Death of a Unicorn - Une

Death of a Unicorn — Licorne ou Destrier noir?

« Aren’t you the most magnificent thing! »
[N’es-tu pas la chose la plus magnifique!]

Death of a Unicorn - Affiche

Alors qu’ils sont en route vers une retraite fermée de ressourcement, un père (Paul Rudd) et sa fille (Jenna Ortega) percutent et tuent accidentellement une licorne. C’est alors que le patron milliardaire d’une compagnie pharmaceutique (Richard E. Grant) tente par tous les moyens d’exploiter les propriétés guérissantes miraculeuses de la créature.

Saute-licorne

De nos jours, la culture étasunienne n’est certes plus à son pinacle. En effet, l’étendard de prospérité pour l’humanité que les États-Unis brandissaient fièrement à la face du monde n’a plus du tout la même signification. Pourtant, il fut un temps où nos voisins du Sud avaient tout de même à cœur de promouvoir une image bienveillante. À mon sens, au début du 19e siècle, les esprits s’échauffaient déjà beaucoup chez nos confrères et consoeurs nord-américains. Leur envie croissante à contribuer bénéfiquement à l’existence — parfois, cruelle — des êtres humains sur Terre, les mena dans un conflit d’où émergea une notion de paix et de prospérité. Pendant environ cent ans, on peut dire que cette civilisation aura — pour le meilleur et le pire — offert une des visions les plus tangibles d’un futur unificateur (si on oublie les bombes nucléaires). Cependant, n’était-ce pas justement ça le « rêve américain »; et, comme tout bon songe, dont il fallait inévitablement se réveiller?

Le 8 mars 1965, il y a déjà 60 ans de cela, 3500 soldats marines débarquaient sur les côtes de Da Nang annonçant le début de l’ingérence étasunienne dans un conflit opposant le nord et le sud du Vietnam. Grosso modo, une guerre civile non bien différente de celle de 1861-65 — le 9 avril pour être plus précis — qui eut lieu aux États-Unis, à la différence qu’aucune force extérieure ne s’interposa dans leur déboire. Au lendemain d’un centenaire passé à avoir instauré la paix chez eux, voilà qu’une émotion s’emparait insidieusement de la nation. Soyez assurés, cher lectorat, de mes connaissances en matière d’impérialisme ou d’ingérence étasunienne et que je ne nie en aucun cas les nombreux conflits auxquels ils ont participé. Tout de même, quelque chose avait changé chez eux.

Ne vous inquiétez pas, j’arrive à Death of a Unicorn (Bravo A24 de supporter le cinéma d’auteur et indépendant). Néanmoins, j’aime y aller avec une approche un peu plus holistique. Je mentionne tout ceci parce qu’à l’université, un de mes professeurs de cinéma avait amené une théorie entourant la renaissance de l’horreur du milieu des années 70 à la fin des années 80 aux États-Unis. Quel événement traumatisant avaient-iels pu tous vivre collectivement qui transformèrent à jamais leur façon de voir le monde ainsi qu’eux-mêmes. Un peu comme en 1865 alors qu’Abraham Lincoln se prenait une balle dans la tête, ou en 1963 lorsque John F. Kennedy subissait un sort similaire, mais cette fois-ci devant toute la population qui l’a vu en direct se répandre de tout son génie sur la route de Elm Street; un vrai cauchemar, en effet. Par deux fois, l’attentat venait de l’intérieur du pays et comble du hasard, on est passé proche encore avec le nouveau président il n’y a pas longtemps. Par trois fois, ce n’est plus du hasard, vous le saviez?

Transition

Revenons à nos moutons, car le reste j’aimerais que vous le découvriez vous-même. Je vous avouerai avoir eu quelques attentes lorsque, ce 20 mars, j’allai au visionnement de Death of a Unicorn. Sans farce, je voulais tellement voir ce qu’Alex Scharfman avait bien pu concocter de si incroyable pour qu’une aussi belle brochette d’acteurs soit de la partie, que je me retrouvai au cinéma une journée plus tôt pour me faire dire que ma ponctualité n’égalait en rien celle d’un magicien et que je pouvais toujours assister à Snow White en primeur si je le désirais; je passai mon tour (pas question de me prendre les pieds dans cette polémique à ce stade-ci). Comme le Petit Prince dans la comptine pour enfants; puisque c’est comme ça, je reviendrai jeudi. 

Death of a Unicorn - Transition
Le père (Paul Rudd) et sa fille (Jenna Ortega)

Jeudi matin, je me retrouvai, cette fois, au bon endroit et au bon moment. L’introduction de Death of a Unicorn était particulièrement prenante. Après tout, on présente Eliott et Ridley, interprétés par Paul Rudd et Jenna Ortega, face à une situation assez imprévisible et saugrenue. Le duo père-fille happe de plein fouet un animal qui traversait la route d’une réserve naturelle détenue par un riche milliardaire en se rendant à son manoir pour signer de gros contrats. L’animal en question semble posséder toutes les caractéristiques de la créature mythique la plus populaire en occident : la licorne. Jusqu’ici tout allait bien (sauf pour la licorne bien entendu), mais j’eus un mauvais goût dans la bouche au moment où Ridley s’approcha de la bête souffrante. Je ne saisis pas toujours ce genre de comédie noire.

