「あなたは、私の子供なの。」
« Tu es mon enfant. »
Chisako (Anne Watanabe), une écrivaine de livres d’images, retourne à contrecœur à la campagne après que son père, Kozo (Eiji Okuda), isolé depuis de nombreuses années, développe une démence. Un jour, Chisako, fatiguée de vivre avec un père qui la traite comme un étranger, sauve un garçon (Shoma Nakasu) qui a perdu la mémoire dans un accident et trouve des marques d’abus sur son corps. Pour protéger le garçon, Chisako ment en prétendant qu’elle est sa mère et commence à vivre avec lui. Petit à petit, ils font connaissance et forment une nouvelle famille à l’intérieur de ce mensonge.
Avec Stay Mum (かくしごと), Kosai Sekine propose un mystère plein de suspense qui remet en question la nature de la famille et l’évasion du passé alors qu’il aboutit à une conclusion choquante et puissante.
Au cœur du film, il y a la grande question de savoir si prendre un enfant maltraité avec soi sans passer par les autorités est un crime ou un acte d’amour. En fait, la question serait plutôt de savoir si éthiquement, c’est bien ou mal. Le côté malsain ici vient du fait que Chisako a perdu un fils quelques années plus tôt et que le jeune garçon a perdu la mémoire.
Le film est bien fait puisque le spectateur restera ambivalent jusqu’à la toute fin. D’un côté, il y a cette mère aimante qui ne demande qu’à prendre soin et aimer le garçon, et de l’autre il y a la mère biologique et le beau-père qui maltraitent l’enfant. Mais en même temps, il y a le mensonge de Chisako et le fait qu’on se demande si, en fait, ce garçon ne serait pas simplement un pansement sur le cœur de la mère affublé d’une grande tristesse.
Anne Watanabe incarne cette profonde maternité qui dépasse l’écran et l’imprime avec vivacité dans le cœur des spectateurs. Ainsi, on veut tellement qu’elle puisse garder cet enfant. En même temps, éthiquement, on doit se questionner. Que ferais-je dans une situation semblable. Évidemment, la réponse reste théorique puisque très peu d’entre nous avons déjà vécu ce genre de situation. Et si ça se trouve, personne ne l’a vécu parmi mes lecteurs…
C’est donc avec un montage classique et une mise en scène simple que le réalisateur crée un suspense dramatique amenant des questions éthiques.
Un autre thème ressort de Stay Mum : la représentation moderne de la famille. Ils sont de plus en plus nombreux au cinéma à se questionner sur ce qu’est la famille, de nos jours. On peut penser, par exemple, à Kanasando.
Le Japon a longtemps été une société dans laquelle les aînés vivaient avec leurs enfants lorsqu’ils devenaient vieux. Mais maintenant, ces aînés sont, comme ici, de plus en plus souvent placés dans des maisons d’aînés. Mais on sent une sorte de malaise, surtout avec une population vieillissante.
Ici, on pousse le questionnement beaucoup plus loin. Dans la relation entre Chisako et son père, on se demande à qui incombe la responsabilité d’un parent atteint d’une maladie dégénérative. Dans la relation entre Chisako et le jeune garçon, on questionne le lien parental de sang. Puis, dans la relation entre le garçon et le vieil homme, on se questionne sur la valeur du contact entre une personne âgée et un enfant plein de vie.
Et lorsqu’on met tout ça ensemble, le réalisateur fait réfléchir à la différence entre une famille « de sang » et une famille « choisie ». Est-ce qu’une des deux à plus de valeur que l’autre?
Shoma Nakasu, qui joue le jeune garçon, offre une performance de toute beauté. La chimie entre lui et Anne Watanabe est particulièrement bonne. Ensemble, ils embarquent le spectateur dans le mystère qui les entoure et le prend au piège jusqu’à la finale qui le bouscule.
Stay Mum demande une certaine ouverture d’esprit, car l’angle adopté pour amener le spectateur à se questionner pourrait choquer. Chisako est ce qu’on pourrait appeler un antihéros. Mais son charisme fait la différence et le spectateur risque de prendre pour elle.
J’avais hâte de voir ce film, et au final je n’ai pas été déçu, bien au contraire.
Stay Mum est présenté au TJFF le 15 juin 2024.
Bande-annonce
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