Le dernier jaguar - Une

[FIFEM] Le dernier jaguar – L’espoir de la lutte animale

« I don’t care if it’s difficult, I don’t care if it’s dangerous, I just want to save my friend. »
[Je m’en fiche si c’est difficile, je m’en fiche si c’est dangereux, je veux juste sauver mon ami.]

Le dernier jaguar - affiche

Autumn grandit dans la forêt amazonienne aux côtés de Hope, un adorable bébé jaguar femelle qu’elle a recueilli. Mais l’année de ses six ans, un drame familial contraint Autumn et son père à retourner vivre à New York. Huit années passent et Autumn, devenue adolescente, n’a jamais oublié son amie jaguar. Quand elle apprend que Hope est en danger de mort, Autumn décide de retourner dans la jungle pour la sauver!

Ce nouveau film de Gilles de Maistre tient ses promesses : il est aussi réaliste qu’émouvant. Le travail effectué sur la relation entre Autumn (Lumi Pollack – Airam Camacho) et l’animal est juste incroyable. Néanmoins, j’ai eu le sentiment en regardant le film qu’une partie de l’écriture du scénario a été bâclée, mise de côté. Certaines scènes manquent de justification scénaristique et quelques personnages secondaires manquent de crédibilité.

Commençons par aborder les points positifs du film. Ils sont plus nombreux que les points négatifs, mais aussi plus puissants et marquants. C’est une impression positive qui domine pendant le visionnage, et qui persiste une fois le générique terminé.

Un cinéma engagé qui sert la cause animale

La cause que défend ce long-métrage est noble, et elle mérite d’être abordée. Gilles de Maistre milite à travers son cinéma, depuis toujours. Il affirme s’être récemment rendu compte qu’avec ses films, militer « pour » pesait davantage que militer « contre ». Il a donc décidé de renouveler son style de cinéma, pour proposer des œuvres telles que Mia et le lion blanc ou Le dernier jaguar. Ainsi, les messages semblent mieux passer et le couple Gilles/Prune (le réalisateur/sa femme et scénariste) parvient à mieux sensibiliser les générations futures aux enjeux de notre monde.

Au sein du film, l’engagement pour la cause animale est totalement absent de la vie citadine, à New York. En classe, on dissèque des grenouilles et ça ne dérange personne. Les gens ne sont même pas au courant de ce qu’il se passe dans la jungle : le trafic d’animaux sauvages. Lorsque Oré (Wayne Charles Baker) explique à Miss Shymore (Emily Bett Rickards) que cela représente le troisième plus gros trafic au monde, elle est atterrée. Comme la majorité des personnes, elle s’imagine naïvement que les lois anti braconnage suffisent à empêcher ce fléau. Mais les lois n’ont jamais complètement arrêté le développement des activités illégales.

Dès le début du film, on apprend que la vie se montre dangereuse en plein cœur de la jungle. Les animaux sauvages ne sont nullement incriminés, ce sont les humains qui provoquent ce danger! Au moment de la rencontre entre l’enfant et l’animal, un coup de feu est tiré non loin de là. Les parents, inquiets, partent à la recherche de leur fille partie se promener. À l’issue de cette séquence, le père affirme que les lieux sont devenus trop dangereux pour y élever une petite fille. On apprend plus tard que les braconniers sont responsables de la mort de la mère d’Autumn. L’être humain est donc la seule créature à craindre dans la nature, lorsqu’il est auteur de la déforestation et de la traque animale.

Le dernier jaguar - Un cinema engagé

Les seuls à se soucier de la défense des animaux et de leur préservation, ce sont les tribus dites « sauvages », qui vivent en plein cœur du carnage. Ils sont les premiers témoins des extinctions de masse provoquées par l’Homme, et tentent de lutter pour préserver leur nature. Pourtant, ils ne représentent qu’une poignée d’individus traqués par les autorités. À l’aéroport, lorsque Autumn et Anja Shymore arrivent à Mayarihawá, les manifestants sont moins de dix et se font embarquer par la police… comme si c’étaient eux les criminels! Même jusqu’à leur lieu de vie, la tribu réfractaire se fait menacer par un homme qui vient les convaincre de stopper leur lutte. Mais finalement, c’est bien l’unité du peuple qui parvient à rétablir la justice.

Le pire dans cette affaire, c’est l’implication des autorités avec les trafiquants : certains policiers corrompus soutiennent les activités illégales. L’appât du gain justifie toutes les horreurs, et Gilles de Maistre le montre très bien dans cette œuvre. Doria Dargan (Kelly Hope Taylor), la figure politique secrètement instigatrice du trafic, résume très bien cela lorsqu’elle capture Autumn et Hope : « I’m sorry my dear, but business is business. » [Désolé petite, mais le business c’est le business.]

