HOT DOCS 2024 Yintah_Daughters - Une

[Hot Docs] Yintah | Daughters

Continuation de la couverture des Hot Docs 2024.

Yintah (Jennifer Wickham, Brenda Michell et Michael Toledano)

Si la reconnaissance de l’héritage des peuples autochtones est largement acceptée et encouragée au Canada, elle est souvent chahutée dès lorsque survient l’éternel dilemme du partage et de la jouissance des territoires non cédés. Les Wet’suwet’en en payent lourdement le prix depuis au moins une décennie lorsque ses membres sont attaqués et intimidés de toute part sur leurs terres en Colombie-Britannique par la compagnie de pétrole TC Énergie et les sous-fifres de la Gendarmerie royale du Canada.

C’est alors que deux femmes charismatiques prennent position et portent leurs voix avec un courage et une audace incroyable et l’aide de leurs communautés pour construire des barrages afin de stopper le projet controversé de pipeline traversant leurs territoires non cédés. En cinéma direct, la caméra colle aux protagonistes sur plusieurs années dans une guerre de tranchées, enregistrant les assauts de policiers avec leurs chiens et des hélicoptères remplis de testostérone. Nous sommes mal à l’aise de voir les contradictions d’un pays qui d’un côté encourage la réconciliation avec les premières nations et de l’autre, au nom d’intérêts financiers, laisse les compagnies pétrolières saccager les territoires ancestraux et les promesses. C’est finalement la même histoire depuis l’arrivée des colons : des communautés isolées en nombre et de l’opinion publique qui défendent leurs droits.

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Chef Howilhkat, Freda Huson, tenant tête à la police © Amber Bracken

Quand non loin de là, le premier ministre Justin Trudeau dialogue avec des concitoyens et que le sujet est abordé, l’hypocrisie se fait sentir. Heureusement, dès lors que l’appareil de l’État est fébrile, la résistance s’opère. Surveillant la venue des indésirables, en connexion avec mère Nature, les membres de la communauté n’ont pas d’autre choix aux yeux des médias que devenir« activistes » pour sauver leurs territoires et repousser les bulldozers. Yintha prend les contours d’un film d’action sur les terres du documentaire. Il va vous transporter dans une réalité invisible et manichéenne sous les cris, les menaces, les affrontements, les feux et les bruits de tambours. Vous allez sortir sonnés comme le public à Toronto qui a fait une ovation debout lors de sa première canadienne.

Yintha est présenté aux Hot docs les 27 et 28 avril 2024.

Fiche technique

Titre original : Yintha
Durée : 125 minutes
Année : 2023
Pays : Canada
Réalisation : Jennifer Wickham, Brenda Michell et Michael Toledano
Note : 9 /10

Daughters (Angela Patton et Natalie Rae)

Gagnant du Prix du public dans la catégorie « Documentaire américain » à Sundance, Daughters a emballé le public torontois qui assistait à sa première internationale. Le documentaire signé par Angela Patton et Natalie Rae suit sur une durée de huit ans des familles déchirées en raison de l’incarcération des pères dans une prison à Washington, DC. L’angle d’approche est original filmant dans la perspective de la relation pères / filles des deux côtés des murs de la prison, avec comme canal de transmission les appels téléphoniques qui aident les pères à être un peu présent dans le quotidien de leur famille et témoins frustrés de certains évènements tels que les anniversaires. Certains effectuent de lourdes peines, d’autres attendent leur jugement, mais tous n’ont que de très rares occasions de revoir leurs enfants dans un système carcéral ayant remplacé les parloirs par des dispositifs de visioconférence lucratifs. 

Pendant plusieurs semaines, les deux réalisatrices filment un groupe d’une dizaine de pères inscrits à un programme novateur « Rendez-vous avec papa » (Date with dad) qui leur offre un coaching sur le long chemin de la réhabilitation et peut-être de la rédemption. Elles capturent des images fortes, souvent en gros plans, de ces sessions de discussions, un peu trop étirées dans le montage cela dit, jusqu’au jour J où ces pères, délaissant leur habit orange de prisonnier pour des costumes deux ou trois pièces, vont pouvoir rencontrer leurs filles et partager des moments inoubliables. Le point culminant de cette journée restera l’engagement que prennent les pères devant leurs filles voire la demande de pardon. Ce programme caritatif qui existe depuis 12 ans, sous-financé et vu le plus souvent d’un mauvais œil par l’administration pénitentiaire américaine, a pourtant un taux de réussite époustouflant avec 95% des participants qui ne sont pas retournés en prison. Le film questionne le sens du confinement en prison. Doit-il servir à accompagner les prisonniers afin de mieux les réinsérer dans la vie sociale et familiale une fois libérés, ou doit-il s’affirmer comme une double peine en ne leur donnant aucune chance de réhabilitation? Les cravates et les ceintures jonchant sur le sol après la fête matérialisent si bien le dur retour à la réalité après un bonheur éphémère arraché à la vie d’un condamné démuni.

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Aubrey Smith serrant son père Keith Swepston dans ses bras

Parfois à coup de pathos, Daugters nous invite dans une histoire résiliente bien ficelée même si prévisible dans son écriture dramatique. Le film saura vous émouvoir, sans doute vous faire pleurer. Il pourra également vous faire vous questionner sur vous-même et le temps que vous accordez à vos proches dans nos vies tant occupées de l’autre côté des barreaux.

Daughters est présenté aux Hot docs les 26 et 27 avril, et le 4 mai 2024.

Fiche technique

Titre original : Daughters
Durée : 106 minutes
Année : 2023
Pays : États-Unis
Réalisation : Angela Patton et Natalie Rae
Note : 7,5 /10

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