« I have the stories. I have the memories. I still have the way he made me feel. I have him in all of this. »
[J’ai les histoires. J’ai les souvenirs. Je me souviens encore de ce qu’il m’a fait ressentir. Il est là, dans tout ça.]
La vie bascule lorsque Charlie, graphiste talentueux de 57 ans, père de famille et leader charismatique de la communauté, découvre que son récent trouble mental est dû à une forme précoce de la maladie d’Alzheimer. Son épouse, Heidi Levitt, est déterminée à mieux comprendre la maladie, à apprendre comment vivre pleinement malgré le diagnostic, à tracer une nouvelle voie et à documenter chaque étape de ce parcours. Pendant quatre ans, elle documente leur quotidien, ce qu’elle capture, alors qu’ils sillonnent le pays, témoigne de la force, de la résilience et de l’humour de l’esprit humain. Alors que les facultés cognitives de Charlie diminuent, son charme et sa personnalité chaleureuse prennent le dessus, éclairant ce qui aurait pu être un sombre voyage dans une histoire d’amour courant à sa fin. Le documentaire rappelle que la vie est avant tout une question de relations.
Dans une sensibilité et une transparence crue, Heidi Levitt nous ouvre les portes de son drame familial. Avec elle, on se balade aux côtés de son mari qui s’efface peu à peu, la mémoire s’envole, l’amour reste et nous, dans un mélange de voyeurisme et d’empathie, on assiste à un amour sincère. Walk With Me est un documentaire intime et bouleversant.
Walk With Me me fait énormément penser à Simon et Marianne (Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe) et même à Aftersun (Charlotte Wells). Un mélange de caméra assumée, de fin connue et inévitable et de témoins silencieux cachés au coin d’un corridor pour ne pas perturber l’harmonie de la scène. La caméra permet un témoignage éternel, elle permet à Heidi de faire perdurer Charlie dans le temps. En tant que spectateurs, on assiste à une multitude de dernières fois sans même le savoir. Chanceux de partager cette intimité avec le couple, on se demande si l’on devrait vraiment être là.
La caméra n’empêche aucunement Heidi de vivre ses derniers instants de bonheur avec l’amour de sa vie, bien au contraire, elle devient un troisième œil, une seconde nature. L’objectif donne un sens à ce cauchemar que traverse la petite famille. Impuissante, certes, Heidi se donne la mission de faire vivre l’image de Charlie intemporellement. Elle le dit elle-même, filmer lui est viscéral, c’est sa manière de faire la paix avec ce qu’elle vit, de l’accepter et surtout de se rendre active. Avec sa caméra en main, Heidi n’est plus témoin de la disparition progressive de son mari, elle devient partie prenante de cette déchirante épreuve qu’ils traversent, et transfert son rôle de témoin sur nous, spectateurs.
Bien que l’Alzheimer soit la cause du bouleversement familial que vivent Charlie, Heidi et leurs deux enfants, Walk With Me n’est pas un documentaire sur la maladie. Il se veut plutôt être le témoignage d’une famille qui tente de continuer à vivre le plus normalement possible leur changement de réalité. Le film est la preuve d’amour d’une famille unie qui tente par tous les moyens de vivre heureux, ensemble, malgré l’adversité, la maladie et la mort qui les guette.
Walk With Me est un des films les plus touchants que j’ai vus cette année. On navigue entre frustration, humour, peine, désespoir, mais on ne s’éloigne jamais de l’amour. Aussi cliché que cela puisse sonner, ça m’a fait un bien fou, même si mon cœur s’est tordu plus d’une fois pendant mon visionnement, de me rappeler que le point de la vie, le but et ce qui lui donne un sens, c’est l’amour et nos relations.
À travers les mots d’Heidi et ses images sincères, je dois dire que j’ai eu peur. Le documentaire nous confronte à la brutalité de la vie, à l’injustice de celle-ci. Cependant, après cette violente constatation, un baiser nous est déposé sur le front, nous rassurant avec une douceur sans fin.
En plus de cette caméra des plus intimes qui nous porte d’image en image pendant près de 1h30, on a le droit à une avalanche d’archives. Écrites, filmées ou photographiées, ces archives bercent le long-métrage. Comme Charlie, en tant que spectateur, le passé devient le présent, se fond à lui pour ne devenir qu’un. C’est un choix artistique puissant et ingénieux!
Walk With Me mérite amplement ses sélections de 2024 au Hamptons International Film Festival et au Woodstock Film Festival. Je vous recommande fortement d’aller le visionner! Il sera présenté le 29 juillet au TIFF Lightbox, en partenariat avec la Alzheimer’s Association International Conference (AAIC).
Une pause toute en douceur dans un quotidien effréné, voilà ce que nous propose cette expérience de visionnement!
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