Une performance entre théâtre et danse où l’interprète Chi Long se dévoile à travers des fragments d’histoires vécues ou fabulées pour mieux interroger l’identité québécoise face aux grands enjeux migratoires. Comment nos identités se construisent-elles? À quelle mémoire peut-on se fier? Quels rapports entretenir avec des territoires physiques ou imaginaires?
She and the other(s) flirte avec l’ambivalence, avec une intention de brouiller les pistes en faisant se chevaucher époques et personnages. Ainsi, Chi Long amène le spectateur dans un voyage qui va de sa naissance à aujourd’hui, afin de provoquer une prise de conscience chez son public.
Pour y parvenir, les différents médiums artistiques sont utilisés avec justesse. Par moments, la prestation se rapproche plus du théâtre, voir du stand-up, alors qu’elle présente ses tenues favorites, ou qu’elle raconte les réactions de sa mère à certains événements de sa vie.
Puis, sans avertissement, on se retrouve à regarder une projection sur un rideau au fond de la salle. Un film qui montre une tout autre réalité, moins joyeuse. Entre tout ça, Chi Long offre de courts moments de danse, ou de performance du mouvement. Ces changements d’actes donnent l’occasion à l’interprète de montrer la vaste étendue de son (ses) talent.
Mais toute cette mise en scène resterait sans intérêt s’il n’y avait pas une profondeur dans le propos. Ainsi, ce qui débute par un numéro léger et drôle se transformera soudainement en un propos beaucoup plus dramatique. En tant que spectateur, on se fait prendre par surprise par un soudain flot d’émotions qui monte.
Ainsi, le legs générationnel se confond avec l’art du camouflage et le corps porteur des traumatismes du passé devient un territoire intemporel et mouvant, ici caricaturé, et là dramatisé. Les costumes simplement drôles au départ deviennent porteurs d’émotions. Les tranches de vie d’allure anodine que Long racontait en début de spectacle deviennent lourdes de sens.
Est-ce que le spectateur aura reconnu les indices semés par l’artiste? Peut-être pas. Mais la séquence dansée qui suivra le changement de ton sera soudainement claire et frappante. Les rires ont disparu et c’est un sentiment de lourdeur qui remplit maintenant la salle.
Puis la légèreté revient, remplacée à nouveau par la pesanteur… Ainsi, d’un bout à l’autre du spectacle, c’est une montagne russe d’émotion qui envahit le spectateur. Un tour de manège époustouflant.
L’éclairage, tout comme la prestation, prend de l’ampleur à mesure que la prestation se déroule. D’un éclairage presque absent au départ, on passe par les bleus et les rouges afin de faire monter les émotions.
Une performance tout aussi surprenante que déroutante qui invite à la réflexion.
She and the other(s) est présenté au Festival Phénomena du 16 au 19 octobre 2024 et sera également présenté à Espace Libre du 25 janvier au 1er février 2025.
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