XiXi est un film d’essai sincère explorant la féminité, l’autonomie et le pouvoir de se réinventer. Son histoire tourne autour de l’amitié du réalisateur Fan avec XiXi, un artiste captivant que Fan a rencontré à Berlin. Attirée par son style unique et ses racines chinoises, Fan découvre en elle un désir latent de se libérer du chemin de vie attendu. Au fil des années, elle observe les conséquences de la nature libre d’esprit de XiXi – au début attachante, mais finalement gênante. À travers des journaux vidéo intimes et des aperçus de la vie quotidienne des femmes, le film explore les blessures intergénérationnelles et remet en question les croyances bien ancrées.
Avec XiXi, Fan Wu propose un film qui suscite un dialogue sur les valeurs sociales acceptées, et leur impact sur l’existence la plus intime de chacun, tout en questionnant ce que signifie la notion de liberté.
La liberté, c’est quoi au juste?
Au cœur de XiXi, il y a la grande question de la liberté. Et là, je dois admettre qu’il n’est pas facile pour un Québécois de se mettre à la place de cette femme qui compose ce documentaire. Les différences entre la culture occidentale et les différentes cultures asiatiques sont grandes, et avec la Chine, c’est encore plus vrai. Mon autre défi est de séparer la valeur de ce documentaire de mon opinion de la protagoniste.
Le film voyage entre les réalités et les mondes intérieurs de XiXi et de la réalisatrice Fan
Tout au long de ce film, au visuel très artistique, ce qui permet d’entrer encore plus dans la tête de XiXi, nous suivons cette femme qui tente par tous les moyens de ne pas être comme sa mère, de ne pas être la « petite Chinoise » que la société voudrait voir. Et pour y parvenir, elle est à la constante recherche de liberté. Sa liberté en tant que femme, sa liberté en tant qu’artiste, sa liberté en tant que personne. Mais à mesure que les images belles ou sombres se succèdent, la question qui hante le spectateur, et éventuellement l’artiste elle-même, est la suivante : à vouloir une liberté totale, ne finit-on pas par se mettre soi-même en cage?
Ainsi, on voit évoluer le personnage, d’une femme égoïste à la recherche de sa liberté, vers une femme de plus en plus brisé, qui réalise que cette soi-disant liberté à un prix. Au cœur de ce questionnement, il y a la fillette de XiXi. Au début du film, on comprend que la mère a abandonné sa fille afin de vivre sa liberté tant espérée. Et c’est là, pour moi, que la difficulté de rester objectif se trouve. Comment est-ce possible pour moi, qui mets au haut de ma liste de valeur, de bien m’occuper de mes enfants, de respecter cette femme.
D’autant que les moments où elle se retrouve avec sa petite, ça brise le cœur de voir à quel point l’enfant a les yeux brillants lorsqu’elle est avec sa mère. Mais à chaque fois, ça se termine en déception. Pour présenter certains de ces moments, la réalisatrice utilise du matériel tourné par XiXi, qui elle aussi, documentait sa vie. Cette scène est particulièrement belle et touchante.
C’est ainsi que le spectateur se retrouve coincé entre deux sentiments. On a envie d’aimer la femme, mais en même temps, on se retrouve confronté avec l’égocentrisme de cette dernière et notre sentiment de haine.
Un sujet proche de sa documentariste
Il y a quelque chose de particulier dans ce long métrage. Il s’agit de la proximité entre la réalisatrice et son sujet.
« Lors de mon dernier été en Europe après mes études, je me suis lié d’amitié avec XiXi, une artiste d’improvisation chinoise. Pendant un certain temps, nous avons été libérés des idéologies dans lesquelles nous avons grandi. Au fil des années de correspondance entre l’Europe et l’Asie, notre amitié, qui était une fenêtre sur la liberté, s’est transformée en une pièce où ce qui était réduit au silence a trouvé sa voix, nous obligeant à faire face aux vulnérabilités qui accompagnent l’autonomie que nous réalisons avoir toujours possédée. »
Fan Wu
À mesure que le film avance dans le temps, on sent tranquillement un changement de vision de la part de la réalisatrice. Alors que les premières années montrent deux femmes qui cherchent cette liberté illusoire, principalement par l’art pour Wu, et par l’art et le voyage dans le cas de XiXi. Et la provocation. Ayant grandi dans une société qui cherche à créer des humains selon un modèle bien précis, ces femmes tentent de se montrer aussi différentes que possible. Pour XiXi, ça tombe dans un certain extrême. Elle qui voulait être différente de sa mère – une femme qui a quitté sa famille pour vivre sa liberté et son art – se retrouve finalement à être exactement pareille, et même à aller plus loin dans cet abandon de tout ce que son pays représente.
Cet extrait où on voit XiXi et Wu échanger des images alors que la réalisatrice explique ce qu’on attend d’elles explique assez bien ce que XiXi cherche à fuir.
A priori, on pourrait se demander à quel point la documentariste est objective dans son portrait. Mais on peut voir, à mesure que les images progressent, que Wu creuse de plus en plus afin de réellement comprendre son personnage. De beaux moments créatifs sont aussi montrés, puisque ce qui unit les deux femmes, à la base, c’est qu’elles sont toutes deux des créatrices.
La protagoniste offre des performances particulièrement intéressantes, voire choquantes, dans lesquelles elle pousse au maximum la douleur qu’elle a au fond d’elle. En tant qu’artiste, je suis vendu. Ses prestations qui se situent quelque part entre la danse contemporaine, le cinéma et le théâtre sont simplement marquantes. Wu a la présence d’esprit de nous en montrer plusieurs, ce qui permet au spectateur de rester connecté à XiXi pour ne pas simplement la jeter, comme elle l’a fait avec sa famille.
XiXi tient une brique en forme de cœur tout en improvisant sa performance
Mais ce que le spectateur gardera de ce film c’est une sorte de tristesse, une mélancolie, se questionnant sur sa propre vie. Le sentiment n’est pas particulièrement agréable, et c’est probablement là que le documentaire réussit le mieux. Ce portrait devient une fenêtre sur soi-même.
Un peu plus…
En partageant les parcours personnels de Fan et de XiXi, XiXi offre aux spectateurs un miroir leur permettant de réfléchir à leurs propres luttes et à la vulnérabilité qui surgit lorsqu’on trace son propre chemin.
L’amitié entre XiXi et Fan les change tous les deux. C’est la scène où XiXi rase les cheveux de Fan
Le visionnement ne laisse pas indemne quiconque a l’humilité de faire une réelle introspection. Parce que les questionnements de la réalisatrice trouvent écho dans les sociétés tant occidentales qu’asiatiques. Avec nos modes de vie de soi-disant liberté, on se retrouve souvent beaucoup plus prisonnier qu’on ne le réalise.
Mais pour vous, la liberté, c’est quoi? Parce que moi, je n’en suis plus totalement certain.
