The Heart Eyes killer from Screen Gems and Spyglass Media Group's HEART EYES. photo by: Christopher Moss

Heart Eyes — Pleurer des larmes de sang

« We end it here! »
[On arrête ça là.]

Heart eyes - affiche

Deux collègues de travail sont pris pour un couple par un meurtrier à San Francisco le jour de la Saint-Valentin. Obligés d’échapper au tueur, ils naviguent dans le paysage romantique de la ville tout en travaillant ensemble pour survivre.

La pire « date » de l’histoire

C’est un rendez-vous raté qui a inspiré Josh Rubben à créer Heart Eyes. C’est l’ironie suprême que ce fut pour moi une soirée similaire que d’aller voir ce film. Je m’étais préparé pour l’occasion depuis des semaines, j’avais réussi à dégoter exceptionnellement un deuxième billet pour l’avant-première que j’avais envie de partager avec quelqu’un; une personne avec qui, à ce moment, je croyais avoir une bonne chimie, depuis le temps. Tout était prévu et comme de fait la journée commença sur un bémol. Mon rendez-vous était particulièrement triste, chose à laquelle je voulais remédier en me disant « ce soir ça va être bien. On va être bien ensemble. » Tsé? Toutefois, il y a des jours où tout va mal, pas toujours pour soi-même, des fois ce sont les autres aussi. Tous ces efforts pour rendre l’autre à l’aise, écouter et lui démontrer de l’empathie, en vain. Je n’arrivais tout simplement pas à me faire sentir présent — vous savez; là, ici, maintenant — et la soirée allait de mal en pis. 

Olivia Holt and Mason Gooding star in Screen Gems and Spyglass Media Group's HEART EYES.  photo by: Christopher Moss
Olivia Holt et Mason Gooding | photo de Christopher Moss

Entendez-moi bien, contrairement aux protagonistes du film que nous avons vu, je connaissais mon rendez-vous depuis déjà plusieurs années (allez croire!); c’est comme ça. Me vient de temps en temps l’impression qu’un tueur avec des yeux en cœur est exactement ce à quoi ressemble l’amour. Peut-être pas l’amour en tant que tel, mais disons la quête et le besoin d’amour qui nous pousse à nous dénaturer pour les autres, pour au final vouloir de quelqu’un qui nous maintient dans l’immobilisme de qui nous sommes à la place de nous aider à évoluer; parce que le changement aussi ça fait peur. Comment savoir qui aimer et comment si le premier regard, le premier baiser doivent être synonyme d’amour et de fidélité éternelle. 

Un film d’horreur à l’eau de rose avec de la comédie… au secours; ou plutôt, j’en ai assez. Je veux dire que je m’ennuie des premiers Friday the 13th ou parler plus de deux minutes était une raison pour avaler une machette par la lame. Elle me semble lointaine l’époque où l’on nous attaquait à travers les rêves, que les tueurs était sans merci et invincible, qu’il était impossible de faire une virée en voiture avec ses amis sans tomber sur un type louche qui fait du pouce ou en panne d’essence tout prêt d’un fou à la scie à chaîne. Heart Eyes à tout simplement été une expérience aussi ennuyante que les rires de la foule étaient grotesques tant ils paraissaient forcés. J’avais même de la difficulté à me situer alors qu’iels déboulent d’une chapelle détruite, à un parc, puis un carrousel… Pas à dire, c’était l’enfer à suivre tout en étant ô combien prévisible au niveau du récit.

Chaud aux fesses

Les personnages principaux sont au goût du jour avec Mason Gooding interprétant le rôle du gars au look basané et baraqué, entrepreneur, génie, charismatique, un peu trop indiscret et maladroit dans ses propos, mais un coeur d’or (et sûrement un énorme membre); ainsi que Olivia Holt dans le rôle de la femme de carrière qui échoue constamment parce qu’elle se fou de tout et préfère faire le party avec un look moyen qu’on doit trouver à la fois classe, mais sexy tout le temps. Des acteurs pornos, voilà. Pour vrai, je ne comprends pas du tout comment ce personnage-là continuait à se faire complimenter de tous bords tous côtés par son amie de fille qui lui fait des discours comme « You’re a Queen and deserve to be treated like the special person you are » [Tu es une reine et tu mérites d’être traité ainsi]. Un personnage typiquement masculin se serait fait remettre à sa place, mais là, oups, tout d’un coup c’est comme si on était censé croire qu’elle avait juste des qualités et que c’était une pauvre victime du monde qui ne la comprend pas.

The Heart Eyes killer from Screen Gems and Spyglass Media Group's HEART EYES.  photo by: Christopher Moss
Le tueur Heart Eyes de Screen Gems et Spyglass Media Group | photo de Christopher Moss

Alors, sur ce point, le film est bien réussi. On nous présente vraiment ce que la réalité de tous les jours nous offre au niveau relationnel alors que personne ne cherche jamais à se réconcilier et à faire des concessions, mais où tout est une guerre continuelle de justification et de légitimations d’actions et de paroles tout simplement inacceptables entre êtres humains. Si on est pour parler comme d’la marde, on peut toujours crier dans le bol de toilette à la place; vous me suivez? Parce que pour parler, ce film-là parle un bon coup. Heart Eyes tue une personne (ben, un personnage, là) et on a droit à quinze minutes de parlage; un autre meurtre, puis un autre 15 minutes de parlage; une poursuite et etc. En plus, ce sont des longues conversations où les personnages racontent des moments de leur vie dans les mêmes pièces en champ contrechamp. J’avais envie de mourir. Au moins, je partageais cette impression avec la personne qui m’accompagnait. Je me sens encore bouleversé de sa situation (à la personne, pas les personnages, en tout cas).

D’autres moments étaient aussi très bien réussis, mais rien de réellement époustouflant ou particulièrement mémorable (à moins qu’on n’ait jamais vu un film d’horreur avant).  Ça me donne des visions d’un futur pas trop distant où dans une chambre d’écho, remplie de publicitaires et d’actionnaires à peine dans la vingtaine, surgira l’idée suivante. « Hey, tsé les iPhones, là. Si y’a des cadrans juste pour l’heure, et des ordis juste pour l’internet. Pourquoi ne pas faire des iPhone mais qui reste sur ton bureau et juste pour appeler? ». Dans la salle éclate une volée d’applaudissements cacophoniques accompagnée de « brrrreup! » et de sifflements perçants. Le proverbe « on ne réinvente pas la roue » ne veut pas dire qu’on ne peut pas innover… En fait, c’est le contraire. L’expression souligne la pertinence d’innover dans la roue qui existe déjà à la place de trouver comment faire rouler autrement. Apprendre du cinéma est important au cinéaste comme la littérature l’est à l’auteur et la charpenterie au charpentier. Je serais parti avant, mais il faisait un froid de canard dehors, j’en ai donc profité un peu (sans parler de la personne avec moi qui n’avait pas mis de bas dans ses bottes).

Se serrer la main en au revoir

Mieux vaut terminer les choses dans l’harmonie que dans une catharsis — pas si cathartique au final — sanglante ou violente. En ça, les films d’horreur n’en sont probablement pas les meilleurs représentants, mais tout de même, une métaphore c’est une métaphore et c’est très bien comme ça. Sauf que, disons que Heart Eyes est ce genre d’œuvre tellement « méta », comme on dit, qu’elle n’arrive tout simplement pas à se faire une identité en tant que telle. Un peu à la manière de M3GAN qui ne savait plus comment gérer l’angoisse et le rire, le long métrage auquel j’ai assisté hier n’inventait rien de plus qu’un masque avec des yeux en coeur qui deviennent rouges dans le noir grâce à leur fonction de vision de nuit. 

The Heart Eyes killer from Screen Gems and Spyglass Media Group's HEART EYES.  photo by: Christopher Moss
Le tueur Heart Eyes de Screen Gems et Spyglass Media Group | photo de Christopher Moss

Justement, cette scène où l’on voit en rouge et noir à travers le masque et qu’on entend la respiration lente et lourde du meurtrier de la Saint-Valentin me faisait penser à Darth Vader. C’était à ce demander si — malgré qu’il soit absent du film — son père n’était pas le criminel qui voudrait se venger de l’amour passé et à venir; ou même — soyons fou ici — sa mère, pourquoi pas? Ah tiens, intéressant tout ça. Et oui, c’est à cela que sert un scripte-éditeur, une chose dont le film aurait bien eu besoin. C’est aussi un métier qui me plait. Le but n’est pas de s’accaparer le film en disant « ce sont MES idées » ou « désolé madame, monsieur, votre film est poche ». L’objectif de ce travail est de mettre cartes sur tables en disant « Okay, vous avez une bonne idée et voici comment je pense qu’il serait possible de l’améliorer sans dénaturer le projet initial ». C’est très stimulant, je vous l’assure; comme une thérapie de couple entre la réalisation et la scénarisation, tsé?

Tout ne finit pas toujours avec des pétales de fleurs en confetti et des étreintes passionnées. Parfois, la réalité nous apprend que ce n’est pas parce que ça ne fonctionne pas que ça fait d’un parti ou l’autre des monstres. Dans ce cas, il n’y a pas de honte à terminer avec une poignée de main franche et sincère du temps que nous avons partagé et de l’affection mutuelle que nous avons pu nous porter, même si cela ne fut qu’un court instant. La vie est longue et notre foi aveugle en l’absolutisme des chemins que nous allons emprunter nous empêche d’oser aller plus loin et prendre la chance de se retrouver dans de meilleures conditions, qui sait? C’est surtout une opportunité en or pour s’investir en soi et devenir la personne que nous aurions voulu être ainsi que celle en laquelle nous nous transformons chaque jour un peu plus. Heart Eyes ne raconte pas cette histoire, à la place elle transforme ironiquement un mauvais rendez-vous en un pire encore.

Ah oui… J’oubliais… Les annonces avec des chansons connues, au ralenti, remixées et réinterprétées avec « émotions »; de 1, sont jamais dans le film alors F*** **u, de 2 c’est cheap d’essayer de nous faire sentir que vous êtes donc profond et cinématographique quand le film passe même pas le test; de 3, sont gossantes. Faut arrêter de faire du cinéma comme si son public avait 18 de QI et que de dire le mot émotion ça donnait du QE. La finale est nulle, les personnages sont clichés, les revirements sont télégraphiques sans aucune subtilité et le méchant est tout simplement… *Arf*, vous le verrez si vous le voulez.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Heart eyes
Durée
97 minutes
Année
2025
Pays
États-Unis
Réalisateur
Josh Ruben
Scénario
Phillip Murphy, Christopher Landon et Michael Kennedy
Note
5 /10

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Fiche technique

Titre original
Heart eyes
Durée
97 minutes
Année
2025
Pays
États-Unis
Réalisateur
Josh Ruben
Scénario
Phillip Murphy, Christopher Landon et Michael Kennedy
Note
5 /10

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