« Je découvre ce monde où tu es venue te cacher; et où j’ai déjà peur de me perdre. »
Clara (Lou Thompson) et Sarah (Philomène Bilodeau), deux sœurs, vivent avec leurs parents en marge de la société, au sein d’un groupe chrétien évangélique à la campagne. Lorsque Sarah disparaît soudainement, le monde de Clara s’effondre. L’adolescente s’enfuit elle aussi dans l’espoir de ramener sa sœur. Elle arrive à Montréal et découvre un monde qui lui était jusqu’alors inconnu.
L’être humain, dit-on, n’est pas une créature de connaissance, mais une de croyance. Un noble concept qui malgré tout nous amène parfois à confondre nos sens et notre jugement.
Sur La Terre comme au ciel apporte à son public une approche classique sur le genre récit initiatique, mais ce n’est pas parce que la formule reste inchangée que le film en soi n’est pas réussi. Bien au contraire, ce long métrage écrit par Marika Lhoumeau et Nathalie Saint-Pierre juxtapose la naïveté de la jeunesse à la croyance religieuse, sans que cela ne semble forcé ou ne soit expliqué. Le scénario est filé de sorte que l’on devine fluidement et progressivement l’intention derrière l’œuvre sans se prendre la tête.
Clara, interprétée par l’incroyable Lou Thompson, est une jeune adolescente timide qui voit son monde – et donc sa sœur – emprunter des sentiers inconnus. De ce fait, elle y plonge aussi naïvement croyant pouvoir sauver Sarah, interprétée par Philomène Bilodeau, de la noyade spirituelle avant de se rendre compte qu’elle-même ne sait pas nager. Emportée par le courant de la vie urbaine, Clara y découvre une ville avec une atmosphère différente et intimidante où tout est grandiose; mais comme elle le dit si bien :« Leurs églises sont immenses, mais vides. Dieu est nulle part ici. »
Sur La Terre comme au ciel est une œuvre pas nécessairement introspective plutôt qu’elle n’explore l’intériorité d’un personnage à la croisée des chemins. Clara se retrouve entre deux mondes bien différents, ce qui l’amène à remettre en question les idées préconçues qu’elle entretient depuis l’enfance. Le village religieux où elle à grandi semble représenter son univers maternel. Un nid sécure l’épargnant de toutes expériences qui puissent être désagréables ou dangereuses, mais qui l’empêchent aussi de travailler son indépendance d’esprit; la ville quant à elle incarnerait alors l’opposé.
Pour Clara, Sarah est aussi une amie et une complice avec qui elle pouvait vivre en toute simplicité. Lorsque Sarah se mit à questionner le monde qu’elle habitait pour ensuite le quitter, c’est aussi celui de la protagoniste qui vola en morceaux. Nous arrivons tous à un point où les délices de l’enfance n’ont tout simplement plus le même goût. Le microcosme de notre imagination ne suffit plus à notre curiosité, un peu comme l’évocation abusive de l’intervention divine ne satisfait plus autant comme réponse à tout. Clara croit vouloir fuir pour ramener sa sœur dans le droit chemin, mais n’est-ce pas elle-même qu’elle souhaite sauver en se laissant aller hors des sentiers?
À Montréal, Clara croit arriver en enfer, car du point de vue de sa mère cela le serait; un endroit qu’elle définit promptement avec une réponse apprise par cœur; « L’enfer c’est l’absence de Dieu ». Pourtant, elle y retrouve sa tante, interprétée par Edith Cochrane, qu’elle aime beaucoup malgré son alcoolisme (je ne me souviens pas une scène où elle n’a pas un verre à portée de main). Elle fait aussi la rencontre d’un jeune homme nommé Sam, interprété par Dominik Dagenais, qui ère dans les parcs et les rues de Montréal. Clara aura l’opportunité de confronter ses croyances à celles des autres, mais aussi à ces nouvelles pensées qui émergent du plus profond d’elle-même. Qui peut-on croire lorsque l’on réalise que ceux à qui on fait le plus confiance finissent par être ceux qui nous ont le plus menti?
Le film est néanmoins un peu long, le scénario s’éparpille dans tous les sens et la résolution des péripéties se fait rapidement à partir du dernier quart de l’œuvre. On se retrouve à vouloir faire un nœud avec des lacets trop longs qu’on finit simplement par s’y prendre les pieds. Ce petit détail efface malheureusement beaucoup de complexité aux personnages secondaires — sans pour autant être en deux dimensions — privant son public de la possibilité de s’identifier ou empathiser avec ces derniers.
Je ne dirais pas que Sur la Terre comme au ciel soit le film qui m’ait le plus ébahi. Cependant, même s’il ne sort pas des sentiers battus, j’ai apprécié voir le personnage de Clara expérimenter par elle-même ce que c’est de le faire. Les images sont magnifiques et le jeu silencieux de Thompson est tout simplement captivant. Elle a sans aucun doute un grand talent à faire transparaître une émotivité profonde avec une gestuelle minimaliste et des faciès qui ne tombent pratiquement jamais dans la caricature.
En conclusion, j’ai aimé le film et je l’ai trouvé intéressant. Je ne grimpe pas au plafond, mais je suis loin de le déconseiller. En fait, c’est plutôt l’inverse, car cela vous donnera à vous aussi la chance de découvrir Lou Thompson.
Le printemps revient, j’en ai plein les mains de ce pain sur la planche; et j’en suis sûr vous aussi. Il faut savoir apprécier la vie et ne pas trop se presser. À propos, avez-vous vu l’éclipse? 😉
Bande-annonce
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