« The neighborhood would be a race track without you. »
[Le quartier serait un circuit de course sans toi.]
Un père ordinaire (Tim Robinson) rencontre un voisin charismatique (Paul Rudd) et découvre les hauts et les bas de l’amitié et de l’amour sous toutes ses formes.
Ce matin, je me suis levé bien heureux de profiter d’une journée chaude pour me rendre à vélo au cinéma afin d’assister au visionnement de Friendship. Une nouvelle comédie écrite et réalisée par Andrew DeYoung mettant en scène Tim Robinson, Paul Rudd et Kate Mara (tellement content de la revoir au cinéma) dans un long métrage à propos de l’amitié, mais aussi des dessous de l’amour sous toutes ses formes. Parce que l’amitié c’est de l’amour au fond; les deux semblent indestructibles et ça ne prend pas grand-chose pour en ébranler les fondations et risquer de tout détruire (surtout si on ne sait pas s’excuser).
L’amitié n’est certes pas une chose simple. Soyons honnête, le degré d’affection que l’on peut porter à quelqu’un pour le mettre dans la case « ami » est l’une des zones les plus subjective, arbitraire et vaste. Est un ami celle ou celui qui a partagé nos souvenirs d’enfance et qu’on appelle encore toutes les semaines, mais l’est tout autant un voisin à qui on envoie la main en partant pour le travail; pourtant, l’un est ami proche et l’autre non. Encore une fois avec tous ces termes galvaudés, on se met même à douter de ce que proche veut dire dans l’expression « ami-proche ». Êtes-vous habillés ou tout nu? Vous habitez pas loin? Vous vous connaissez bien ou depuis longtemps?
Ce qui est agréable avec Friendship c’est que — comme dans les relations — c’est presque impossible de deviner où nous conduira la suite des évènements, même si avec le recul tout nous paraît beaucoup plus évident (la différence entre de la perspicacité et de la rétrospection). En relation je ne suis pas très perspicace tout comme le personnage de Craig interprété par Tim Robinson. On ne s’attendait évidemment pas à le voir incarner un homme ordinaire sans petites manies, mais ce n’est sans doute pas le rôle le plus coloré de sa carrière. Tout de même loin d’être sérieux, Craig reste une interprétation touchante et à laquelle il est étrangement facile de s’identifier. Il représente bien comment l’innocence et la naïveté d’un bon cœur sont aisément déstabilisées par des interactions sociales qu’on ne voit pas tous de la même manière ou que l’on n’entretient pas pour les mêmes raisons.
L’amour rend fou, et cela, tout particulièrement, lorsqu’il est sincère. La question demeure : « Mais qu’est-ce que l’amour sincère? ». On m’a dit qu’aimer sincèrement quelqu’un, c’est lorsqu’on réalise qu’on choisit de passer du temps avec cette personne malgré les malgrés, puisque l’autre sert à la fois de refuge et de défi dans lequel on sent que les deux grandissent. Je rajouterais à ça l’importance de la complémentarité et de ne pas chercher des gens qui ne font qu’aimer les mêmes choses; un ami ce n’est pas un clone ni un amoureux, d’ailleurs. On peut perdre une amie et ressentir autant de peine qu’avec une amoureuse. Ça me fait penser à un texte écrit par Annick Lefebvre intitulé J’accuse produit par le Centre du Théâtre d’aujourd’hui en 2015, ici même, à Montréal. Dans ce dernier, Madame Lefebvre livre un véritable cri du cœur incarné à travers ces femmes dont les paroles tombent souvent dans une sourde oreille ou qui n’ont tout simplement pas de voix.
