« C’est la dernière… »
Hier soir avait lieu la projection de courts métrages Perspectives sourdes : on tourne! – programme 1. Une soirée lors de laquelle étaient présentés des films ayant tous été écrits, réalisés et/ou produits par des cinéastes sourd·es québécois·es ou canadien·es.
Pour être honnête, bien que je sois ouvert d’esprit et habitué de rencontrer des gens différents de moi – peu importe les différences –, j’avais évidemment certains préjugés et certaines appréhensions en arrivant sur place. Je me demandais, bien innocemment, à quoi pouvait bien ressembler un film réalisé par une personne sourde. Hé bien… Ça ressemble à un film. La principale différence avec ce que j’ai l’habitude de voir, apparait surtout dans les thèmes. Mais peut-être était-ce simplement dû au thème de la soirée.
De quoi traitaient ces films? Je vais vous le dire, puisque Le Petit Septième était le seul média à s’être présenté. La majorité des œuvres présentées traitaient d’une variété d’enjeux que peuvent vivre les personnes sourdes. En passant, j’ai appris qu’on ne dit pas, n’en déplaise aux bien pensants, « une personne malentendante ». J’en profite aussi pour mentionner que certaines personnes croient encore au concept erroné de « personnes sourdes et muettes ». Sachez aussi que les personnes sourdes ne sont pas (pour la plupart en tout cas) muettes. Au contraire, elles sont totalement en mesure de discuter comme n’importe qui d’autre. Elles ont une langue, de la même manière que je parle français ou que d’autres parlent arabe.
Ceci étant dit, revenons à la soirée.
En arrivant sur place, une chose m’a frappé. Le bistro de la Cinémathèque québécoise était rempli, mais c’était silencieux. En discutant avec D. Kimm, la directrice de Phénomena, j’ai bien compris que je ne savais pas trop comment aborder les sujets touchant de près ou de loin aux personnes sourdes. Ce fut ainsi une discussion intéressante qui m’aida à comprendre un peu plus comment elles interagissaient. Ce qui me paraissait particulièrement calme était en fait très animé. Comme quoi mes perceptions étaient empreintes des filtres qui me constituent. Lors de ma discussion avec D. Kimm, j’ai aussi appris que ce serait probablement la dernière grosse édition de Phénomena. Les subventions en cultures ont été radicalement réduites dans la dernière année et demie. Phénomena se retrouve dans la même situation que plusieurs acteurs du milieu culturel québécois. D’ailleurs, les médias comme LPS sont aussi touchés.
Espérons simplement que Phénomena sera toujours en mesure d’offrir des performances originales, inclusives et parfois déstabilisantes, comme le festival le fait depuis plusieurs années.
Un film qui raconte les histoires vraies de personnes sourdes – une œuvre néoréaliste qui entrecoupe trois récits. Ces récits explorent la diversité, les nuances et les particularités des expériences vécues par les personnes sourdes.
The 5% – chiffre qui représente le pourcentage de la population qui serait sourde – est probablement le film qui m’a le plus touché. Les 3 histoires qu’il présente montrent bien certaines réalités que peuvent vivre les personnes sourdes. La partie sur la discrimination et les problèmes que peuvent rencontrer ces personnes lors de la recherche d’un emploi, on connait. Mais ce sont les deux autres récits qui sont particulièrement intéressants. On y découvre comment les relations familiales peuvent créer des difficultés additionnelles dans la vie de tous les jours. D’un côté, c’est l’insistance d’une mère à vouloir absolument que son fils apprenne à parler (verbalement) plutôt que par LSQ. Elle n’accepte pas que son fils soit un « handicapé ». Point de vue que le fils ne partage pas du tout. Pour lui, sa langue lui convient totalement et il ne ressent pas ce soi-disant besoin de verbaliser son langage. L’autre histoire montre les enjeux d’une relation de couple entre une personne qui verbalise et une qui parle la LSQ, et dont les parents sont aussi sourds.
