« J’me sentais comme si je devrais faire le choix entre… Tsé, est-ce que je suis la culture acadienne, ou est-ce que je suis la culture LGBTQ2+, tsé. Maintenant, ben je peux vivre les deux, fièrement. »
C’est dans le cadre du partenariat entre Le Petit Septième et le FRIC que je rédige cet article sur un film qui m’a pris par surprise…
Samuel LeBlanc, un jeune musicien transgenre, entreprend avec ses amis un voyage à travers l’œuvre de la musicienne acadienne Angèle Arsenault (1943-2014).
Venant d’un petit village, Samuel s’est longtemps questionné sur son identité queer et son identité culturelle. L’Acadie queer, ça existe-tu? Ce projet musical documentaire explorera sa double minorité et le parcours de jeunes, qui comme lui, font le constat que malgré les embûches il y a une étoile pour chacun de nous.
Avec Y’a une étoile, Julien Cadieux propose un documentaire comme on n’en a jamais vu, sur un sujet important. Un film qui à tout ce qu’il faut pour rejoindre un large public malgré sa thématique très ciblée.
Il y a une certaine règle qui dit que dans un documentaire on n’utilise pas vraiment de musique. Même dans les documentaires musicaux, il y a une tendance à ne mettre presque aucune musique, sauf si on montre des performances du band en question. Arrive Julien Cadieux et son documentaire tout en couleur et en musique.
Au centre du film, il y a Samuel LeBlanc. Autour de lui, il y a tous les autres jeunes qui prennent la parole, dont ses deux comparses du groupe Écarlate (Clémence Langlois, Daphnée McIntyre). Dès le premier plan, le réalisateur déstabilise le spectateur en commençant avec un plan dans lequel Samuel roule à vélo en chantant Y’a une étoile, reprise de la chanson d’Angèle Arsenault. Le ton est donné pour ce documentaire comme je n’en ai jamais vu avant.
La suite du film entremêle des séquences de type « entrevue » et des moments musicaux dans lesquels les personnes qui composent le film performent soit en lypsync, soit pour vrai. À quelque reprise on a le plaisir d’entendre Écarlate, groupe plutôt prometteur.
Pour illustrer les personnalités colorées de ses intervenants, le réalisateur mise sur une image très saturée. Ces couleurs vives donnent un aspect un peu surréel à cette œuvre singulière. Clairement, prendre ce sujet délicat par la musique est une très bonne idée. C’est une entrée plus facile pour que le spectateur arrive avec une certaine ouverture d’esprit. Même les gens plus conservateurs ont tendance à accepter que les artistes soient moins traditionnels. Du coup, ça donne la possibilité de toucher des gens qui n’auraient pas tendance à s’informer sur l’identité de genre, la queerness ou les communautés LGBTQI2+.
Le réalisateur, et son protagoniste principal, mettent de l’avant le fait que pour Samuel comme pour tous ces gens, c’est un sentiment de double minorité qui les touche. Être Acadien c’est en soit un défi dans un Canada anglophone. Contrairement au Québec, ou pour le moment la réalité reste principalement francophone, le Nouveau-Brunswick est, lui bilingue, et majoritairement anglophone. Ce qui fait des francophones (ou des Chiacs) des personnes en situation minoritaire.
Ajoutons à cela le fait que ces personnes font partie des diverses communautés LGBTQI2+, et on se retrouve avec des gens qui se retrouvent effectivement dans une situation de double minorité. Autre point important : iels vivent tous en milieux ruraux.
Mais là où le réalisateur aurait pu faire un autre film déprimant sur la vie difficile des personnes LGBTQ, il fait plutôt un film lumineux, rempli de bienveillance et de positif. Par moment, il met l’accent sur les belles relations qu’entretiennent les protagonistes avec leur famille. On voit d’ailleurs que c’est d’abord la grand-mère de Samuel qui l’a encouragé à être qui elle/il était vraiment. Disons que nous avons tendance à voir des personnes âgées très réfractaires aux questions de transition sexuelle. Mais ici, ce n’est pas ce que Cadieux a choisi de montrer.
Évidemment, certaines situations sont moins roses. Mais reste que le côté lumineux de Y’a une étoile est peut-être la recette parfaite pour amener une discussion positive et saine. Surtout au moment où les provinces durcissent le ton envers les questions d’identité de genre à l’école, cherchant par tous les moyens à empêcher les jeunes de se représenter comme ils le ressentent.
Personnellement, j’ai tendance à ne pas beaucoup aimer les documentaires sur les thèmes en lien avec les communautés LGBTQ. Pas parce que je ne m’intéresse pas à ces enjeux. Au contraire. Mais je trouve que de manière générale, ces films sont peu propices à toucher les « non-convertis ».
Et c’est là tout l’intérêt de Y’a une étoile. Ce film à tout pour réunir des gens aux horizons et aux valeurs hétérogènes. Et en plus, il est divertissant avec ses superbes chansons.
Espérons que le film aura la visibilité qu’il mérite.
Y’a une étoile est présenté aux RVCQ le 28 février 2024.
Bande-annonce
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