「僕は愛がなんなのかよくわかんないです。」
[Je ne comprends pas vraiment ce qu’est l’amour.]
Kosuke (Ryohei Suzuki), un rédacteur de mode dans la trentaine, fait appel aux services professionnels d’un entraîneur physique, Ryuta (Hio Miyazawa). Tous deux tombent amoureux, mais Kosuke découvre que Ryuta travaille secrètement comme escort boy pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa mère (Sawako Agawa). Kosuke se rapproche également de la mère de Ryuta et concocte un plan pour le libérer de sa vie cachée. Lorsque la tragédie frappe, les deux se rapprochent et doivent faire face à un nouvel avenir ensemble.
Avec Egoist (エゴイスト), inspiré du roman semi-autobiographique de Makoto Takayama, Daishi Matsunaga propose une histoire d’amour, mais aussi une histoire d’amour de la famille. Et il questionne ce que représentent ces liens.
L’histoire se concentre sur Kosuke, son amant Ryuta et leurs relations avec leurs mères. Kosuke aime tellement Ryuta qu’il comble la mère de son amant du genre d’affection généreuse qu’il n’a pas pu prodiguer à sa propre défunte mère.
Les films qui traitent d’homosexualité ne sont pas légion au Japon. Bien que le tabou soit tombé, la situation des couples homosexuels n’y est toujours pas idéale. Non seulement le mariage entre personnes du même sexe n’y est toujours pas autorisé (ce qui est étonnant dans un pays n’ayant pas de passé religieux), mais ces couples n’ont toujours pas de forme légale officielle.
Ceci étant dit, Daishi Matsunaga ne fait pas de l’homosexualité une cause à défendre. La thématique est au centre du récit – puisque l’homosexualité reste mal acceptée par les familles – sans pour autant être un enjeu pour les personnages. La relation reste un secret, mais ce n’est pas tant pour se cacher au niveau sociétal que familial que la relation reste secrète. En même temps, que serait un film japonais sans que le secret soit présent?
L’enjeu principal pour Kosuke est plutôt qu’il se retrouve confronté à sa propre compréhension des différentes formes d’amour.
« De manière générale, des termes comme “égo” et “amour de soi” n’ont pas une très bonne image. Mais ne faut-il pas reconnaître qu’avoir de l’amour pour soi permet d’avoir de l’amour pour les autres? Peu importe la façon dont l’amour naît, si une autre personne se sent aimée, je pense que c’est une chose merveilleuse. Dans ce pays où l’on accorde une grande importance à notre intégration dans la société, je dirais que valoriser son propre bonheur et ses propres sentiments est plus important que jamais. »
Ainsi, le film amènera progressivement le spectateur à s’interroger sur ce qu’est l’amour et sur les différentes formes que ça peut prendre. Je dois tout de même avouer que ma lecture de ce film était un peu plus difficile qu’à l’habitude. Le développement d’une relation amoureuse au Japon est très différent de ce qu’on connait ici et pour une fois, ce n’est pas traité de façon caricaturée comme on le voit dans le cinéma populaire. Ainsi, j’avais un peu de difficulté à comprendre les niveaux de langages utilisés par les personnages. Heureusement, je crois que ça n’a pas nui à ma compréhension globale de l’œuvre.
Les Japonais sont généralement des gens réservés, et ainsi ils ne sont pas démonstratifs en public lorsqu’il est question d’amour. Leur cinéma est à cette image. De façon générale, on y montre peut de couple qui s’embrasse et encore moins des scènes de sexualité. Dois-je ajouter que lorsqu’il est question de couple homosexuel, c’est encore plus rare?
Mais avec Egoist (エゴイスト), Daishi Matsunaga ne se censure pas. Puissamment interprété, non sentimental et souvent explicitement érotique, Egoist aborde un sujet nécessaire à une époque où les droits des LGBTQ au Japon sont au premier plan du discours public.
Ainsi, les scènes torrides entre les deux hommes se répètent à plusieurs reprises. De par ces scènes torrides, le réalisateur montre non seulement que les Japonais sont tout aussi vibrants que les Nord-Américains, mais aussi que les relations peuvent évoluer rapidement malgré les grands secrets que certains gardent en eux.
Car bien que leur relation semble se renforcer, Ryuta cache un secret qu’il ne peut pas révéler à Kosuke. Depuis de nombreuses années, Ryuta travaille comme prostitué. C’est la seule façon pour quelqu’un comme lui, avec une éducation inadéquate, de gagner un revenu élevé. Mais en tombant amoureux, il ne sait plus quoi faire.
C’est ainsi que Kosuke propose (et insiste) pour payer Ryuta 100 000 yens par mois pour qu’il ne rencontre plus de clients. Cette proposition ne semble étonnamment pas choquante pour les personnages. Est-ce le milieu dans lequel ils évoluent? Est-ce parce que la sexualité et l’argent ne sont pas aussi tabous au Japon qu’en Occident? Cette question reste dans mes incertitudes.
Il y a d’autres thématiques intéressantes dans ce film, mais elles sont plus difficiles à traiter, car cela impliquerait de révéler des punchs, et je ne veux pas gâcher l’expérience de ceux qui pourraient voir le film. Mais au cœur du film, il y a la définition des relations d’amour familiales. Kosuke ayant perdu sa mère à un jeune âge s’entiche de celle de Ryuta.
Comme ce dernier tente de subsister aux besoins de sa mère du mieux qu’il peut, sans y parvenir réellement, Kosuke commencera à agir avec Taeko (la mère de Ryuta) comme si elle était sa propre mère. Bien que cette relation soit dérangeante, elle reste empreinte d’une douceur et d’une certaine beauté. De là, le réalisateur questionne ce qu’est réellement une famille. Est-ce que la famille doit se limiter au sang et aux « papiers », ou si elle peut s’autodéterminer?
Avec Egoist, Daishi Matsunaga tisse la force, la profondeur et la préciosité des liens que nous forgeons et qui nous conduisent vers le pardon et le salut, sans les nuages qui l’attendent.
Egoist est présenté au TJFF le 14 juin 2024.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième