« We have to realize as an industry, that what we have generated is like an oil spill. » [Nous devons prendre conscience, en tant qu’industrie, que ce que nous avons généré est comme une marée noire.]
Le célèbre créateur de mode japonais Yuima Nakazato est une figure incontournable du mouvement de la fabrication éthique. Deuxième créateur japonais invité à la Fashion Week Haute Couture de Paris, il s’attache à allier sa vision artistique unique à une technologie durable et écologique.
Dust to dust, de Kosai Sekine, retrace le parcours de Nakazato vers une mode socialement responsable, des décharges du Kenya aux défilés parisiens. À travers ses créations éthérées, Yuima Nakazato propose une réinvention radicale de l’industrie de la mode, mettant en avant un avenir où créativité et respect de l’environnement vont de pair.
Qui est Yuima Nakazato
Diplômé de l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers, Belgique en 2008, Yuima Nakazato fonde sa propre marque en 2009. Il a été sélectionné comme créateur invité officiel de la collection Haute Couture de Paris.
Ces dernières années, il a conçu les costumes du nouveau ballet du Boston Ballet, La Mer, créé par la chorégraphe néerlandaise prometteuse Nanine Linning, et a récemment annoncé sa première exposition personnelle à Calais, en France, devenant ainsi le premier créateur japonais à le faire.
Yuima Nakazato
Nakazato place au cœur de ce documentaire sa collection INHERIT, conçue à partir de 150 kg de textiles récupérés dans la plus grande décharge du monde, située au Kenya.
Dust to dust permet au spectateur d’en apprendre non seulement sur Nakazato, mais aussi sur la trace environnementale que laisse le monde de la mode et des vêtements.
75%
On pourrait diviser ce documentaire en deux parties bien distinctes. Dans la première partie, on suit Nakazato au Kenya afin de comprendre ce qui advient des vêtements qui ont été produits, mais jamais achetés. Dans la deuxième, on est de retour à Tokyo, et on suit l’évolution de la création de la nouvelle collection du designer.
C’est la première partie qui est la plus intéressante. Le créateur explique, à l’aide des personnes qu’il rencontre au fil de son parcours, à quel point le problème des déchets est grave. On parle aussi du fait que le concept de déchet est quelque chose que les humains ont créé. C’est parce que le concept de déchet n’existe pas dans la nature. Alors, ne pouvons-nous pas prendre plus au sérieux ce que nous considérons comme des déchets en tant que nouvelles ressources?
Un dépotoir à vêtements au Kenya
On parle évidemment des déchets spécifiques au domaine du vêtement. Saviez-vous que 75% des vêtements confectionnés se retrouvent à la poubelle avant même d’avoir été portés? Quand on parle de surconsommation, on oublie de parler de surproduction. Et où se retrouvent presque tous ces vêtements inutiles? Dans un dépotoir au Kenya…
Le réalisateur nous fait visiter non seulement les centres de tri de ces vêtements, mais aussi les dépotoirs où la majorité des produits terminent leur vie. Sans faussement dramatiser, mais sans embellir non plus, il présente des Kenyans qui donnent leur point de vue et offre leur expertise afin que le spectateur puisse comprendre la réalité sous différents angles.
Ce voyage amène non seulement une prise de conscience chez le spectateur, mais aussi chez Nakazato. À un certain moment, on voit bien qu’il remet en question tous ses choix de carrière. Mais il poursuit, car il croit que c’est en montrant la voie plutôt qu’en sermonnant que les choses finiront par changer. Puis on passe la deuxième moitié du documentaire à suivre la création de la collection.
En suivant le processus de production de Yuima pour la Fashion Week de Paris, on découvre également que le Japon dispose d’une technologie révolutionnaire qui s’attaque aux principaux problèmes sociaux auxquels est confrontée la mode. Serait-il enfin possible de recycler les vêtements?
Un peu plus…
Malgré son format plutôt classique, Dust to Dust amène le spectateur en dehors des sentiers battus. On ne se contente pas de sermonner ou d’énoncer les problèmes, mais on présente des solutions. Et encore plus important, on montre un résultat réel de ces solutions.
Yuima Nakazato au Kenya
Est-ce que ce film aidera à révolutionner l’univers de la mode? J’en doute. Mais s’il permet d’ouvrir les yeux de quelques personnes, peut-être qu’il pourra avoir un petit impact sur l’empreinte écologique de la production de vêtements. Qui sait…
Quoi qu’il en soit, ce documentaire mérite d’être vu.
Dust to dust est présenté au Festival International du Film sur l’Art, le 19 mars 2025.