Friendship est bizarrement venu me chercher à des endroits similaires au fond de mon âme. Vous savez, l’expression « personne n’est parfait » a toujours eu un drôle de son à mon sens. Elle est toujours convenable pour venir défendre celle ou celui qui l’utilise pour pallier ses quelconques manquements, mais rarement pour s’inviter à faire mieux la prochaine fois. L’incongruité de ces pensées par rapport aux actions répétées des humains qui les supportent créent des points de frictions, de pressions et, ultimement, de ruptures dans la psyché de la personne qui se fie sur les autres pour bien se comporter en société (spécialement dans un nouveau groupe). Sans vouloir me moquer, je crois sincèrement que la performance de Tim Robinson fait de Craig ce genre de type qu’il est facile de rejeter, d’écraser ou de remplacer.
J’admets que comme dans toutes comédies qui se respectent, le protagoniste finit par aller un peu plus loin que ce qui est socialement acceptable dans la réalité afin de réparer les pots cassés; en toute franchise, où est la comédie si on n’en rajoute pas un peu? C’est comme quand quelqu’un pète une coche, comme on dit, et que sa réaction semble démesurée face à ce qui arrive, alors que ce dernier et ridicule événement n’est que la goutte qui fait déborder le vase. Pour moi, c’est davantage l’image d’une cocotte-minute sur le point d’exploser qui représente le mieux les agressions quotidiennes qui assiègent l’esprit pour s’accumuler dangereusement jusqu’à l’éclatement. Ensuite, on les traite de fous furieux ou d’hystériques parce que c’est plus facile de guérir une folle que douze mille débiles. Plus besoin d’étouffer le monde dans des chambres à gaz, asteure; une bonne dose de gaslight et on en parle plus.
En ce qui a trait à l’aspect comique de Friendship, il y a un petit peu d’abus d’humour noir et de malaise vers la fin du film. À la longue, voir ce genre de blague basée exclusivement sur l’autodérision ou du moins ciblée sur un protagoniste maladroit, malhabile ou tout simplement mésadapté commence à taper sur le système. C’est un peu comme si on n’avait plus le droit de rire des autres sans passer pour un épais ou un méchant. N’oublions pas de rajouter à ça l’impression irrépressible que tout le monde le fait constamment, même si on nous dit de ne pas le faire. Alors, on n’a d’autres choix que de rire de soi. En comédie, la formule de la tête de Turque en est une éprouvée. Toutefois, cela devient lassant de voir la même brochette de gens parfaits tomber difficilement dans le spectre de la critique sociétaire — puisque leurs fautes sont trop subtiles et souvent sans réelles conséquences — et s’en sortir comme s’ils étaient des saints.
Cependant, c’est le propre de ce film d’essayer plus en poussant son public à faire de même en ce qui a trait à sa capacité à l’introspection et à la réflexion. Il n’y a pas de doute qu’Andrew DeYoung offre bien plus qu’une comédie facile, mais un essai philosophique sur les origines, les us et ultimement la fin d’une amitié (et d’un possible renouveau, qui sait?). J’ai aimé qu’on ne fasse aucune mention de difficulté identitaire ou de lutte des genres. Ce savant monsieur DeYoung aurait pu se contenter d’un dialogue avec des phrases comme : « les hommes ne sont pas tous des porcs » ou « les femmes aussi peuvent être nos amies, même si on sort avec », mais il n’en fait rien. Il laisse l’espace nécessaire pour réfléchir à tout ça, ce qui amène naturellement à continuer d’y penser une fois le film achevé, à la place de chercher comment parler d’autre chose.
Avec tout ça, je me demande si le cinéma étasunien n’est pas en voie de guérison. Une fois les Netflix et compagnie offrant un contenu de moins en moins large pour les abonnés de longue date (un moment donné, vous devez toutes les avoir vu les émissions, là?), ça laisse l’opportunité à des productions indépendantes de se faire connaître du grand public. J’ai souligné le retour sur le grand écran de Kate Mara que j’ai toujours adorée comme actrice, mais je salue la persistance de Paul Rudd qui va se donner — peu importe la production — à fond comme un vrai professionnel. Un film qui vaut la peine d’être vu et, cher lectorat, peut-être même à être revu!
Bande-annonce
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