「ちゃんと集中 さねば。」
« Tu dois te concentrer correctement. »
Miyako (Mayu Hotta), rêve de quitter son emploi de caissière pour reprendre la petite entreprise de laque Tsugaru de son père (Kaoru Kobayashi). Elle l’aide lorsqu’il croule sous le travail, mais celui-ci mise sur son fils (Ryota Bando) pour prendre sa relève, ce que ce dernier refuse. Comment pourra-t-elle accomplir sa vocation face à l’hostilité de son père dans un secteur en crise ?
Avec Tsugaru Lacquer Girl (バカ塗りの娘), adapté du roman Japan Dignity de Miyuki Takamori, Keiko Tsuruoka offre un film sur les liens familiaux entremêlés à la tradition de la laque japonaise appelée « baka-nuri » (バカ塗り). Un film lent, qui représente bien son sujet.
Je crois que je dois commencer par présenter rapidement ce qu’est ce laque qui donne son titre au film. Pour ce faire, je vais employer les mots de Kenichi Ishioka, président de l’Association coopérative des laques de la préfecture d’Aomori.
L’histoire des laques de Tsugaru remonte au milieu de la période Edo, sous le règne de Tsugaru Nobumasa (1646-1710), le quatrième seigneur du domaine d’Hirosaki, et durant cette période, le commerce et l’industrie de chaque domaine se développèrent progressivement. On raconte que le seigneur Nobumasa a également invité de nombreux artisans et ingénieurs de tout le pays à Hirosaki afin de promouvoir l’industrie de Tsugaru et a installé un atelier pour les laqueurs dans un coin du château de Hirosaki. Genbei Ikeda, un artiste laqueur de la province de Wakasa (actuelle préfecture de Fukui), était l’un de ces artistes laqueurs, et on dit qu’il a apporté la technique d’affûtage avec lui, et que son fils en a hérité et a créé la base de la laque Tsugaru.
Tsugaru-nuri est un terme général désignant les laques traditionnelles produites dans la région de Tsugaru de la préfecture d’Aomori et est le seul artisanat traditionnel désigné au niveau national dans la préfecture d’Aomori. On raconte que lors de l’exposition de la laque à l’Exposition universelle de Vienne en 1873, elle fut nommée « Tsugaru-nuri » afin d’identifier la zone de production. La technique implique une peinture et un polissage répétés, qui comportent 48 étapes et prennent plus de deux mois. Pour cette raison, les laques Tsugaru sont extrêmement durables et se déclinent dans une variété de couleurs et de motifs, et sont dites « robustes et élégantes ».
Centrée sur l’artisanat traditionnel d’Aomori, la laque Tsugaru, Tsugaru Lacquer Girl est aussi une histoire de famille. Elle raconte comment une famille déchirée par les laques de Tsugaru est réunie par ce même travail plusieurs années plus tard. Mêlant les magnifiques paysages saisonniers de Hirosaki, les ingrédients et la cuisine enracinés dans la région et le charme des gens qui y vivent, l’œuvre se déroule au ralenti, de la même manière que se fabrique le laque dont il est question ici.
Cette œuvre décrit également soigneusement chaque étape du processus de laquage Tsugaru et montre comment la laque est soigneusement appliquée encore et encore. La façon dont le réalisateur traite du milieu social de l’artisanat traditionnel japonais nous donne un sentiment de respect pour la « fabrication ».
Mais au centre du métier d’artisan, il y a le legs qui, souvent encore aujourd’hui, se fait de père en fils, et non de père en fille. Ce conflit d’intérêts entre le père, le fils et la fille porte le spectateur à réfléchir sur les traditions. Quand on dit que ce genre de métier est en train de disparaitre à cause du manque de relève, ne faudrait-il pas accepter qu’une femme le pratique? Le film montre heureusement que les points de vue divergents dans la société japonaise.
Les scènes de fabrications sont d’un grand réalisme. On y voit le processus de préparation des outils, de mélange de la laque et de son application sur les ustensiles fidèlement recréés et on montre comment les laques Tsugaru sont fabriquées.
La situation actuelle des artisans laqueurs de Tsugaru est également clairement décrite et les défis rencontrés sont mis en évidence. Cela reflète également la stagnation de la demande et le déclin du nombre d’artisans dans l’industrie de la laque de Tsugaru.
C’est sous la direction des artisans de laque Tsugaru, Shoji Matsuyama et Natsue Yamaoka, qui ont enseigné la laque Tsugaru, que Hotta, qui interprète Miyako, et Kobayashi, qui joue Seishiro, se sont essayés au laquage Tsugaru. J’imagine que la seule façon de réellement comprendre le boulot derrière chaque bol confectionné est de le faire soi-même.
Le réalisateur Tsuruoka expliquait d’ailleurs qu’il était particulièrement attentif aux scènes de production de laque Tsugaru.
« J’ai pris soin de ne pas omettre trop de scènes sur la fabrication des laques Tsugaru, car il serait difficile de dire que la laque Tsugaru est fabriquée en un grand nombre d’étapes. Je l’ai filmé avec l’intention de vous faire ressentir les mouvements et les sons de la vraie chose. »
Et il réussit complètement. Les scènes sont magnifiques, avec des plans souvent fixes qui se contentent de montrer chaque mouvement comme si on y était et qu’on regardait fixement – parfois de loin et parfois de très près. Tsugaru Lacquer Girl a un petit côté documentaire. On voit à quel point il était important pour le réalisateur de montrer la réalité.
Tsugaru Lacquer Girl est présenté au TJFF le 15 juin 2024.
Bande-annonce
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