Un film d’émotion renforcé par une réalisation réaliste

Le spectateur partage l’implication des personnages dans la cause qu’ils défendent. Gilles de Maistre a voulu transmettre son message de façon efficace en utilisant la voix d’une jeune adolescente, et il a réussi. L’émotion est provoquée par différents moyens, mais surtout par le sujet principal du film : une relation unique au monde, une amitié incroyablement puissante entre une enfant et un animal sauvage. Ensuite, le réalisme de la réalisation vient renforcer la dimension émotionnelle, à travers des scènes sublimes tant par leur humanité que par leur cadre naturel.

Le choix du réalisateur de travailler avec de vrais animaux sauvages est osé. Cela représente de véritables défis, mais le résultat à l’écran mérite ces efforts. L’imprégnateur lui-même, qui travaille sur le tournage pour gérer les animaux, a été agréablement surpris par ce projet lorsqu’il a été sollicité. Il a aussi reconnu en Gilles de Maistre un réalisateur très impliqué dans la cause animale, sachant s’adapter aux animaux sans les contraindre. Les jaguars (Hope et Gem) ont été recueillis dans un élevage mexicain, où ils auraient été vendus de façon légale. Au lieu de ça, leur courte carrière d’actrice leur aura valu une vie douce dans un sanctuaire pour animaux : un endroit où elles vivront libres et protégées. Les animaux nés en captivité ne peuvent pas être relâchés dans la nature, mais ces conditions de vie sont les meilleures possibles.

La réalisation est entièrement organisée autour de l’animal afin d’assurer son bien-être. Certaines scènes ont mis des heures à être tournées, car il fallait suivre le bon vouloir de l’animal. Par exemple, pour la séquence sur la rivière avec Autumn enfant et le bébé jaguar, une journée entière a été perdue parce que l’animal ne voulait pas entrer dans l’eau. Hors de question pour l’équipe de le forcer. Ils sont donc revenus le lendemain.

Le dernier jaguar - Émotion renforcée
Autumn et Hope

Les parties du tournage incluant l’animal ont été « libres » et assez spontanées. Le scénario ne peut pas être respecté à la lettre, car on ne dirige pas un jaguar comme on dirige un acteur. Même en connaissant ses heures d’activités habituelles, on ne peut pas le forcer à effectuer certaines actions. On peut cependant l’y inciter, l’habituer par des stimuli particuliers.

Lorsque l’animal était encore un bébé, la période d’adaptation de Airam Camacho au jaguar a été en partie filmée. C’est ainsi qu’en accumulant un tas de prises de vue exploitables, toute la partie sur la naissance de leur amitié a pu être filmée. Le réalisateur exprime très bien cette liberté de tournage : « On plante la graine de la relation entre une actrice et un animal, on la regarde se développer et des choses imprévisibles émergent. »

L’authenticité des scènes les rend particulièrement émouvantes. Certes, les décors naturels ont été légèrement truqués, car il est impossible de se promener avec un jaguar dans des zones peuplées. En effet, le tournage a eu lieu dans des enclos, mais il fallait conserver l’impression de profondeur présente dans la jungle. Mais l’amitié puissante, soit l’essence même du film, est totalement naturelle. C’est ce qui fait la beauté et la réussite du film. L’animal a été habitué à la présence des actrices qui interprètent le personnage d’Autumn (enfant, adolescente, et sa doublure), pendant plusieurs mois. Elles ont joué ensemble deux heures par jour pendant un an, afin de pouvoir montrer à l’écran une amitié sincère.

Ce film repose donc en grande partie sur l’authenticité des relations entre enfant et animal, ainsi que sur le message et l’émotion transmise. Néanmoins, cette force semble également être une faiblesse. Il m’a semblé que le travail sur le scénario manquait de cohérence en quelques points, j’ai ressenti comme un manque d’aboutissement de quelques maillons de la chaîne.

Des personnages secondaires qui manquent de profondeur

Le scénario semble se tenir uniquement par la cause défendue et l’émotion provoquée. Malheureusement, les scènes émouvantes ne suffisent pas totalement à faire tenir le tout. C’est comme si l’équipe s’était concentrée sur le cœur du film en délaissant une partie du système.

À mes yeux, certaines scènes manquent de crédibilité et semblent seulement servir des besoins scénaristiques. Par exemple, j’ai eu du mal à cerner les intentions de Celya (Lucrezia Pini), l’amie d’enfance d’Autumn. Lorsque cette dernière est témoin du trafic, elle découvre que son amie participe à leurs activités. Une fois revenue face à son père, elle s’explique ainsi : « Je voulais juste pouvoir m’acheter un téléphone. » Quelques secondes plus tard, on la retrouve dans sa tenue traditionnelle en train de manifester contre le trafic, tenant tête aux bandits. J’ai été surprise par ce retournement de personnalité si soudain. On a à peine le temps de s’habituer à la trahison de cette militante, qu’elle est déjà terminée. Comme si de rien n’était. Après coup, j’y trouve un tas de justifications possibles : l’erreur passagère d’une gamine qui réalise soudain sa bêtise, moquer la société de consommation et l’appât du gain, etc. Il n’empêche que sur le moment, j’ai trouvé cet enchaînement trop rapide, presque burlesque et brisant avec la volonté réaliste du film.

