« Your father’s final request was… He wants you to take your mother into your home. »
[Le dernier vœu de votre père était… Il veut que vous preniez votre mère dans votre maison.]
Belinda (Brandy), nouvellement enceinte, voit sa vie basculer lorsque sa belle-mère (Kathryn Hunter) emménage chez elle. Alors que l’invitée diabolique tente de s’emparer de l’enfant, Belinda doit faire la part des choses…
Confus, troublé et un peu dégoûté. Tels sont les principaux sentiments qui prédominent après avoir regardé The Front Room. La dernière présentation d’A24, qui nous a habitués à offrir une expérience cinématographique inhabituelle, a été une déception et a laissé le spectateur déconcerté par ce qu’il a vu. S’agissait-il d’un film d’horreur? Absolument pas. Trop instable pour être effrayant. Était-ce un thriller? Il n’y a rien de palpitant là-dedans. The Front Room est une œuvre hybride naviguant entre un drame familial et une comédie noire absurde.
Réalisé par les frères Eggers, qui ont précédemment sorti le très réussi The Lighthouse, le long métrage semble être une œuvre étrange. En termes de problématiques soulevées et de direction artistique, les deux réalisateurs nous offrent un spectacle visant à brouiller les frontières entre le rêve et la réalité. Malgré des intentions honorables, l’histoire semble partir dans de multiples directions qui induisent une confusion et un sentiment d’ennui.
Confus, parce que le développement de la construction scénaristique a été vraiment hasardeux. The Front Room est réduit à une petite pièce de théâtre où chaque sujet et chaque problématique entraînent la suivante. C’est déconcertant, car cela donne un rythme étrange et en même temps, c’est impressionnant de voir ce type de construction.
On passe de l’histoire d’un couple qui a peur de devenir parent à celle de Solange, qui est la belle-mère de Norman, un jeune homme qui n’a pas d’autre choix que de s’occuper d’elle. La belle-mère de Norman, une grand-mère très religieuse dont l’aura va perturber la vie du couple. Il s’agit en fait d’un style métaphorique. Nous pourrions facilement interpréter le fait que cette grand-mère effrayante est le défi de la vie que doit relever le couple tout au long de sa vie et qu’ils (le couple) sont encore faibles et non préparés à faire face à la parentalité ou aux problèmes de couple.
Cependant, cette approche est à parfaire et nécessite une histoire moins compliquée pour être pleinement appréciée. D’où le sentiment d’être dérangé. The Front Room aborde de nombreux sujets pertinents : les questions raciales, la maternité, les questions sociales liées à la famille, l’équilibre vie-travail, entre autres.
En principe, il était très intelligent de la part des réalisateurs de traiter ce type de sujet d’un point de vue familial. Cependant, le film a beaucoup de mal à faire cohabiter les différentes ficelles de l’intrigue et, au contraire, toutes se nuisent les unes aux autres. Le film veut couvrir tellement de sujets qu’aucun d’entre eux n’a été correctement mis en scène ou mis en valeur par la vision artistique.
Pourquoi montrer le combat de Belinda dans son travail d’enseignante et ses relations avec ses collègues si c’est pour la pousser à démissionner rapidement? Comment ses rêves bizarres sont liés à son lien ou son traumatisme personnel avec la maternité? Beaucoup de questions se posent, peut-être est-ce intentionnel ou peut-être ces questions sont-elles là pour détourner l’attention…
De plus, le film semble être une réinterprétation de la figure de la « méchante belle-mère ». Une façon moderne de la traiter à travers deux niveaux. Solange, bien interprétée par Kathryn Hunter, est à la fois belle-mère pour leur fils Norman et belle-mère pour Belinda. Norman la déteste parce qu’elle a « torturé » son enfance tandis que Belinda tient à l’accueillir dans la maison, car « elle n’a personne ». Ce genre d’inversion des rôles, au départ, était une bonne idée et une piste solide pour traiter des problèmes familiaux à travers le regard d’une mère qui est, en fin de compte, « une étrangère » pour les deux.
Malheureusement, le film, tel qu’il est conçu, tombe dans un faux thriller psychologique bon marché. Soupçonnant Solange de lui vouloir du mal dès qu’elle a emménagé, Belinda a commencé à être plus paranoïaque à propos de ses ambitions ambiguës et de sa façon très religieuse de faire face à tout, en particulier à la façon dont elle élève son nouveau-né.
Mais de la façon dont elle a été présentée, la façon dont elle domine le film, cette histoire à huis clos n’est pas assez forte pour nous tenir en haleine. Trop littéral et théorique à la fois. Voulant être un objet absurde et un message clair.
En outre, ce qui irrite dans The Front Room, c’est qu’il pourrait être une justification solide de l’abandon des parents âgés par les enfants et une explication étrange de la raison pour laquelle plus personne ne se soucie d’eux. Ce qui, au départ, apparaissait comme une sorte de message satirique pour que la génération actuelle prenne soin de ses parents se révèle être complètement à l’opposé de cela. Les intentions du film sont devenues de plus en plus perverties par le développement des personnages et le « fossé des générations » instauré dès le départ. C’est ce qui arrive quand on veut montrer plusieurs aspects et couches de sa vision artistique, mais qu’au final personne n’est correctement mis en scène.
The Front Room est un paradoxe, néanmoins il est intéressant de voir cette histoire singulière. Mais contrairement à The lighthouse, les frères Eggers ont manqué leur cible, laissant à leurs fans un goût amer de cinéma….. Ou peut-être était-ce leur but ?
Finalement, The Front Room n’est ni un film d’horreur ni un thriller. C’est un hybride entre un drame psychologique et une comédie bon marché dont le côté sombre a quitté la pièce (jeu de mots non intentionnel).
Bande-annonce
Traduit de l’anglais par François Grondin.
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