« And the lovers that you sent for me
Didn’t come with any satisfaction guarantee
So I return them to the sender
And the note attached will read
How I love to hate you. »
Dans les forêts brumeuses d’Amérique du Nord, une famille de Sasquatches, peut-être la dernière, embarque dans une aventure absurde, épique, hilarante et poignante s’étalant sur une année. Ces géants hirsutes et nobles se battent pour survivre alors qu’ils avancent dans un monde qui semble les avoir oubliés.
Avec Riley Keough et Jesse Eisenberg, les réalisateurs acclamés David et Nathan Zellner (Kumiko, le chasseur de trésors) vous présentent la plus grande histoire de Bigfoot jamais racontée.
En commençant cet article, j’amusais mon esprit avec la constatation suivante; je n’avais jamais écrit le mot « sasquatch » auparavant. Un fait étonnant; considérant que la cryptozoologie était une de mes passions étant enfant. J’avais toujours parlé du Bigfoot sans jamais utiliser le vrai nom de cette créature mythique. Un petit indice de la vie pour me faire comprendre qu’il me reste encore bien du chemin à parcourir, des expériences à vivre, des connaissances à accumuler et de la sagesse à acquérir. Le film que je m’apprêtais à voir allait être au-delà de toute attente.
Je ne suis apparemment pas le premier fan de cryptozoologie, car David et Nathan Zellner l’étaient bien avant. Ils nous démontrent avec Sasquatch Sunset ce qu’est un travail de maître cinéaste. Loin d’être écrite à la va-vite, cette œuvre atteste d’efforts acharnés, de dévotion et surtout de patience; un travail de moine si vous me permettez d’emprunter l’expression. Les réalisateurs approchèrent Jesse Eisenberg pour le film au début des années 2000 alors qu’il commençait à peine sa carrière. Malgré la nature absurde du projet, Damoiseau Eisenberg accepte avec plaisir; et il ne sera pas le seul.
Ce film reste tout de même peu modeste pour ce qui en est de son budget qui, dit-on, s’élèverait à plus de 200 millions de dollars! Pourtant, aucune grosse maison de production n’est associée au projet. Une question grandissait alors en moi : « Comment quatre sasquatchs perdus en forêt pourraient se comparer à un film des Avengers pour le même prix? » Oh la la, mesdames et messieurs, tenez-vous bien.
Pour une performance de ce type, on croirait devoir assister à quatre acteurs en costume de furry pourris jouer les énergumènes à l’improviste; mais la réalité est toute autre. À peine quelques minutes passées, je me rends compte que tout semble scripté d’avance. Tranquillement, mais sûrement, se dévoilent sous mes yeux des scènes d’une beauté extraordinaire; comme au moment où les sasquatches traversaient les plaines d’herbes quasi dorées (je pensais que je regardais Lord of the Rings). J’y voyais aussi une sorte d’hommage au cinéma muet que l’on imagine comme éteint ou en voie de disparition; une pensée populaire que je ne partage pas, spécialement quand les œuvres muettes reprennent en force depuis plusieurs années déjà. Primal et The Artist, l’humanité réalise que dans l’absence de mots, il y a une autre forme de compréhension; une plus universelle que le silence est aussi une parole.
La charmante petite famille de primates mythiques semble effleurer le monde des humains sans jamais réellement le croiser. Les frères Zellner ont su amalgamer avec talent un portrait pourrait-on dire réaliste du sasquatch en mélangeant savamment faits zoologiques et légendes ancestrales. La finale est tout simplement grandiose (comme tout le film sincèrement). Les dernières images atteignent un niveau d’intensité et de subjectivité bien au-dessus de ce que je pouvais anticiper. J’ai envie de vous raconter des moments marquants, des moments qui m’ont cloué le bec me laissant bouche bée (oui même silencieux j’ai la bouche ouverte! Comme un sasquatch! 😉), néanmoins je ne pourrais me pardonner d’avoir divulgâché ce qui pu m’avoir surpris par son unicité..
L’ambiance extradiégétique qui dirige le fil narratif me faisait penser à un autre film dont j’avais fait la revue; The Integrity of Joseph Chambers; un autre chef-d’œuvre sylvestre. Sasquatch Sunset est dominé par une trame sonore captivante allant d’instruments classiques à des sons de musique électronique ou industrielle. Le public ne peut s’empêcher d’habiter viscéralement chaque moment en compagnie de ces êtres à la fois particuliers et singuliers tant dans le silence enveloppant que dans un brouhaha cacophonique; et cela est d’autant plus le cas lorsqu’on parle du visuel.
Ce genre de film témoigne d’une chose qui, malgré les apparences contraires, symbolise à mon avis la guérison du 7e Art. Il est bon de voir comment le futur de cette discipline artistique est assuré — non pas par ces géants gloutons qui industrialisent l’art —, mais bien par une relève désireuse de continuer à raconter, explorer et créer. Nous sommes devenus un public tellement docile que l’on venait à escarmoucher la possibilité que le cinéma s’épuise et qu’il n’y ait plus d’endroit où aller.
N’est-ce pas une représentation des nouveaux courants de pensées modernes; de croire en cette fatalité des choses; que tout concept germe, a une floraison, puis une mort? L’existence réduite en un iPhone 15; condamné à la désuétude planifiée alors que son successeur numéro seize est déjà en fabrication. Les relations entre nous qui sombrent dans les mêmes schèmes à vitesse grand V alors que l’on s’engage « passionnément » dans des projets que l’on veut d’avance comme temporaires; en attendant de trouver le bon qu’on se dit, non? Sasquatch Sunset c’est tout simplement de l’amour sur pellicule. Une démonstration de l’affection pour l’humain et sa duplicité, pour la nature, ainsi que son prochain — sans oublier — pour l’amour du cinéma.
Nous voilà encore arriver à la fin. J’ai encore cent mille choses à vous dire, mais — paraphrasant Joe Dassin — qui tiennent trop à cœur pour si peu de lignes. Je suis sans crainte que cette pièce unique saura vous charmer vous aussi. Alors que le printemps commence à poindre le bout de son nez — et malgré les bourgeons enneigés —, il y a comme un parfum de renouveau qui plane dans l’air. Sur ce, cher lectorat, je vous dis : salut les amoureux.
Bande-annonce
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