« We don’t stop playing because we grow old. We grow old because we stop playing. » [Nous n’arrêtons pas de jouer parce que nous vieillissons. Nous vieillissons parce que nous arrêtons de jouer.]
Des World Series of Board Games sur la « Las Vegas Strip » et remontant à l’ancienne Mésopotamie, The Hobby : Tales from the Tabletop est un portrait affectueux, axé sur les personnages, de l’énorme et diverse sous-culture des jeux de société. Avec une distribution fascinante de sujets charmants — y compris le « Roger Ebert des jeux de société », un philosophe des jeux de société qui fait de l’escalade, et une ornithologue au succès improbable —, les joueurs partagent leurs histoires personnelles de compétition, de compulsion, de créativité et de connexion. « The Hobby » explore la valeur du temps libre et découvre le sens profond des activités « insignifiantes ».
Avec The Hobby : Tales from the Tabletop, le documentariste Simon Ennis nous rappelle l’importance de jouer dans un monde changeant et bougeant de plus en plus vite.
L’utopie du jeu
De nos jours, l’importance du jeu, et plus particulièrement du jeu chez les adultes, n’est pas aussi remise en question qu’autrefois. Si jadis, un adulte jouant à un jeu quelconque (mis à part des jeux considérés plus « sérieux » tels que les échecs) puisse être vu comme un signe de paresse, voir d’immaturité (un adulte, ça travaille, et c’est tout!), il est généralement accepté dans la société occidentale que des passe-temps et le plaisir de jouer sous une forme ou une autre est essentiel au bon maintien de sa santé physique et mentale. Il ne sera donc pas inhabituel pour la plupart des gens comme vous et moi de se retrouver en famille ou entre amis et de mettre ses soucis de côté pour jouer une partie de quelque chose. On peut jouer sans avoir d’occasion, on peut jouer après le souper pour digérer (parce que comme le déclare un des intervenants, après avoir mangé, on fait quoi, on parle? Rien de plus ennuyant!), on peut se retrouver pour une journée entière de jeu comme nous pouvons faire une petite partie de cartes rapide à l’heure du lunch.
Tel que le font remarquer pratiquement tous les intervenants, le hobby des « board games » en est un intrinsèquement sociale (c’est pourquoi je préfère largement l’appellation française du terme, « jeux de société ») et un généralement accessible et abordable pour le commun des mortels.
Par contre, nous ne parlons pas dans ce film du commun des mortels; on parle de la crème de la crème, de gens qui vivent, mangent et respirent jeux de société. De collectionneurs à joueurs compétiteurs en passant par des concepteurs de jeux de société et même des philosophes et historiens, Simon Ennis met vite en avant la plus grande force de son documentaire, soit la grande variété d’intervenants et intervenantes proposés. Cela nous permet de mieux explorer comment un monde dont nous connaissons tous l’existence, mais pas nécessairement la profondeur (on parle tout de même d’une industrie qui génère plus de 11 milliards de dollars annuellement) de manière granulaire et stimulante. On nous raconte, souvent dans ces décors impressionnants dans lesquels des jeux de société sont empilés du plancher au plafond, qu’il est possible de faire de ces jeux un véritable mode de vie, même pour un « simple citoyen » qui ne travaille pas dans le milieu. On nous raconte que rares sont les passe-temps qui attirent une population aussi diverse en âge, race intérêts. On nous dit de ne pas nous en faire, que ces jeux sont conceptualisés avec des contraintes en tête, contraintes qui n’ont qu’un but en tête; nous amuser.
Tour de table
D’un point de vue cinématographique, The Hobby – Tales from the Tabletop (sous-titre sans doute ajouté pour différencier le film de The Hobby, autre documentaire sorti cette année, cette fois sur des collectionneurs de cartes) ne réinvente pas la roue. On suit en parallèle les différents intervenants dans leurs buts respectifs : par exemple, une trame se concentre sur un homme participant au premier « World Serie of Board Game », alors qu’une autre se concentre sur un écrivain qui tente de sociofinancer son premier jeu. Le tout est entrecoupé de portraits de type « talking heads » où des gens issus d’univers différents nous racontent leur passion pour les jeux de société. Si ces trames ne sont jamais ennuyantes étant donné la personnalité explosive des intervenants et la beauté des décors, le documentaire, de par sa nature propre, manque parfois de focus, ce qui représente souvent un problème pour les films du genre. Ce manque de focus, agrémenté par un montage montrant trop d’évènements en parallèles, fait en sorte que certaines trames finissent par ne pas être aussi intéressantes que d’autres, et d’autres deviennent trop prévisibles (oui, même pour un documentaire!). Cela ne veut pas dire que le film ne reste pas un plaisir à regarder, particulièrement pour les amateurs de jeux, qui remarqueront au passage l’apparition de plusieurs « célébrités » du milieu.
Une scène me reste particulièrement en tête, soit une où le philosophe mentionné plus tôt fait demander si le jeu est une perte de temps en soi, comme nous « n’accomplissons » rien. Il rétorque rapidement que dans une utopie où tous nos problèmes sont réglés, que nous reste-t-il à faire? Jouer, pour l’éternité. Il dit qu’en ce sens, est-ce que le jeu ne représente pas le sens de la vie? Un exercice de pensée simpliste, certes, mais amusant, à l’image des jeux dont il est question. En somme, même si vous n’êtes pas un mordu de jeux de sociétés compliqués, The Hobby – Tales from the Tabletop représente un film léger et charmant sur une sous-culture regorgeant de personnalité et de talent.
