Lucky star

Lucky Star – Ça ne te regarde pas!

« Mom, you don’t have to stay with him for us. »
[Maman, tu n’es pas obligée de rester avec lui pour nous.]

Lucky Star - Affiche

Lucky Star, de la réalisatrice calgarienne Gillian McKercher, nous montre un protagoniste hanté par les démons de son passé : victime d’une escroquerie et confronté à une dette fiscale importante qui risque de mettre en danger sa famille, Harold Terry Chen), surnommé « Lucky » en raison de son passé comme joueur de poker, ne voit plus aucune autre solution que de se remettre à jouer, au grand dam de ceux qui l’aiment… 

Un escroc qui fait tout vaciller 

Dans Lucky Star, tout commence par un mensonge – Lucky prie un ami de lui donner de l’argent, prétendument pour récupérer sa voiture qui a été remorquée, mais en vérité pour se financer la mise pour une nouvelle partie de poker clandestine. Le jeu, c’est une vieille dépendance dont il pensait s’être défait il y a longtemps et qui avait, dans le passé, mis sa famille en danger. Mais lorsque Lucky se voit confronter à une somme énorme d’arriérés d’impôts la vie qu’il s’est bâtie depuis son abstinence avec sa femme Noël (Olivia Cheng) et ses deux filles Grace et Jenny bouscule à nouveau. 

Même si son meilleur ami lui propose de l’aider pour qu’il puisse payer les impôts sur une base mensuelle raisonnable, Lucky reste obstiné et veut attendre pour qu’il puisse tout rembourser d’un seul paiement. Peu après il se fait duper par un escroc qui se fait passer par un employé de l’Agence du revenu du Canada qui exige qu’il fasse un premier virement instantané de 10 000 CAD afin d’avoir droit à un paiement échelonné de la somme restante. Lucky panique et fouille la maison : il sait où sa femme et sa fille ainée cachent leur argent, et saisit ainsi un peu moins que la moitié de la somme requise, mais suffisamment d’argent pour obtenir un prêt immédiat… Or, lorsque le lendemain le véritable agent de l’ARC appelle pour discuter avec lui de ses « options », Lucky se rend compte de ce qui lui est arrivé, de sa naïveté et de la gravité de la situation : celle d’avoir tout perdu. 

Lucky star
Lucky panique et donne tout son argent à l’escroc

Au début, il essaie de dissimuler la situation précaire devant sa famille et ses amis, mais bientôt elle devient apparente : il ne peut plus payer le dîner en famille, la carte de crédit est à découvert au maximum, la voiture est remorquée puisque les différentes petites contraventions n’ont pas été payées… Pour gagner de l’argent le plus rapidement possible, il se remet au poker, à l’insu de sa famille et de ses amis. Et pour avoir assez de mise, il raconte des mensonges à son entourage, notamment à son ami Darren et à sa fille Grace, pour emprunter de l’argent. Mais bien évidemment, ils le connaissent et le soupçonnent d’avoir recommencé à jouer, ce qui remet au péril la relation qu’il entretient avec eux : le mariage déjà tendu se détériore au point que le couple se fait mutuellement des reproches blessants : Noël reproche à son mari de ne pas savoir gérer l’argent. Furieux, Lucky lui reproche de manquer d’intelligence :

Stop talking to me like I’m stupid. Yes, you can trust me to pay for my own fucking speeding ticket.
Put yourself in my shoes. It’s a little hard to leave you in control of our finances after everything, all things considered.
Why are you always hanging that over my head? Maybe you wouldn’t worry so much if you could use a fucking calculator.

Arrête de me parler comme si j’étais stupide. Oui, tu peux me faire confiance que je paie mes putains de contraventions.
Mets-toi à ma place. C’est un peu difficile de te laisser le contrôle de nos finances, après tout.
Pourquoi me fais-tu toujours ce même reproche? Peut-être que tu ne serais pas si inquiète si tu savais utiliser une putain de calculatrice. 