Le dernier jaguar - Des personnages secondaires

En parlant de burlesque, abordons le personnage de la prof de biologie : Anja Shymore. Le réalisateur et la scénariste assument totalement l’avoir imaginée dans le but d’ajouter une dimension comique. Cependant, je regrette de l’avoir complètement ressenti comme tel. Pendant une bonne partie du visionnage, j’ai lu ce personnage comme ajouté « juste pour faire rire », sans que sa présence soit suffisamment justifiée. Sa réaction, lorsqu’elle réalise qu’une de ses élèves (et certainement pas sa préférée) s’apprête à entamer un voyage, est légèrement démesurée. Puis tout au long du périple, son utilité scénaristique ne s’explique que par son ridicule. En tout cas, elle ne m’a pas convaincue, et par moment elle a même gêné mon immersion dans l’histoire. Il faut attendre le dernier quart d’heure du film pour qu’Anja trouve sa place au sein de l’intrigue, et participe aux objectifs des protagonistes au lieu de les ralentir sans cesse.

Encore une fois, j’émets des réserves à ma critique, et des contre-hypothèses. Je suis consciente du rôle du personnage : elle permet de faire le lien entre la jungle et la ville, elle montre que les individus les plus citadins peuvent aussi évoluer, et elle incarne l’importance de l’enseignement dans de telles causes. En outre, la dernière scène du film montre la relation amoureuse entre Saul Edison (le père d’Autumn, interprété par Paul Greene) et Anja. À première vue, l’idylle naissante est apparue après le voyage. Pourtant, lorsqu’on y réfléchit, cet amour a pu naître bien plus tôt dans l’histoire… Revenons au moment où Autumn, dans les premières minutes du film, essaie d’éviter son cours de biologie et critique sa prof. Quand on y repense, les réponses du père et sa façon de défendre Miss Shymore nous laissent penser qu’il la connaît plutôt bien. Cette relation plus ancienne justifierait davantage l’implication dont cette enseignante fait preuve à l’encontre de la jeune fille.

Tout compte fait, le sujet du film, les plans et l’émotion générale nous permettent de passer un bon moment en regardant Le dernier jaguar. Lorsqu’on se renseigne sur le contexte de réalisation et sur les engagements du couple réalisateur-scénariste, on ne peut qu’applaudir cette œuvre. Cependant, ce sentiment de satisfaction est ébranlé à plusieurs reprises pendant le visionnage, à cause de quelques scènes non justifiées qui montrent des bouleversements trop soudains et entachent le réalisme. C’est très noble et remarquable d’avoir pu passer une année entière à préparer le couple d’actrices principales du film (le jaguar et la jeune fille), mais cette année aurait pu être utilisée en parallèle pour peaufiner l’histoire et les autres personnages. Ces critiques sont néanmoins totalement subjectives, et se sont estompées après diverses réflexions. Elles représentent tout de même les ressentis immédiats, lors du visionnage et pendant les minutes qui ont suivi. Après coup, on ne garde qu’un excellent souvenir du film.

Le dernier jaguar est présenté au FIFEM du 2 au 10 mars et arrive en salles le 1er mars 2024.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Autumn and the Black Jaguar
Durée
100 minutes
Année
2024
Pays
Canada / France
Réalisateur
Gilles de Maistre
Scénario
Prune de Maistre
Note
7 /10

2 réflexions sur “[FIFEM] Le dernier jaguar – L’espoir de la lutte animale”

  1. Le film est juste magnifique
    Bon j’avoue, j’ai dû le voir deux fois pour l’apprécier à sa juste valeur. Moi ce que je voulais c’était me mettre dans la peau des indigènes, oui les indigènes plutôt que la petite fille qui, certes était la partie sensible du film, mais je voulais vivre le film de l’intérieur et c’est chose faite. L’idée est très bonne, maintenant j’espère qu’elle portera ses fruits. et il n’y a pas que dans la forêt que ce phénomène existe (masacre d’animaux), mais dans nos océans également. Il faut agir et agir vite.

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Fiche technique

Titre original
Autumn and the Black Jaguar
Durée
100 minutes
Année
2024
Pays
Canada / France
Réalisateur
Gilles de Maistre
Scénario
Prune de Maistre
Note
7 /10

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