Dry Leaf - Une

[TIFF] Dry Leaf – Une longue et lente recherche

« Avez-vous vu cette personne? »

Dry Leaf Director Alexander Koberidze
Alexander Koberidze

La photographe sportive Lisa disparaît sans prévenir, laissant derrière elle une lettre demandant à ne pas être retrouvée. Elle a été vue pour la dernière fois photographiant des terrains de football dans des villages reculés de Géorgie. Son père, Irakli (David Koberidze), incapable d’accepter sa disparition, se lance à sa recherche. Il fait équipe avec Levani, l’énigmatique meilleur ami de Lisa, et ensemble, ils parcourent la campagne, retraçant ses pas à travers des villages paisibles, rencontrant de bienveillants inconnus et discutant avec des enfants jouant au football.

Ce qu’ils découvrent n’est que des fragments de la présence de Lisa – des traces qui deviennent de plus en plus insaisissables à mesure qu’ils avancent. Alors qu’ils commencent à perdre espoir, un événement mystérieux leur offre un dernier indice, entraînant Irakli et Levani vers l’inconnu et ravivant une faible lueur d’espoir.

Avec Dry Leaf, Alexandre Koberidze offre un film expérimental qui, malgré sa lenteur et son image de mauvaise qualité, offre un voyage relaxant à ses spectateurs. Il s’agit exactement de ce que devrait être un film expérimental.

Une œuvre singulière

Écrire sur un tel film n’est pas une chose facile. Pas parce que le film est mauvais ou parce qu’il laisse de glace. Au contraire, il s’agit d’une œuvre fascinante qui pousse à se questionner sur le cinéma et la façon de raconter une histoire sur grand écran. 

Tout d’abord, je crois qu’il est pertinent de commencer par le négatif. La qualité de l’image est franchement terrible. Au début, ça me donnait envie de décrocher et de faire autre chose. On a l’impression que la caméra était trop loin et que tout a été filmé avec le zoom au max, ou que la caméra utilisée appartenait à mononc’ chose. C’était frustrant parfois de ne pas vraiment voir ce qui était à l’écran sans que l’objectif soit de ne pas voir. 

Dry Leaf - Un oeuvre singulière

Par contre, le format 4:3 donne un petit côté intemporel à ce film, ce qui fonctionne bien avec cette histoire. Mais ce qui rend ce long (très long) métrage intéressant et surtout vraiment différent, c’est comment le réalisateur utilise les acteurs et les personnages pour raconter cette longue enquête. 

Au début, je n’ai pas trop compris. Un plan typique servant à montrer deux personnages qui discutent s’affiche à l’écran. Mais on ne voit personne dans l’image. Le narrateur explique alors qu’il y a deux personnes qui parlent ensemble, mais qu’on ne les voit pas dans le plan. Sur le coup, je me dis : d’accord. Drôle de manière de nous présenter le narrateur et sa façon amusante de raconter ses personnages. Puis, Irakli discute avec Levani, mais je ne vois que le père. « C’est drôle, Levani est caché derrière la statue. » Puis, dans la voiture, encore lors d’une discussion, on ne voit qu’Irakli alors qu’on entend les deux voix. Puis, même chose avec d’autres personnages. L’homme est dans un champ et parle avec un autre homme qui n’est pas visible. Puis, une scène dans laquelle il parle avec des enfants que l’on voit cette fois-ci. 

Le réalisateur a décidé que certains personnages ne seraient pas visibles à l’écran. Pourquoi? Je n’ai pas la réponse, mais j’ai tout de même pris la peine de réfléchir à la question et j’ai quelques idées sur ses raisons. Peut-être est-ce une façon de montrer que ces personnes, ça pourrait être vous, moi, eux… n’importe qui. À moins que ce soit pour ajouter de l’emphase sur l’idée de disparition. Comme quoi aujourd’hui c’est Lisa qui est disparue, mais demain ce sera quelqu’un d’autre. Ou peut-être que je me pose trop de questions et c’est la façon qu’il a trouvée pour tourner son film alors qu’il n’avait pas d’acteurs pour jouer les autres rôles. 

Quelle que soit la raison, ce procédé amène à se questionner sur ce qui est nécessaire pour faire un film et comment on peut trouver d’autres façons de faire. Évidemment, ce choix dérange. Clairement, beaucoup de spectateurs vont détester. Mais il faut avouer que c’est franchement original et osé. 

Enquête

Au cœur de l’histoire, il y a l’enquête du père de Lisa. Cette enquête est possiblement une excuse pour traverser le pays et de montrer que parfois, bien peu est nécessaire pour arriver à ses fins. Par exemple, peu de matériel ou de membre de l’équipe technique pour faire un film. Mais aussi pour jouer au soccer. Les terrains que le personnage visite dans ce film sont presque tous composés de gazon et de 3 bouts de bois qui servent à patenter un but. Mais ça suffit aux jeunes qui s’y trouvent pour s’amuser. 

Dry Leaf - Enquête

L’enquête, donc, est aussi une façon de montrer que souvent, on ne sait pas vraiment où vont et comment les choses vont se terminer. Telle la balle de foot frappé d’une manière qui la fait zigzaguer vers le filet, une fois qu’elle commence à tomber, personne ne sait où elle ira – et c’est pareil pour les protagonistes. Ils ont un but, mais aucune idée précise de comment l’atteindre, alors ils se laissent guider par les circonstances.

D’ailleurs, pour apprécier ce film, il faut le regarder sans but précis, nous aussi. Plutôt que de chercher à arriver à un dénouement comme c’est souvent le cas, il faut simplement apprécier le voyage et se laisser guider sans savoir où on va. Mais au final, ça marche.

Un peu plus…

Ce qui est beau du cinéma expérimental, c’est qu’on ne sait jamais où ça nous mènera. Ça demande une grande ouverture d’esprit, mais souvent on en ressort avec quelque chose en plus. 

Dry Leaf - Un peu plus

En regardant Dry Leaf, on réalise que bien que les formules gagnantes existent et fonctionnent (souvent), sortir des schémas établis permet d’apprécier les choses autrement. Oui, il faut parfois persévérer. J’aurais pu arrêter le film après 10 minutes en me disant que c’est tellement laid que j’ai mieux à faire. Mais en persévérant, j’ai fini par découvrir une œuvre qui pousse les limites de la narration afin d’essayer autre chose. Est-ce que c’est gagnant? On pourrait certainement en débattre et avoir des arguments dans les deux sens. Mais c’est justement ce qui fait la force d’un film comme celui d’Alexandre Koberidze : ça attise les discussions.

Et je vous assure que malgré ses 3 heures (un peu plus en fait), Dry Leaf n’est pas long. Allez, et discutez-en! 

Dry Leaf est présenté au TIFF les 7 et 13 septembre 2025.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Dry leaf
Durée
186 minutes
Année
2025
Pays
Allemagne / Géorgie
Réalisateur
Alexandre Koberidze
Scénario
Alexandre Koberidze
Note
7 /10

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Fiche technique

Titre original
Dry leaf
Durée
186 minutes
Année
2025
Pays
Allemagne / Géorgie
Réalisateur
Alexandre Koberidze
Scénario
Alexandre Koberidze
Note
7 /10

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