« — You know, you talk…
— …like a normal child, yeah I know! »
[— Tu sais, tu parles…
— comme un enfant normal, oui, je sais!]
Mildred (Nell Fisher) est une Néo-Zélandaise précoce de 11 ans, enfant unique élevée par une mère célibataire, qui échappe à son existence monotone en s’immergeant dans des aventures littéraires. Sa quête longtemps rêvée est de capturer la preuve que la bête mythologique connue sous le nom de Panthère de Canterbury existe, une preuve qui lui vaudrait une substantielle récompense en argent.
Lorsqu’un accident survient et que sa mère est hospitalisée, son père longtemps absent et illusionniste en déclin, Strawn Wise (Elijah Wood), vient s’occuper de Mildred qu’il n’a jamais rencontrée.
Ce duo improbable accepte de partir camper ensemble pendant que la mère se remet. Une enfant qui a lu tous les guides de plein air mais n’a jamais campé, et un magicien plus à l’aise dans les bars de Las Vegas, se retrouvent ensemble pour l’ultime test de lien familial dans la nature sauvage de la Nouvelle-Zélande.
La croissance psychologique et morale d’un jeune protagoniste, de la jeunesse à l’âge adulte. Une histoire explorant les défis, les expériences et les leçons qui façonnent l’identité et la vision du monde du personnage principal. Bookworm coche bien toutes les cases d’un film coming-of-age (récit d’apprentissage) et déroule tout ce qu’il y a de classique dans sa construction.
Par-delà les plaines sauvages néo-zélandaises, on suit la (més)aventure en camping de la petite Mildred affublée de son père — Strawn- (Elijah Wood), un illusionniste rincé que la « magie » de la vie a jeté aux oubliettes. Bookworm, c’est aussi une inversion de rôles entre les deux personnages principaux. Le père complètement perdu et un brin naïf qui fait face à sa fille une « Bookworm » dotée d’une brutale honnêteté. Le film, plus qu’un récit d’apprentissage, s’apparente à une introspection des failles de la paternité et de la figure du père plus globalement.
Dans le sillage de son premier film, Call me Daddy (2019), Ant Timpson continue d’analyser cette thématique, mais cette fois-ci en pariant sur une comédie dramatique, plutôt que de continuer dans l’approche horrifique de Call me Daddy.
À la base de cette œuvre, une peur parentale, celle de ne pas être à la hauteur face au danger devant ses enfants souligne le réalisateur. En effet, devant les péripéties encourues par le duo, la peur de Strawn prend le dessus. Ce qui confère au film des moments bien amusants et un décalage de ton bien trouvé entre lui et sa fille dont la détermination est proportionnelle à l’inexpérience du père.
Et c’est bien là l’une des thématiques phares du film; c’est quoi être un père? Comment construire une relation parent-enfant en partant de zéro? Via sa vision, le réalisateur propose deux aventures, celle de Mildred à la recherche de sa récompense et celle de Strawn, faisant la connaissance de la paternité. Les deux comparsesse testent, se regardent, s’analysent, pour, au bout, s’amadouer comme la bête qu’ils tentent de chercher.
Si le film propose une aventure rocambolesque, des rencontres fortuites et de l’action censée nous attacher aux personnages et à leur quête, la réalisation d’Ant Timpson manque de saveur, de peps. Certes, Bookworm offre des paysages dignes d’un spot de l’office du tourisme, ainsi qu’une photographie rappelant quelque peu les films d’aventure familiale des années 70 avec sa teinte légèrement sépia. Cependant, le tout manque de contraste et d’épaisseur. Les scènes se suivent en tanguant dangereusement vers l’ennui, épuisant parfois les séquences tire-larmes mal amenées et les séquences d’action manquant d’intensité — comme celle du kidnapping — qui tombe comme un cheveu sur la soupe au lieu de rapprocher le père et sa fille.
L’œuvre se repose essentiellement sur cette relation père-fille qu’Ant Timpson tente de décrire, de déconstruire pour en sortir ses principes qui semblent parfois irrationnels. Mais aussi, afin de s’incruster dans les fissures psychologiques cachées de Mildred. Sa relation compliquée avec sa mère, le fait qu’elle reste toujours une enfant malgré ses connaissances, c’est la base même d’un récit d’apprentissage.
Si pour le père, la peur le fait tétaniser, alors que pour Mildred, elle l’oblige à avancer, l’alchimie entre les deux personnages ne crée pas vraiment l’élan promis pour ce genre de film. Cette démystification de la relation marche par à-coups. Les maigres prémices construites au début sont peut-être un signe. Malgré tout, les deux acteurs jouent très bien leur rôle, essaient de tenir la corde d’un scénario perdant de sa folie au fil des secondes et nourrissent quelques regrets au vu de son potentiel.
Les enfants d’hier ne ressemblent plus DU TOUT à ceux et celles d’aujourd’hui et on peut aisément dire la même chose pour les parents. Bookworm, c’est une sorte de madeleine de Proust pour son réalisateur qui égrène ses souvenirs d’enfance dans sa création. Ce film est, comme il le souligne, un hommage aux diverses œuvres qui ont jalonné son enfance, un miroir d’une époque qui semble révolue. Au final, on pourra dire qu’on ne devient pas parent d’un claquement de doigts, mais on apprend à l’être.
Bande-annonce
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