Le réalisateur activiste Reid Davenport revient à Hot Docs après I Didn’t See You There (Hot Docs 2022) où il questionnait dans un documentaire filmé de son point de vue, assis dans son fauteuil roulant, la connivence entre le manque cruel d’accès pour les personnes comme lui dans les espaces publics et l’héritage du Freak Show dans les consciences collectives. Son dernier film, Life After, est un brûlot politico-social qui rétablit une part de vérité biaisée, quitte à malmener l’image des institutions des États-Unis et du Canada prétendant protéger et fournir les soins nécessaires aux personnes handicapées.
Tout commence avec les images d’archives d’un procès célèbre aux États-Unis au début des années 1980 : celui d’Elizabeth Bouvia touchée par une quadriparésie qui demandait le droit d’être assistée à mourir alors qu’elle était internée dans un hôpital psychiatrique. Les médias se sont emparés de l’affaire à l’époque qui est devenue une affaire d’État jusqu’au jugement final où on a refusé que l’institution médicale l’aide à mettre fin à ses jours. Ces images hantent le réalisateur Davenport tout au long de son film, tellement qu’il se met à la recherche d’Elizabeth Bouvia, figure américaine du mouvement du droit de mourir dont sa fiche Wikipédia indique qu’elle est toujours en vie. Qu’est-ce qu’elle devenue? Y avait-il d’autres facteurs que son handicap qui l’ont incité à vouloir mourir? Où en est la législation sur l’assistance médicale à mourir?
Life After nous emmène à travers les États-Unis et le Canada, en Ontario, où vit une personne handicapée motrice qui a souhaité recourir à l’aide médicale à mourir (AMM). Depuis son adoption en 2021 par le Parlement, il est possible au Canada pour les personnes ayant un problème de santé grave et irrémédiable de mettre fin à sa vie. En 2022, plus de 13 000 cas d’aide médicale à mourir ont été déclarés au Canada, ce qui représente 4% de tous les décès dans le pays. On apprend à travers les divers témoignages, que c’est en réalité la détresse, la pauvreté, l’isolement, la pénurie de soins et de moyens alloués aux personnes handicapées qui les conduisent à utiliser de plus en plus l’AMM. Cette pratique très prisée au Canada, promue par des campagnes publicitaires que Davenport insère habilement dans son montage, voit sa demande croitre d’année en année. Il est même devenu plus facile, entend-on dans le film, de trouver un organisme qui aide à mourir qu’un praticien ou un organisme pour aider les personnes en souffrance. Davenport montre la face cachée d’un système biaisé qui, sous ses airs humanistes de donner le libre-choix aux personnes concernées d’arrêter leur souffrance, entretient un système de santé sous-financé et déséquilibré ne laissant pour les plus vulnérables pas d’autre choix. Les économies engendrées pour le pays sont énormes : en légalisant l’AMM, les investissements financiers pour ces populations baissent à mesure que leur espérance de vie diminue.
Si le tableau n’est pas à l’avantage des institutions politiques et médicales, et rappelle les pages sombres de l’Histoire, la force de Life After est de ne pas prendre parti et de ne pas s’opposer foncièrement à l’AMM. Mêlant archives, entretiens, réflexions personnelles, Davenport a le génie de remettre la question de l’assistance médicale à mourir dans le débat public, en rappelant avec véhémence que le problème n’est pas tant le handicap pour les personnes handicapées, mais la discrimination systémique avec les violences sociales, physiques ou psychologiques envers elles qui se perpétuent depuis la nuit des temps.
Life after est présenté au Hot Docs, les 26 et 29 avril 2025.
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