« In my opinion, this role is affecting him too deeply. Maybe, he’s being too method about it. »
[À mon avis, ce rôle l’affecte trop profondément. Peut-être qu’il est trop méthode à ce sujet.]
Anthony Miller (Russell Crowe) est acteur et décroche un premier rôle comme prêtre à la suite de la mort inopinée de l’ex-acteur principal. Sa fille de 16 ans, Lee (Ryan Simpkins), revient dans sa vie et travaille sur le plateau avec lui. De son côté, Lee s’entiche de l’actrice principale (Chloe Bailey); quant à Tony, ses performances deviennent cahoteuses et son comportement étrange. Lee commence à soupçonner qu’une force plus puissante serait à la source de la dépression de son père, ce qui remet en question leurs convictions les plus profondes ainsi de tous ceux qui les entourent.
Des petites phrases comme ça pour ne pas perdre ses bases de critique et de cinéaste. J’ai failli commettre une bourde avec mon article sur The Exorcism; ce film réalisé par Joshua John Miller et coécrit avec M.A. Fortin. J’avais raté les dix premières secondes et j’étais fatigué ce soir-là. Durant la soirée, j’eus la brillante idée de me concentrer sur l’article que j’allais écrire plutôt que l’écran en face de moi (n’ayez crainte, je prends des notes au stylo alors aucune pollution lumineuse; et oui je peux écrire dans le noir). Désolé pour mon commentaire qui va suivre, mais j’étais vraiment un représentant de notre époque à n’écouter qu’à moitié et déjà m’en faire une idée. Pourquoi cette confession? Tout simplement parce que je crois qu’il est préférable d’admettre ses erreurs bien plus que de louanger ses mérites.
« Achievement is its own reward, pride obscures it.»
Garland Briggs dans Twin Peaks
J’en comprends que la fierté se corrompt si facilement en orgueil, qu’il vaille mieux s’accoutumer au sens du mot humilité.
En outre, maintenant que je vous ai mis devant le fait accompli, voici la suite; j’ai dû aller le revoir une seconde fois. Je me suis rendu compte qu’un film écouté à moitié, c’est comme sentir de la nourriture sans y goûter; on a vraiment qu’une demi-expérience et on manque celle qui risque de nous surprendre. En même temps, avaler la nourriture est un investissement personnel plus grand que de humer un parfum et ouvre la porte à des risques d’indigestions. Alors, on se fie à son flair (hochement de tête déconcerté)… Quelle mauvaise idée. L’esprit humain — tellement prompt à imaginer les pires scénarios (je ne parle pas d’un scénario écrit, sinon j’aurais mis scénarii) — finit par nous priver d’une expérience possiblement enrichissante (pas dans tous les cas, mais bon).
Le film est très appréciable, si on oublie la sonorité rappelant The Matrix. Le son agréable dans une salle avec de bons haut-parleurs (attention aux sursauts), mais rendu à l’écouter chez soi, j’ai peur que les murmures des acteurs ne puissent percer les sons ambiants de nos appartements sans que les moments plus intenses n’arrachent le toit de la demeure, car même en salle les voix semblent parfois distantes ou trop ASMR. Peccadilles que je nomme pour la forme de la critique, néanmoins j’en arrive à une conclusion plutôt satisfaisante pour ce qui est du reste; une scène m’a même fait bondir de mon siège deux fois plutôt qu’une!
Ce qui m’inspire et m’émerveille dans l’Art, c’est sa capacité à faire fonctionner le hamster dans notre tête innocemment et presque inconsciemment. On apprécie la créativité et les prouesses artistiques parce que — comme un code secret à déchiffrer — elles nous font expérimenter une manière plus subtile et amusante pour communiquer. Souvent, cela permet d’exprimer des choses difficiles à expliquer, car leurs sens nous échappent; la vie est pleine de ces réponses dont nous ne connaissons pas les questions. C’est sans doute pourquoi nous cherchons le mystère; pour s’interroger sans cesse de tout et de rien. The Exorcism emprunte le même chemin, alors que la possession démoniaque de Tony semble la réponse à un phénomène qui échappe à Lee. Son père semble bel et bien possédé, mais alors pourquoi? Le public se retrouvant dans une pareille situation peut aisément s’arrêter et se demander s’il n’a pas manqué un indice qui aurait permis d’arriver à cette conclusion; très agréable comme sensation.
The Exorcism est une œuvre dans la branche de The Exorcist et autres films du genre, mais ici la symbolique est utilisée pour mettre en lumière le lesbianisme, la figure du père sous toutes ses facettes, ainsi que le mal et la peur enfouis à travers cela. L’horreur est toujours une astuce très appréciable pour aborder ce genre de sujets tabous. On le conçoit peu, mais la majorité de ce qui est évoqué dans ces films est souvent beaucoup plus difficile à contempler au premier degré. J’aurais voulu accompagner cette pensée d’une autre citation de Twin Peaks, mais j’en abuse déjà et je risquerais de divulgâcher sans m’en rendre compte une série que j’adore (là, déjà, j’en ai trop dit). Le public a souvent moins de difficulté à voir des monstres tuer et mettre en pièces des individus que d’être témoin de choses plus tangibles comme de l’inceste, de la violence familiale, la castration ou les agressions sexuelles, la violence psychologique, etc., etc. Ce genre cinématographique est donc un moyen efficace de confronter subliminalement son spectorat à des concepts similaires dans leurs apparences même s’ils sont différents dans leur nature. L’image dépasse alors le sens premier de la diégèse du film pour se transposer et se lier à une image qui soit plus forte par simple association visuelle.
