« She was a painter of light. »
[Elle était une peintre de la lumière.]

Quiconque a assisté à un concert de rock ou à une représentation théâtrale a probablement vu une interprétation moderne des éclairages et conceptions de scène initiés par Loïe Fuller (1862 – 1928). Entrez dans l’univers de cette artiste qui a inventé un tout nouveau genre de spectacle combinant danse, lumière, tissu et mouvement de manière inédite. Une femme d’exception qui aura lancé la carrière d’Isadora Duncan, promu la sculpture de Rodin aux États-Unis et collaboré avec Marie Curie et Thomas Edison.

Avec Loïe Fuller — Obsessed with Light, Sabine Krayenbühl et Zeva Oelbaum proposent un portrait bien construit, qui permettra au public de découvrir non seulement une grande artiste, mais aussi une pionnière du monde artistique. 

Pourquoi un portrait d’une artiste presque inconnue?

C’est justement parce qu’elle est trop peu connue que ce portrait prend toute son importance. En cinéma, ce n’est pas un secret, l’apport important des femmes au début du 20^e siècle a longtemps – et encore aujourd’hui – été occulté. Et pourtant, plusieurs d’entre elles ont donné une importante contribution. Je vous conseille d’ailleurs ce film, qui à défaut d’être parfait, redonne un peu de son crédit aux femmes qui ont contribué à l’essor du cinéma. 

Quel est le rapport entre les femmes du cinéma et Loïe Fuller? Le fait que l’histoire les a oubliées et fait pratiquement disparaître malgré leur apport immense. Fuller n’a pas seulement contribué à l’innovation en danse, mais aussi dans le domaine de la scène d’un point de vue très large. Sans elle, l’utilisation de la lumière sur scène ne serait peut-être pas la même aujourd’hui, ou, à tout le moins, ne se serait pas développée aussi tôt dans l’histoire. 

Fuller (1862 à 1928) est la personne responsable de la révolution de la danse moderne en Amérique. Elle a introduit une forme de performance tout à fait unique mêlant danse, tissu et mouvement. Mais la suite est beaucoup plus impressionnante et intéressante.

Jeux de lumières et danse

Non seulement Fuller a révolutionné la danse pour la faire passer dans une nouvelle ère, mais elle a aussi été une innovatrice dans l’utilisation de l’électricité pour les productions scéniques, allant jusqu’à construire un sol en verre pour l’éclairer d’en dessous.

En effet, le film met l’accent sur deux choses : la création de la danse serpentine et les dizaines d’imitatrices qui s’appropriaient son œuvre, et sa recherche constante à rendre son spectacle original et beau en utilisant la lumière et la science. 

La femme n’a pas inventé le droit d’auteur, mais presque. Luttant constamment contre une vague d’imitatrices, Fuller fut la première chorégraphe à tenter de breveter ses danses et à poursuivre en justice, dès 1892, celles qui lui volaient ses créations. D’ailleurs, ses combats lui auront coûté une petite fortune, tout comme son obstination à toujours aller plus loin. Il y a d’ailleurs une excellente fiction qui a été faite avec Soko sur Fuller : La danseuse. 

Mais le point le plus important que vise Loïe Fuller — Obsessed with Light est de donner à cette artiste le crédit qu’elle mérite quant à l’utilisation de la lumière lors des spectacles sur scènes. C’est ainsi grâce à un mélange d’images d’archives et de témoignages d’artistes actuels qu’on découvre les faits impressionnants ayant composé la vie de cette créatrice incroyable. C’est en créant un dialogue entre le passé et le présent, le documentaire met en vedette Jody Sperling et son ensemble Time Lapse Dance et explore l’influence stupéfiante du travail de Fuller sur la culture contemporaine, incluant des artistes comme les Red Hot Chili Peppers, Taylor Swift, Bill T. Jones, Shakira et William Kentridge.

Je ne voudrais pas tout vous dévoiler, mais elle a fait de nombreux essais afin de pousser toujours plus loin le spectacle et le spectaculaire sur scène. À un point où à un certain moment, elle a pris feu à cause d’un problème électrique. Elle qui était devenue amie avec Marie Curie et Thomas Edison, aura mise sa santé en jeu pour de par sa constante recherche de nouveautés afin de rester devant ses imitatrices. Elle utilisa même du radium afin de dessiner avec la lumière alors que l’éclairage s’éteignait. 

Un peu plus…

Malgré certaines longueurs et, par moments, un rendu de mauvaise qualité dû à des archives mal conservées, ce documentaire est une méditation sur la lumière et l’obsession persistante de créer. Le film lève le voile sur Loïe Fuller, une artiste de scène profondément originale qui a révolutionné la culture visuelle du début du 20^e siècle.

D’ailleurs, pour la petite anecdote, elle fut une des premières à utiliser la technique de coloration de la pellicule à la main. On voit d’ailleurs certains originaux dans le film.

C’est aussi l’histoire d’une femme, décrite par ses contemporains comme ​« étrange et mal habillée », qui s’est transformée en ​« Fée de la Lumière » sur scène. C’est l’histoire d’une femme qui est devenue célèbre à ses propres conditions — sans excuses pour son type de corps et ouverte sur sa sexualité. Et c’est l’histoire d’une artiste visionnaire qui a bouleversé les notions prévalentes de la danse et les limites imaginées du corps humain.

Loïe Fuller — Obsessed with Light est présenté au FIFA, le 24 mars 2024.