où elle apparaît. En espérant qu’elle connaisse le même succès que sa partenaire avec ce film.

En conclusion

Si on peut mettre un bémol sur ce film, c’est qu’il risque de ne pas toucher autant de monde qu’il voudrait. Le film est très émotionnel, mais les situations présentées restent très spécifiques et peuvent laisser certains spectateurs de côté. On peut aussi reprocher au film de rester dans la même mouvance que le précédent film de Joachim Trier, et donc que ce dernier ne tente pas de nouvelles choses.

Mais ce sont des défauts minimes sur cet excellent film qu’est Sentimental Value, proposant des thèmes forts, beaucoup d’émotions et des prestations incroyables, posant une fois de plus Joachim Trier comme un grand réalisateur représentant bien le cinéma de son pays.

Valeur sentimentale est présenté au FNC le 11 octobre 2025.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Affeksjonsverdi
Durée
135 minutes
Année
2025
Pays
Norvège / France / Danemark / Allemagne
Réalisateur
Joachim Trier
Scénario
Joachim Trier et Eskil Vogt
Note
7 /10

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Fiche technique

Titre original
Affeksjonsverdi
Durée
135 minutes
Année
2025
Pays
Norvège / France / Danemark / Allemagne
Réalisateur
Joachim Trier
Scénario
Joachim Trier et Eskil Vogt
Note
7 /10

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