On a cette image du cinéma sud-coréen de films de vengeance à la Oldboy, de grandes fresques sur les classes sociales à la Parasite, de films d’horreur bouleversant à la Tale of Two Sisters ou bien de grands divertissements intenses à la Train to Busan.
Il s’agit d’un cinéma qui est plus populaire et commercial là-bas, donc qui a plus de facilité à traverser les frontières internationales. Il existe cependant un cinéma plus indépendant, porté par des nouveaux venus qui tentent de faire leur place, mais qui ont moins la chance d’être distribués à travers le monde. Mais, heureusement pour eux, de nombreux festivals de films, comme ici Fantasia, ont l’amabilité de montrer leur film devant un public de cinéphiles curieux. C’est ce qu’ont pu vivre Yeum Moon-kyoung et Lee Jong-min, un jeune couple de cinéastes nouvellement fiancés (juste après la projection du film devant le public) avec Last Woman on Earth.
Le titre fait référence au scénario que présente Gu Hanah, dans lequel elle propose une histoire de vengeance satirique contre les hommes. Ses camarades sont dubitatifs, mais le commentaire le plus dur viendra de Song Cheol, jugeant son film de pure misandrie. Mais ce dernier reçoit également des commentaires négatifs sur son récit de vengeance grand public, notamment son manque d’authenticité. Alors qu’il croit que c’est à cause de l’absence de personnages féminins, il se tournera vers Hanah pour des conseils, en promettant de l’aider en retour sur son film.
Cette prémisse est le début d’un film particulièrement atypique. En effet, alors que l’on pourrait croire au début qu’il s’agit d’une histoire très terre-à-terre, les deux cinéastes n’hésitent pas à mélanger différents genres de films. On peut passer d’une comédie romantique à un drame plus intimiste, avec également des morceaux de films muets, de film d’animation et de comédie musicale, et tournant même vers le mockumentary. C’est une approche très intéressante, amenant le film dans des directions inattendues, surtout la partie faux documentaire.
Cependant, certains choix semblent trop inattendus. Par exemple, la séquence comédie musicale qui sert à raconter le passé d’Hanah. Le concept est intéressant et bien mis en scène, mais il n’y a pas de réelle raison pour que ça devienne un musical. C’est certes expliqué dans le film, mais juste après la scène en question, donc on reste confus du choix.
Mais Last Woman on Earth possède également un gros propos métatextuel sur comment faire du cinéma. Non seulement les deux réalisateurs sont les rôles principaux et incarnent d’aspirants cinéastes, mais ils se questionnent également sur comment écrire une histoire féministe, tout comme le film que l’on regarde, tout en traitant des dérives de l’industrie cinématographique, notamment le caractère toxique de certains grands réalisateurs qui s’approprient le travail des autres et poussent leurs collaborateurs dans des situations malaisantes, justifiant leurs actions grâce à leur célébrité. Le message féministe du film prend ici toute son ampleur, surtout en une période post #Metoo.
Le film est également une lettre d’amour au cinéma indépendant, rendant attachants ces jeunes réalisateurs qui ont de la difficulté à lancer leur carrière et qui font des films avec leurs propres moyens, devant travailler à temps partiel afin de financer leur film. Le dernier acte va totalement dans cette direction, comme dans ce moment où on leur dit que leur film ne passera nulle part, ainsi que dans un climax qui brise le quatrième mur, même si on peut se demander pourquoi avoir fait ce choix scénaristique.
Last Woman on Earth est un petit vent de fraîcheur sur le Festival Fantasia. Film atypique mélangeant plusieurs genres, il n’hésite cependant pas à parler de sujets graves, mais en apportant une touche d’espoir. Si certains choix de mise en scène restent confus, on a ici droit à un bon petit film indépendant.
The last woman on earth est présenté au Festival Fantasia les 19 juillet et 1er août 2025.
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