De même, Darren, son meilleur ami à qui Lucky demande souvent de l’argent, se fait des soucis et l’interpelle : 

Dude, what’s going on with you?
I’m just having a run of bad luck.
This isn’t a run of back luck. This is you! I can’t keep bailing you out like this. It’s crazy. We’re not in our 20s anymore!

Mon gars, qu’est-ce qui se passe avec toi?
Je n’ai pas eu de chance, c’est tout.
Ce n’est pas un coup de malchance. C’est toi! Je ne peux pas continuer à te sortir de là comme ça. C’est fou. On n’a plus la vingtaine!

Lucky-Star-Un-escroc
Darren est inquiet pour son ami Lucky

Pour finir, Grace se voit assaillie à son lieu de travail par son père cherchant désespérément de l’argent. Elle le supplie d’abandonner les jeux et d’utiliser ses économies afin de rembourser les dettes. Têtu, Lucky s’y refuse… 

Bientôt, Noël n’en peut plus et met Lucky à la porte. Arrivera-t-il à regagner le contrôle sur sa vie et à en finir avec les mensonges et les jeux de hasard? 

Une histoire de classe

Sans s’afficher comme un film sur la migration, Lucky Star présente deux adultes de la deuxième (?) génération d’Asiatiques immigrés au Canada qui occupent des postes mal payés et peu prestigieux. Harold travaille dans un magasin de réparation de cellulaires tandis que sa femme Noël est vendeuse dans une boutique de mode pour hommes. Si leur fille Grace fait des études supérieures, les parents n’ont pas eu l’occasion de s’éduquer. Perdre autant d’argent, perdre toutes les économies d’une minute à l’autre remet en question leur survie quotidienne puisque l’argent leur manquait bien avant le drame. Ceci se voit surtout au comportement de Grace qui, peu avant son diplôme et alors qu’elle devrait profiter de chaque minute pour étudier, travaille des heures supplémentaires afin de soutenir la famille. Si son copain Colt, issu d’une famille plus aisée, compte voyager en Bolivie pendant quelques mois après la fin des études, Grace ressent l’obligation de rester et de chercher un emploi solide tout de suite après le diplôme. En ce sens, Lucky Star parle aussi de classe et de discrimination sociale. Observatrice attentive de sa propre famille et de celles qui l’entourent, la réalisatrice Gillian McKercher s’intéresse aux anti-héros : 

Lucky star
Noël ne peut plus vivre comme ça – Lucky réussira-t-il à reprendre sa vie en main?

« My aim is to present morally complicated characters that audiences can see being pushed and twisted by their circumstances. I hope to challenge viewers to empathize with conflicted characters, look into the cracks of how “traditional” families operate, and think about what getting “ahead” means to them. »

[Mon objectif est de présenter des personnages moralement compliqués que le public peut voir poussés et perturbés par les circonstances. J’espère inciter les spectateurs à éprouver de l’empathie avec de tels personnages en conflit, à regarder dans les failles de comment des familles « traditionnelles » fonctionnent et à penser à la question de savoir ce que « avancer » signifie pour elles.]

Montrer la psychologie des gens

Retenons ceci pour conclure : Lucky Star est un film excellemment réussi. Le jeu des acteurs est simplement fantastique, touchant et authentique, le décor – l’hiver glacial – souligne merveilleusement bien la situation tendue à l’intérieur de la famille, tension que le sapin de Noël décoré et illuminé en arrière-plan ne saura pas dissimuler. À ceci s’ajoutent les dialogues poignants qui permettent une analyse précise des relations humaines et des sentiments éprouvés les uns pour les autres. La tension intensifiée entre les personnages est mise en lumière par des plans qui passent de gros plans à de très gros plans au fur et à mesure que les altercations, notamment entre Lucky et sa femme, avancent. C’est un travail de caméra impressionnant!

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Lucky star
Durée
85 minutes
Année
2024
Pays
Canada
Réalisateur
Gillian McKercher
Scénario
Gillian McKercher
Note
10 /10

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Fiche technique

Titre original
Lucky star
Durée
85 minutes
Année
2024
Pays
Canada
Réalisateur
Gillian McKercher
Scénario
Gillian McKercher
Note
10 /10

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