Prenons, par exemple, Alien; ce long métrage d’horreur et de Science-Fiction réalisé par Ridley Scott en 1979 (saviez-vous que c’est pour cette raison que le némésis de Samus Aran dans la série Metroid s’appelle Ridley? Désolé, trop geek?). Dans une scène en particulier, on montre le personnage de Lambert, interprété par Veronica Cartwright, dans ses derniers moments avant qu’elle ne devienne un point de plus au compteur de la Faucheuse. Dû à quelques plans bien précis et très évocateur, plusieurs experts en cinéma y voient un sens caché incarnant la terreur et l’impuissance face à un viol. La nature de l’acte, dans le film, est bel et bien celle d’une attaque extraterrestre meurtrière, mais les images suggèrent une autre lecture. Même si le but premier n’était pas nécessairement de faire cette allusion, le public vit alors une espèce de choc visuel; on ne peut plus ne pas le voir même si on ne l’a pas vraiment vu. Ce genre de « trauma contrôlé » laisse place à une possible purification ou purgation et même une libération de la pensée et de la parole.
En ce qui concerne la double lecture de The Exorcism, le film est loin de se cacher de représenter hyperboliquement l’absurdité quasiment surnaturelle des pulsions humaines et de ce qu’elles peuvent nous pousser à faire, mais il n’y a pas que cela. Le père, comme entité omniprésente dans le film, est aussi en proie à la corruption. Un passé douloureux et trouble hante sans relâche le personnage de Tony. Les visions d’un adolescent agrippé par les cheveux et forcé à boire du vin de messe avec la consistance du sang m’ont troublées de la même manière que celle de la queue acérée du Xenomorph dans Alien. Dans les deux cas, l’œil perçoit plus que ce qu’il voit. L’avantage c’est qu’à la place de rentrer dans notre carapace comme une perceuse, la technique consiste à passer le rabot pour enlever une couche d’ombre refoulée sans exposer nos blessures agressivement (peut-être que les psychanalystes auraient dû être cinéastes?).
On pourrait dire que c’est ça que j’ai aimé le plus, mais non! En fait, j’ai été charmé par le côté réflexif de l’œuvre. The Exorcism se passe sur un plateau de tournage dans un décor avec des caméras et des acteurs. Par moment, j’avais des impressions de cette intensité qui émane du film Birdman avec Michael Keaton. Le personnage qu’interprète monsieur Crowe, quant à lui, est poussé à bout; lentement, sûrement, inévitablement. Sa fille tempétueuse, le réalisateur provocant, les médicaments et aussi son rôle dans le film qui le replonge dans une vulnérabilité qu’il croyait étouffée et disparue en lui. C’est une technique cinématographique qui me fascine à chaque fois par son audace à vouloir dévoiler du vrai; c’est-à-dire montrer que c’est un film qui veut communiquer en montrant les piliers qui supportent ses idées, la base du projet et la pulsion derrière sa venue au monde.
Je conclurais en disant que le film n’est peut-être pas le plus grand film de possession au monde, mais il est loin de laisser indifférent. Une œuvre qui ne se cache pas derrière une symbolique vide. Je crois que The Exorcism pourrait plaire autant au débutant dans le genre qu’aux fans finis d’horreur. J’imagine bien comment un expert en analyse s’empresserait d’interrompre le déroulement du visionnement par ses commentaires savants et agaçants à la fois (eh oui, faut pas trop parler pendant un film. Ça brise la « vibe »). Alors mis à part le son qui me rend inquiet pour sa sortie en DVD (ça se dit encore, hein?), je n’ai rien de négatif à ajouter.
Ah oui, J’ai quand même passé presque une heure à épier tous les forums et pages IMDb pour vérifier si le film avait un lien avec la franchise de Warner Bros (Let’s-a go!). Je devais le faire puisqu’il y a moins d’un an Russell Crowe a interprété le rôle d’un exorciste dans The Pope’s Exorcist. Ah… Je comprends ExorcCIST et ExorCISM (manque plus que le F, j’imagine?), ça doit être de ma faute. Quel sot puis-je être parfois. C’est l’évidence même! Une seule lettre fait toute la différence… J’espère que l’intention a plus de force que l’exactitude de l’incantation quand l’on combat le Mal, sinon je risque de me retrouver comme Ashe dans Evil Dead. Je croise les doigts pour que la légende du moine bouddhiste sur son île déserte ne soit pas trompeuse.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième