「ナオミさんはどこに居るんですか。」
[Où est Naomi?]
Éloigné de son père Yohji (Tatsuya Fuji) depuis vingt ans, Takashi (Mirai Moriyama) est ramené chez lui par un appel de police choquant : Yohji s’est déconnecté de la réalité à cause de la démence et sa seconde épouse Naomi (Hideko Hara) a disparu. Lorsqu’on lui demande où elle se trouve, le vieil homme répond qu’elle s’est suicidée. Tout en cherchant à en savoir plus sur la belle-mère, Takashi retrace le passé de Yohji qu’il n’a jamais pu accepter.
Avec Great absence (大いなる不在), Kei Chika-ura propose un voyage touchant à travers des souvenirs perdus et des fragments de vie épars vers la réconciliation entre un père atteint de démence et son fils, séparés de longue date.
Great Absence intègre en douceur des flashbacks des vies passées de Takashi et Yohji avec le drame actuel du vieil homme aux prises avec la démence et le mystère de la disparition de Naomi, dans une structure narrative intrigante qui met l’accent sur la bonne narration visuelle de Chika-ura et les solides performances des acteurs et actrices.
Et quoi de mieux que le 35mm pour illustrer le passé? Ce format encore souvent vu comme quelque chose de plus beau, plus fort que le numérique est parfaitement adapté à l’histoire de ce long métrage. Un peu comme l’avait fait Fellini il y a bien longtemps, Kei Chika-ura alterne les séquences du présent et celles du passé sans démarcations précises, ce qui oblige le spectateur à rester attentif au début du film, le temps que la structure soit bien intégrée.
Cette alternance entre le passé et le présent, est aussi une façon de traiter du passage à la vieillesse. Ce thème récurrent dans l’édition 2024 du TJFF représente certainement un des plus grands enjeux que le Japon a connus.
Un des enjeux dont on entend souvent parler à propos du Japon est le vieillissement de la population et l’éloignement des personnes âgées du reste de la famille. J’en parlais d’ailleurs dans mon article sur Stay Mum.
Le personnage de Yohji représente un peu cette perte de gloire du Japon. Un homme fort, droit, entêté, qui devient dépendant des autres, perdu et faible. Un homme abandonné de sa famille, famille qui doit réapparaitre afin de gérer cet homme en perte d’autonomie.
Ainsi, au-delà du mystère, ce film est une sorte de démonstration de ce qui se produit au cœur du pays, soit une population vieillissante, affaiblie et le fardeau qui tombe sur les épaules des plus jeunes générations.
Sans être un grand film, Great absence (大いなる不在) reste très intéressant dans sa narration et dans ses thématiques. Le réalisateur maîtrise bien les codes du cinéma liés au thriller psychologique, tout en gardant un style loin de celui de Hollywood (ce qui serait tragique).
Avec ce deuxième long-métrage, il évite le piège du mauvais second film. Il sera certainement un réalisateur à surveiller.
Quant aux acteurs, ils sont solides. Ils font passer l’émotion sans pour autant tomber dans la caricature. Je pense surtout à Tatsuya Fuji dans ce rôle difficile.
Great absence est présenté au TJFF le 16 juin 2024.
Bande-annonce
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