« Même les sans-cœurs ont un cœur. »
L’adaptation du conte de Jean-Claude Grumberg est un projet sur lequel Michel Hazanavicius a longtemps travaillé. D’abord hésitant à faire un film qui parle de la Shoah, il fut touché par le récit de Grumberg et décida de se donner entièrement à l’histoire. Cela explique sans doute pourquoi il occupe plusieurs postes au générique du film. En plus d’être un des scénaristes et le réalisateur, il s’est également occupé du montage et a été responsable des dessins de pré-production.
L’histoire est celle d’un couple de pauvres bûcherons, sans enfants, vivant près d’un chemin de fer, en Pologne. Lors d’une tempête de neige, la pauvre Bucheronne prit au Dieu du train de lui donner un peu de sa marchandise. Lorsque les cris d’un bébé attirent son attention, la femme y verra un cadeau des Dieux. Elle s’affairera à prendre soin du nourrisson, malgré les menaces et la haine que son mari a pour l’enfant, car il fait partie de la race des sans-cœurs.
Le dessin est magnifique. Même si le style est minimaliste, cela n’enlève en rien les émotions qui se transcrivent avec justesse. Pas besoin de dialogues superflu, un simple regard, sourire ou hésitation rend à merveille ce que le personnage ressent. L’effort mis dans les expressions faciales est remarquable, au point où l’on peut se demander si Hazanavicius n’a pas eu recours à de la capture d’image des acteurs pour rendre le tout aussi beau. Or, ce dernier confirme, c’est bien de l’animation 2D. Ils ont effectivement utilisé des acteurs pour aider les animateurs avec certaines scènes, comme par exemple une actrice qui marche dans une piscine à balle pour simuler la difficulté de marcher dans la neige. Cependant, cette technique, que Disney utilisait dans ses anciens films d’animation tel Cendrillon, ne sert que de référence aux dessinateurs.
Le dessin est également utilisé pour renforcer certaines idées, comme le reflet qui a la forme d’une tête de mort sur l’avant d’un train ou un collègue du pauvre bûcheron qui porte une moustache tristement iconique, nous rappelant aisément d’où proviennent les commentaires antisémites.
Dans les scènes plus dures, comme celles se déroulant dans le camp de concentration, Hazanavicius ne tombe pas dans le grotesque ou le sanglant. Même s’ils sont durs et transmettent très bien l’horreur des camps, le tout reste très sobre et se concentre davantage sur le ressenti du personnage.
Il y a l’idée préconçue que les films d’animation sont destinés aux enfants. Si ces dernières années nous ont apporté certains films qui prouvent le contraire et amènent à changer le regard que l’on porte sur l’animation, c’est encore une idée très répandue.
Je vais donc prendre la peine de préciser que ce n’est pas un film destiné à un jeune public. Au moment d’écrire ces lignes, le film n’a pas encore reçu une classification pour l’âge. Personnellement, je ne recommanderais pas ce film à un public de moins de 10 ans (selon la maturité de l’enfant). Par contre, si vous cherchez un film pour introduire votre enfant à la Deuxième Guerre mondiale et débuter un dialogue, ce film est tout à fait approprié. Raconté à la manière d’un conte, davantage centré sur le lien des adultes qui décident de protéger la petite rescapée, l’histoire trouve le juste milieu entre la dureté de cette guerre et la beauté de ceux qui s’y sont opposés.
Une belle histoire sur l’amour et l’espoir, qui nous rappelle que nous avons tous un cœur. Un incontournable à voir.
Bande-annonce
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