「それては 私が私たちが抱えてる 欲望はあっていいもんだと思いたい。」
[J’aimerais penser que c’est normal d’avoir les désirs que nous avons.]
Hiroki Terai (Goro Inagaki) est procureur au bureau du procureur de Yokohama. Il est marié et a un fils d’âge primaire. Son fils fait souvent l’école buissonnière et Hiroki Terai craint que son fils ne se coupe du monde extérieur. Pendant ce temps, Natsuki Kiryu (Yui Aragaki) est contractuel dans un centre commercial d’Hiroshima. Elle a une habitude particulière et la garde secrète. Son secret est qu’elle veut se déconnecter du monde extérieur. En raison de la mort accidentelle d’une personne, Hiroki Terai et Natsuki Kiryu se connectent l’un à l’autre.
Avec (Ab)normal desire (正欲), Yoshiyuki Kishi propose un drame à plusieurs niveaux, basé sur le roman primé de Ryo Asai, qui remet en question les tabous sociétaux dans l’histoire des destins entrelacés de cinq personnes aux tendances sexuelles atypiques et au désir de vivre en marge de la société.
Pour ce film, Takehiko Minato et Yoshiyuki Kishi jouent sur deux tableaux : un grand tabou et la solitude qu’il apporte. Il faut admettre d’emblée que le tabou présent dans ce film n’est certainement pas généralisé. On est loin du petit tabou qu’un peu tout le monde pratique. Mais l’idée reste la même : lorsqu’on se sent anormal, on veut s’isoler.
Pour moi, c’est dans ce traitement de la solitude que (Ab)normal desire prend sa force. Ce thème représente aussi une grande réalité du Japon actuel, c’est-à-dire la solitude. De plus en plus d’études alertent sur le nombre grandissant de Japonais qui s’isolent, pour diverses raisons. Cette solitude grandissante au sein de la population est un tabou en soi, le gouvernement tentant de montrer que ce n’est pas trop un problème. Parce que l’image c’est important…
Ainsi, dans ce long métrage, on rencontre un grand nombre de personnages déprimés, seuls et d’allure triste. En effet, que l’on parle de cet enfant de 8-9 ans qui ne veut plus fréquenter l’école, de ce père de famille qui semble ne plus avoir de place dans sa famille, cette jeune femme qui souffre d’anthropophobie, ce jeune homme apathique qui n’aime pas les autres ou encore cette jeune femme aux désirs sexuels particulièrement hors-normes, tous sont, d’une façon différente, seuls.
Ce qui affaiblit le récit, c’est le trop grand nombre de personnages. On s’y perd, surtout que plusieurs se ressemblent et on ne les voit que très peu au début du film. Ce qui fait que pendant de longs moments on se demande qui est celui qui apparaît à l’écran.
Parmi eux se trouve Hiroki, un détective coriace de Yokohoma qui craint que son fils de 10 ans ne devienne un hikikomori, préférant la célébrité de YouTube aux interactions humaines normales. Pendant ce temps, à Hiroshima, Natsuki, une vendeuse, se retrouve en rébellion contre la norme imposée selon laquelle il faut se marier et avoir des enfants avant d’être trop vieille. Son seul plaisir est d’être assise seule dans sa chambre à regarder des vidéos sur une certaine obsession.
S’ajoute à ces trois personnages ceux de Sasaki (Hayato Isomura), un jeune travailleur partageant la même obsession que Natsuki; Daiya Morohashi (Kanta Sato), ce jeune homme apathique qui est lui-même le sujet de l’obsession de Yaeko (Ayaka Higashino).
Mais il ne faut pas se laisser influencer par le titre anglais, car ces personnages ont des enjeux autres que leur simple déviance sexuelle. Natsuki, par exemple, va jusqu’à suivre celui dont elle est secrètement amoureuse et lancer une grosse pierre dans sa fenêtre lorsque « son » homme est avec une autre femme.
Chaque histoire est intéressante en soi, mais elles sont trop nombreuses et donc, pas suffisamment développées.
Sympathique, nuancé et magnifiquement interprété, (Ab)normal Desire pose un défi pour le spectateur tout en traitant de sexualité sans recourir à l’excitation et est certainement un des films japonais les plus surprenants de l’année.
Avec un peu moins de personnages et en les développant un peu plus, on aurait un des meilleurs films japonais de l’année. La façon avec laquelle le réalisateur montre les enjeux et dangers liés à la culture des Youtubeurs, qu’on parle de la solitude que ça engendre ou de la perversité narcissique et de la mauvaise influence sur les jeunes.
Ainsi, sans être un film parfait, il reste un film qui mérite d’être vu.
(Ab)normal desire est présenté au TJFF le 17 juin 2024.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième