« Tu vas au bal demain soir? »

Totone (Clément Faveau), 18 ans, passe le plus clair de son temps à boire des bières et écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la réalité le rattrape : il doit s’occuper de sa petite sœur de 7 ans et trouver un moyen de gagner sa vie. Il se met alors en tête de fabriquer le meilleur comté de la région, celui avec lequel il remporterait la médaille d’or du concours agricole et 30 000 euros. 

Ce premier long-métrage de Louise Courvoisier nous plonge dans l’univers jurassien, par le biais du parcours d’un adolescent fils d’agriculteur, Totone, brusquement confronté à la réalité du monde des adultes. À la fois empreint d’une mise en scène dynamique et qui s’inspire du documentaire, ce film retranscrit avec brio l’ambiance et les gestes du travail agricole.

Un quotidien bouleversé 

La réalisatrice nous introduit dans un pan du monde rural dès les premiers plans de ce long-métrage. Des images d’un veau filmé dans une voiture, nous suivons ensuite le parcours d’un homme dans une fête de village, passant auprès de différents stands, animations et groupes de personnes. Ce travelling inaugural nous amène à découvrir Totone, une cigarette aux lèvres, parmi des adolescents entonnant « La danse du Limousin ». Cette scène d’exposition est assez exemplaire, sans multiplier les effets visuels pour autant. 

Il est difficile de ne pas penser au genre des westerns, au sein desquels les paysages font presque figure de personnages, et où les premiers plans introduisent les héroïnes et héros, ainsi que leurs positionnements au sein de ces espaces. À la suite d’une rencontre avec une jeune fille à cette même fête de village, le père de l’adolescent le récupère et le ramène à la ferme. 

Un bal organisé, où va se rendre Totone au cours des jours suivants, va cependant avoir des conséquences dramatiques pour ce personnage, qui devra ensuite travailler, limiter les sorties avec ses amis et s’occuper de sa petite sœur, Claire.

Entre western et documentaire 

Si la scène d’ouverture est filmée comme pourraient l’être les premiers plans d’un western, beaucoup d’éléments reliés à l’univers agricole peuvent être rapprochés des films documentaires, dans la manière de filmer les gestes et habitudes du quotidien. Ce rapprochement avec le réel s’est également manifesté par la volonté de la réalisatrice de choisir uniquement des comédiennes et comédiens non professionnels, et pour les deux personnages principaux, des jeunes issus du milieu agricole. 

La détermination pour Totone de participer au concours du meilleur Comté se traduit par l’apprentissage des gestes et techniques de fabrication du fromage. Pour cela, il sera aidé de deux de ses amis, afin de parvenir à récupérer du lait de différentes fermes, et ce, de façon malhonnête. Mais l’apprentissage, à l’adolescence, passe aussi par la découverte de l’autre, les premiers émois et les déceptions, que ce personnage va aussi bien rencontrer que provoquer. La rencontre avec Marie-Lise sera salvatrice pour Totone, cette dernière étant davantage mature et réaliste que lui. Dans la deuxième partie du film, la scène de l’accouchement du veau va provoquer une suite de réactions qui ne seront que les conséquences du comportement critiquable du jeune héros, par ailleurs déterminé et volontaire. 

Deux autres personnages féminins vont l’aider à évoluer : sa petite sœur de 7 ans, débrouillarde et attachante, ainsi qu’une professionnelle de la confection du Comté, auprès de laquelle il observera puis apprendra les gestes professionnels.

Avec ce premier long-métrage, Louise Courvoisier parvient donc à insuffler du renouveau au sein du cinéma français, par une approche à la fois naturaliste et fictionnelle. L’incursion par le réel passe par un retour aux origines (le Jura), un milieu professionnel particulier (le travail agricole) et le choix des comédiennes et comédiens. Mais la mise en scène, le dynamisme et le rythme de l’ensemble restent éminemment cinématographiques. Il en résulte un mélange harmonieux, pour des débuts très prometteurs.

Bande-annonce