«This documentary will record your progress from your arrival in Canada as a draft refugee, to your career as a filmmaker. » [Ce documentaire retracera ton parcours depuis ton arrivée au Canada comme déserteur, jusqu’à ta carrière de cinéaste.]
Peu à Hollywood peuvent se vanter d’avoir une carrière comme celle de Paul Schrader. Il est surtout connu pour son travail de scénariste, notamment pour ses collaborations avec Martin Scorsese où il a écrit Taxi Driver, Raging Bull ou encore La dernière tentation du Christ. Cependant, il a aussi réalisé de nombreux films appréciés des cinéphiles, comme Blue Collar en 1978, Harcore en 1979 ou bien Mishima: A Life in Four Chapters en 1985.
À l’instar de son collègue Scorsese, il continue de réaliser, même si ces longs-métrages ne possèdent pas la même visibilité que des superproductions comme The Irishman ou Killers of the Flower Moon. Ses trois plus récents films, First Reformed, The Card Counter et Master Gardener, sont tous des thrillers. Mais avec son tout nouveau film, Oh Canada, ayant été présenté au Festival de Cannes, au TIFF et faisant passage au FNC, il change de registre et met même une touche personnelle au film.
Le film est une adaptation du roman Foregone de Russell Banks, un auteur américain à qui l’on doit notamment le roman The Sweet Hereafter, qui a été adapté en film par Atom Egoyan en 1997. C’était aussi un ami de Schrader, qui avait aussi réalisé une adaptation d’un autre de ses romans avec Affliction. Russell Banks est décédé en 2023, et Oh Canada est une sorte d’hommage à lui (le film a même été tourné la même année, étant l’une des rares productions permises lors de la grève de 2023).
Exile
Le film raconte l’histoire de Leonard Fife, un documentariste qui s’est réfugié au Canada pour éviter d’être envoyé au front lors de la Guerre du Vietnam. Alors qu’il est mourant, il accepte de se faire interviewer pour un documentaire sur sa vie qui devient vite une confession de sa part, malgré le fait qu’il tient souvent des propos confus.
C’est là toute la particularité du film. Il présente les moments de la vie du cinéaste (interprété par Richard Gere lorsqu’il est vieux et par Jacob Elordi lorsqu’il est jeune), mais en ne sachant pas vraiment si les souvenirs qui sont racontés sont vrais ou faux. Cela se voit non seulement à travers le montage, mélangeant les évènements de vie, mais aussi avec quelques astuces de mise en scène comme la narration, la voix intérieure du personnage principal qui semble se perdre dans ses pensées, un changement d’acteurs dans un même flashback ou bien certaines scènes en noir et blanc. Schrader démontre ici non seulement la mémoire brisée d’un homme proche de la mort, mais aussi la triste vérité derrière l’image qu’il a créée.
Au tout autre Schrader
Oh Canada prend ainsi une place à part dans la filmographie de Paul Schrader. Leonard Fife peut paraître similaire à des protagonistes comme Travis Bickle, Jake LaMotta ou William Tell de The Card Counter, qui mènent une vie remplie d’erreurs et de mensonges. Mais là où tous ces personnages finissent par arriver à leur propre perte, Fife trouve le succès, mais se confie pour détruire l’idéal autour de lui. C’est une voie intéressante que prend le cinéaste.
Néanmoins, on peut facilement se perdre dans la structure du film. Même si elle est volontairement confuse, on aimerait avoir quelques pistes sur la signification de certaines scènes. Par exemple, que représentent les moments où Richard Gere joue son « lui-même » du passé, ou bien que représente le noir et blanc (même si là, je pense qu’il s’agit de secrets avoués). De plus, on voit peu de moments qui montrent la gloire du personnage principal. Le film met surtout l’accent sur sa vie amoureuse compliquée, ses déboires en tant que jeune artiste et l’abandon de sa famille, mais tout l’aspect de cinéaste documentariste engagé et réputé est presque absent. On aurait aimé avoir plus de scènes du genre, pour ensuite voir comment cette réputation a pu être construite.
Si vous voulez vous intéresser à la filmographie de Paul Schrader, Oh Canada n’est pas la meilleure porte d’entrée. S’il reste cinématographiquement intéressant, son parti pris risque d’en laisser certains de côté. Dans ses titres récents, The Card Counter peut être un excellent début pour explorer cette grande figure du cinéma américain.
Oh Canada est présenté au FNC les 12 et 17 octobre 2024.
