« I only use speed when I’m tryin’ to dodge people. »
[J’utilise la vitesse seulement lorsque j’essaie d’éviter les gens.]
Gwen Harbinger (Molly Bernard), une artiste solitaire d’une trentaine d’années, court chaque jour dans Central Park pour échapper à un passé qu’elle n’a pas encore pleinement affronté. Elle rencontre Hilary (Amanda Dickson), une jeune femme combative qui lui ressemble plus jeune, et Zephyr (Lucas George Nieves), un musicien profond, mais perdu. Dans un moment de nostalgie, Gwen les invite à séjourner dans son luxueux appartement. Alors qu’ils l’aident enfin à rentabiliser ses œuvres, Gwen est propulsée en territoire inconnu : visibilité, intimité et potentiel de succès. Mais alors que ses peurs refont surface, Gwen commence à perdre le fragile équilibre qu’elle a construit.
Avec A Nice Lady, produit par Pesticups Films, Jessie Weber Kass offre un portrait tout en finesse sur la mémoire, le contrôle et le risque d’être vraiment vu par autrui.
L’humain moderne est constamment à la recherche de l’équilibre. L’équilibre psychologique, l’équilibre émotionnel ou simplement l’équilibre des habitudes de vie sont souvent au centre des préoccupations des êtres que nous sommes.
Dans A nice lady, cette thématique est abordée de manière subtile au départ, ne mettant pas l’emphase sur cette recherche, mais plutôt en nous donnant des indices permettant de comprendre que l’équilibre dans lequel vit Gwen est fragile. La réalisatrice utilise divers moyens de montrer que le personnage galère. Par moments, ce sont des respirations longues et lourdes qui prennent le contrôle du son, comme on le ressent pendant un gros effort ou lors d’un moment de stress intense. À d’autres instants, ce sont des plans serrés qui permettent de faire passer une émotion, un sentiment d’insécurité.
Cette façon de jouer avec l’image et le son pour montrer et briser le fragile équilibre est utilisée avec intelligence afin d’éviter que ces changements deviennent une distraction. Au contraire, ils amènent le spectateur à ressentir les difficultés émotionnelles que vit Gwen.
La question qui trotte dans la tête du spectateur d’un bout à l’autre du court métrage est de savoir si le personnage principal réussira à protéger son équilibre mental ou si elle perdra le combat, combat qui semble être le plus important que vivent les hommes et les femmes à notre époque. Et pourtant, rares sont les réalisateurs et réalisatrices qui abordent ce thème de manière aussi efficace.
Autre point fort du film : la place qu’on donne aux femmes devant et derrière la caméra. En fait, « donner » n’est pas le bon verbe puisque ces femmes ne sont pas là par sympathie, mais bien pour leurs talents.
Avec un scénario qui sonne juste et une mise en scène qui mélange réalisme et poésie, Jessie Weber Kass donne tout ce qu’il faut à ses actrices pour qu’elles brillent. Et ces dernières répondent avec de solides performances. Jouer un personnage pour lequel on doit faire passer les messages et les émotions par le non verbal est toujours un grand défi. Défi que relève Molly Bernard avec juste assez de subtilité pour que le personnage soit réaliste sans être incompréhensible. Sans oublier l’équipe de production composée de Julie Deffet, Rachel Barclay et Noah Kass.
Encore plus importante, est la forte présence de femmes dans la production du film, sans que cela ne semble être d’une réelle importance. Je m’explique. Si on ne regarde pas le générique de fin, on ne saurait pas que l’équipe est principalement composée de femmes. Autrement dit, le nombre de femmes participants au film n’est pas une excuse pour faire une œuvre militante, mais simplement le choix des bonnes personnes dans les bons rôles. Comme quoi il serait peut-être temps que les Américains acceptent que les femmes et les hommes possèdent tout autant de talents les uns que les autres dans le milieu du cinéma.
En tant que cinéphiles, on veut plus d’œuvres comme A nice lady, qui explore les résidus émotionnels que nous transportons à travers le temps et la manière dont l’identité est façonnée non pas par de grands événements, mais par des rencontres subtiles et chargées. Et on veut avoir l’occasion de voir un premier long métrage de la part de Jessie Weber Kass.
Bande-annonce
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