Premièrement, un animal qui souffre le martyre, c’est loin d’être agréable à voir et surtout à entendre. Deuxièmement, j’espérais que le plan de la main d’Ortega se dirigeant lentement vers une corne pour l’empoigner serait le seul comme celui-là; hélas. Troisièmement, la vision de Ridley alors qu’elle se mélange avec l’esprit de la licorne c’est… C’est clairement juste du flafla fait par ordinateur qui – même si je pense qu’il s’y réfère – n’a rien à voir avec la scène de 2001 : A Space Odyssey. Au contraire, j’avais plutôt l’impression d’assister à une reprise des génériques d’introductions des films Spiderman de Sam Raimi. Quatrièmement, on nous arrache subitement du royaume magique du télescope James Webb pour voir Eliott écrabouiller le crâne de la licorne avec une clé à molette télescopique (clef, c’est pour les serrures) pour l’achever. Le titre s’affiche à l’écran me laissant à la fois dégoûté et perplexe. 

Capital de risque

J’ai eu du mal à apprécier l’entièreté de l’œuvre, car même si l’image n’égalait en rien le gore absurde du film Terrifier , il y avait quelque chose de… disons inutilement choquant. Quoi qu’il y avait malgré tout, place à la réflexion de ce côté. Pourquoi une licorne? Cette question me trottait dans la tête du début à la fin du film et même après. Les Anglais ont cette expression : « killing a unicorn » qui signifie — en affaire — mettre un terme à un projet prometteur, mais qui ultimement s’avère irréalisable, trop ambitieux, ou juste loufoque. Impossible pour moi de ne pas voir le lien entre cette définition et la narrative principale de Death of a Unicorn confrontant les protagonistes à cette famille de milliardaires débonnaires et déjantés. Le roi, la reine, et leur pédant prince — respectivement interprétés par Richard E. Grant, Téa Leoni et Will Poulter — croient pouvoir monétiser les miracles curatifs de la défunte licorne et renflouer les coffres de leur pharmaceutique. C’est sans surprise qu’Eliott et, surtout, Ridley tenteront d’empêcher les Leopolds d’exploiter et de monopoliser une créature qui devrait demeurer sauvage et libre de l’emprise de l’homme.

Death of a Unicorn - Capitale de risque

Je le redis, les acteurs étaient remarquables et sans eux le film d’Alex Scharfman deviendrait tout simplement chaotique. Cependant, tous semblent avoir possédé leurs personnages avec une authenticité foudroyante. Un applaudissement bien spécial pour Anthony Carrigan dans le rôle du major d’homme Griff, qui offre une performance à des années lumières de l’inquiétant Frédéric dans McVeigh non pas au niveau qualitatif, mais plutôt sur le type d’interprétation. Toutefois, plus je me focalisais sur le jeu des acteurs plus il m’était impossible d’ignorer — permettez-moi l’anglicisme — l’éléphant dans la pièce (ou la licorne) : Ortega stagne dans une performance ordinaire qui laisse douter de sa capacité à… pousser la note. Était-ce son rôle lui-même qui ne lui permettait pas d’être en osmose parfaite comme ses congénères y parvenaient? J’omets Paul Rudd qui tentait sans cesse de créer un pont métaphorique entre le jeu d’Ortega et le reste de la distribution, mais avec un succès limité. 

Au final, quand on réalise tout l’argent qui roule à Hollywood, une enfant Disney doit équivaloir à une entreprise prometteuse, non? Qu’arrive-t-il lorsque les enfants vedettes ne rapportent plus? N’oublions pas non plus que Death of a Unicorn évoque aussi le ridicule de la politique et du rêve américain, car il y a ultimement peu de gens qui en profitent pour un souhait qui — à la base — se voulait global. C’est avec cette ironie que monsieur Scharfman conçoit cette œuvre hommage à l’arrogance de poursuivre une voie qui conduit tout droit à notre perte, surtout lorsque l’on constate que même les licornes peuvent être un danger (surtout celles avec un toupet orange). Pas mon film de l’année, mais j’espère qu’il saura vous divertir au moins durant ses 104 minutes. Il n’y a pas de mal à renoncer à une idée avant qu’il ne soit trop tard pour rebrousser chemin.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Death of a Unicorn
Durée
104 minutes
Année
2025
Pays
États-Unis
Réalisateur
Alex Scharfman
Scénario
Alex Scharfman
Note
6.5 /10

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Fiche technique

Titre original
Death of a Unicorn
Durée
104 minutes
Année
2025
Pays
États-Unis
Réalisateur
Alex Scharfman
Scénario
Alex Scharfman
Note
6.5 /10

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