« — T’as-tu déjà fait ça, torturer du monde?
— T’es le premier. »
Employée de bureau, Ella (Eva Prévost) a une obsession plutôt singulière : elle est accro aux vidéos de torture, mais elle a maintenant atteint un point où le voyeurisme ne suffit plus, et elle ressent le besoin de passer à l’acte.
Avec Désolé, pardon, je m’excuse, Estévan Morin propose une comédie absurde qui traite de nos obsessions perverses modernes.
Fantasia, ce n’est pas que du surnaturel et de l’horreur. C’est aussi les comédies noires et disjonctées. Et c’est exactement ce qu’est Désolé, pardon, je m’excuse.
En plongeant à fond dans l’absurde, le réalisateur prend un grand risque. Mais le sujet et le traitement qu’il en fait est réussi. Il joue avec l’humour absurde en évitant de tomber dans l’humour gras sans intérêt. C’est lorsque le genre de huis clos s’installe dans le chalet que le film prend son envol et donne au spectateur ce qu’il veut : rire.
Si le jeu des acteurs était un peu moins caricatural, tout serait parfait dans ce film à petit budget. Ce ne sont pas tous les acteurs qui manquent de subtilité. Par exemple, Luc-Olivier Boutet et Tobie Pelletier jouent dans le bon ton et permettent au spectateur d’embarquer dans cette histoire complètement folle.
Le jeu d’Eva Prévost est loin d’être parfait. Son ton fanfreluche tombe vraiment sur les nerfs. Mais elle réussit tout de même à donner une grande naïveté à son personnage, et ses répliques sont vraiment cocasses. Sa façon de passer de « je vais te torturer » à « oh non, est-ce que tu as mal, attends je vais aller chercher de la glace » donne un côté burlesque agréable et franchement drôle. Non, ce n’est pas facile d’être une psychopathe. 😉
Morin réussit à donner une belle montée à son film. Le début où on prend le temps de bien présenter chaque personnage principal amène le spectateur dans l’histoire de façon efficace. Il serait facile de perdre son auditoire en route avec ce genre d’histoire qui, pour certains, risque quand même d’être choquante.
Le gros de l’histoire qui se déroule au chalet est tout aussi efficace avec sa ribambelle de personnages tous aussi cons les uns que les autres. Bon, on reste avec cette impression fatigante que les personnages s’adressent à des enfants par moment à cause de la façon qu’ils parlent, mais bon… Le personnage de l’auteur de livre de croissance personnelle est simplement génial. On aime le détester. Il est exactement ce qu’on imagine de ce genre d’auteur.
La montée, donc, est excellente et on se retrouve dans une scène qui nous laisse imaginer un bain de sang final, à la Coen. Puis ça meurt au feuilleton. La scène de la langue est un beau moment raté. C’était le plan parfait pour donner juste une petite dose de gore qui aurait amené cette comédie un peu plus loin. Ce qui vient après n’est qu’une grande déception.
Honnêtement, ce film se laisse apprécier. J’ai passé un excellent moment. Si seulement le réalisateur avait été un tout petit peu plus loin afin de surprendre le spectateur, le résultat pourrait être tout autre. On pourrait même oublier le ton enfantin de certains personnages.
Je comprends que de faire un film avec un petit budget n’est pas évident et qu’on doit parfois sacrifier certains éléments. Peut-être que 20 000$ de plus auraient fait une grande différence ici.
Mais je dois tout de même souligner le courage et les idées qui sont projetées avec ce film. Morin ose aller là où les Québécois ne vont que très, très rarement. Espérons que ce film saura donner envie de créer d’autres œuvres qui misent sur l’absurde.
Désolé, pardon, je m’excuse est présenté au Festival Fantasia, le 30 juillet 2025.
Bande-annonce
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