Un film par moment drôle, par moment dramatique, et qui a le mérite de permettre à un public non sourd de comprendre un peu plus les réalités que vivent les personnes sourdes.
Film expérimental de l’art du mouvement.
Ce film date de quelques années. C’est ce qu’expliquait le réalisateur. Une œuvre très courte et quelque peu difficile à suivre. Je verrais très bien ce court métrage dans la section des Nouveaux Alchimistes du FNC…
Dans ce documentaire captivant, nous rejoignons Ralph « Ralf » Newberry dans un voyage visuellement diversifié qui combine des images en direct et des séquences animées. Au-delà de l’intersection de son identité noire et sourde se cache une vie riche en expériences et en difficultés. Sans le soutien de sa communauté et de sa famille, Ralph s’est retrouvé avec la colère au cœur. Armé de sa plume et d’un cœur ouvert, Ralph nous invite généreusement dans son univers créatif, partageant sa vision du monde unique, ses réflexions sur le passé, le présent et ses espoirs pour l’avenir.
Un documentaire touchant qui présente un artiste intéressant, à travers la perspective d’un homme qui a touché le fond avant de renaitre pour porter un message d’espoir, malgré la colère. Un autre film qui devrait être largement distribué. Et un artiste qui mériterait certainement un long métrage.
Clip mettant de l’avant le mouvement. Un très court film expérimental.
Kelvan nous décrit sa vie quotidienne de sourd à Montréal, un petit détail cependant : il fait partie de la communauté puppy. Le Puppy-Play est une sorte de jeu de rôle dans lequel on adopte la personnalité et la mentalité d’un animal, elle est présente dans la communauté LGBTQueer+.
Voici un film qui montre avec humour un style de vie particulier. Le réalisateur amène le spectateur à découvrir ce qu’est le puppy-play sans créer de malaise et sans en faire un film qui vante les mérites de ce style de vie.
Un film efficace qui vaut le détour.
Une femme vie des situations complexes pendant la covid alors qu’elle doit lire sur les lèvres pour pouvoir comprendre ses interlocuteurs.
On ne le réalise peut-être pas lorsqu’on entend, mais le port du masque aura été un moment particulièrement difficile pour les personnes qui doivent lire sur les lèvres pour comprendre ce que disent les autres.
C’est par des petites saynètes que Marie-Andrée Boivin et Vickie Blouin montrent cette réalité. Je dois dire que bien que le message soit important et qu’il passe clairement, la qualité du film reste assez basse. Sans décors et pratiquement sas accessoires, on montre simplement ce que c’était que d’aller à l’épicerie ou dans un bureau du gouvernement lors de la pandémie. Mais lorsque toutes ces scènes se font sur une table blanche, devant un mur blanc, on se demande si un autre médium que le cinéma n’aurait pas été mieux.
En route pour acheter une voiture, une femme sourde rencontre une série d’obstacles qui sont le résultat de préjugés et de l’ignorance. Elle transforme sa surdité en un atout pour obtenir ce qu’elle est venue chercher.
C’est avec une dose d’humour que Liz Whitmere traite de la discrimination. Bien que le film soit plutôt caricatural, le message passe bien et l’humour touche la cible. C’est aussi un des films qui a apporté le plus de réactions de la part du public.
C’est tombé dans l’oreille d’une Sourde présente des rencontres avec des personnes sourdes et des membres de la famille entendante de la réalisatrice. Une traversée dans ce monde qu’on dit « du silence », où des Sourd-es nous font signe de les écouter.
Ce film est d’une belle originalité. Bien que le résultat visuel final soit imparfait, il apporte tout de même une vision intéressante. Mais ce sont surtout les discours des intervenants qui touchent là où il le faut.
Le message qui en ressort est pourtant si simple. Mais il faut certainement le répéter encore pour les personnes entendantes qui semblent avoir une certaine difficulté à entendre le message. Oui, un film qui devrait être vu par tous ceux qui entendent…
***
En tout cas, ce fut une belle soirée!
© 2023 Le petit septième