« Marko, what did I teach you ? »
[Marco, qu’est-ce que je t’ai appris?]
Marko (Matej Sivakov) est un jeune garçon qui vit en ermite avec son père (Sashko Kocev) au fond des bois. Lorsque les créatures qui y rodent lui prennent son père, il entreprend son périple à la recherche de la vallée de pierre pour y trouver sa fée protectrice.
L’histoire débute sur les paroles d’un enfant et un fond noir. Le préambule suppose l’allégorie de la caverne avec une imagerie simple. Un homme froid, interprété brillamment par Sashko Kocev, prend son arme et sort dans la lumière inquiétante de la forêt; la seule réalité pour un petit garçon nommé Marko, interprété par Matej Sivakov, se tapissant dans l’ombre rassurante d’une porte qui se referme sur un monde hostile. Malgré la prémisse lugubre et peu invitante, les mots du petit Marko reflètent l’innocence de l’enfance alors que son univers se résume entre quatre murs et un livre de conte de fées. Il raconte que comme l’histoire de son livre, il est le « leaf-child » né de la forêt qui un jour devra s’en éloigner. Puis, arrivé à la vallée de pierres, il y trouvera sa fée.
L’univers spirituel des enfants est ainsi fait; Beyond the Wasteland, réalisé par Vardan Tozija, est une démonstration hyperbolique de cette vision romantique que l’on dépeint du monde pour y accoutumer les générations à venir. Des étrangers qui sont prêts à le mettre en pièce sans raison, et un père austère dont-il ne transparaît que la discipline et la peur. Marko n’arrive pas à ressentir l’amour de son père et cherche désespérément à retrouver cette chaleur humaine que sa défunte mère lui procurait. Néanmoins, il est difficile de ne pas s’identifier progressivement au père de Marko qui comprend qu’il ne pourra pas protéger son fils éternellement; qu’un jour il devra s’en sortir seul.
Pareil à la vraie vie, le monde dans lequel nous habitons peut être cruel; spécialement devant l’innocence ou la naïveté d’une personne encore inexpérimentée aux scénarios moins optimistes que la vie lui réserve. C’est souvent ce que les zombies représentent dans les films du genre; la voracité du milieu urbain et de ces idéaux transformés littéralement en monstre voulant dévorer de la chair humaine. En y incorporant le thème du conte comme base centrale de la psychée de Marko, l’histoire devient alors réflexive créant ainsi un parallèle clair entre les hordes de zombies et les ombres antagonistes de son conte de fées. Ce voile sur la réalité est aussi ce qui protège Marko qui – comme dans Alice au pays des merveilles – préfère avancer dans un monde en y faisant son propre sens.
Comment amener un enfant à se préparer pour cette Terre trop souvent sans pitié? La peur de tout parent pour leurs enfants est celle de l’autre, cet autre qui lui fera du mal, et ce mal qu’on ne peut soustraire à l’existence. Beyond the Wasteland conjugue la fiction à la dure réalité faisant apprécier la mélancolie qui naît de la peur et de la tristesse. On voulait de l’amour et un nid douillet, mais la vie nous a mis dans un monde où ces choses-là sont durement acquises et aisément perdues. Pour une histoire sur les zombies, le film est fichtrement émouvant (ou c’est peut-être simplement le changement de saison qui provoque mon SMI). Quoi qu’il en soit, les acteurs sont excellents et le suspense ne démord pas, sauf à un moment vers la fin où j’ai craint que le film change de cap à la dernière minute.
Le rythme est un peu lent au début, mais jamais ennuyant. En fait, c’est cette ambiance contemplative qui soutient le film jusqu’à la toute fin. En faisant ainsi, on permet à n’importe quel public de saisir facilement les métaphores du scénario et ce qu’elles signifient, tout en ouvrant la porte aux interprétations plus personnelles. L’intimité semble aussi être un thème très présent, car la proximité — peu importe laquelle — symbolise davantage la peur que la joie. Marko passe ses journées seul à n’entendre que le son de ses pensées; son père dort menotté pour s’assurer de rester loin de son fils; une simple écorchure d’un étranger passé trop près et cela peut sonner notre glas.
Cette mise en scène s’avère idéale pour quelques moments de tendresses inattendues qui m’allèrent droit au cœur. Cependant, je ne fus pas touché par la chaleur de ses moments, mais plutôt par l’incapacité des personnages à gérer adéquatement une chose aussi simple qu’une étreinte sincère. Marko continue malgré tout de croire qu’un jour sa fée lui apportera le confort que seule l’affection peut procurer.
J’ai toujours eu un faible pour le cinéma slave. Il y a, je trouve — malgré la diversité des cultures qui représente cette grande famille ethnique — une profondeur commune, quelque chose de solennel, dans leur cinématographie ainsi que leurs dialogues. Loin de moi l’idée de mettre toute la culture dans le même panier, ayant moi-même des racines ukrainiennes, je soupçonne que tous ces peuples ne sont pas identiques. Malgré tout, de la même façon que les différents cinéastes en Amérique s’influencent mutuellement, le cinéma de l’Europe de l’Est possède une facture ou un style qui lui est propre.
Toutefois, que ce soit ici ou ailleurs, nous connaissons tous cette vallée de pierres où les êtres qui y vivent ont cessé il y a longtemps, d’être, justement. Que le contact avec eux soit proscrit – ou du moins fortement déconseillé – sous peine de devenir soi-même un infecté. La distanciation sociale est une méthode éprouvée pour prévenir les troubles de ce genre, et pourtant… N’est-ce pas de cette façon que se transmet le pire chez l’humain? Beyond the Wasteland demande donc si nous ne sommes pas nous-mêmes déjà des zombies ou en train de le devenir?
Finalement, la question qui monte en moi ici est la suivante : sommes-nous réellement sensibles à notre prochain? Une interrogation qui, selon moi, est de mise puisque s’en vient la fin de l’année ainsi que le temps des fêtes; Noël que j’ose encore l’appeler. Les moments seront propices aux remises en perspectives, aux changements et aussi à la reconnaissance; cette joie de partager ce monde tous ensemble. Y sommes-nous vraiment? Les zombies ont des fonctions de leur cerveau qui demeurent actives même une fois morts, c’est le cœur qui manque à l’appel et la lueur chaleureuse dans les yeux. Serait-ce possible, qu’être en vie se rapporte à plus que simplement déambuler passivement et mordre agressivement aux moindres stimuli?
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième