« You are transparent, I see many things. I see plans within plans. »
[Tu es transparent, je vois beaucoup de choses. Je vois des plans à l’intérieur d’autres plans.]
En l’An 10 191, Paul Atreides (Kyle MacLachlan), le fils du duc de la planète Caladan, mène les guerriers du désert contre l’empereur galactique (José Ferrer) et l’ennemi juré de son père, un diabolique Baron d’une planète rivale. Ceux qui contrôlent Arrakis, la seule planète produisant l’élément nécessaire au voyage extragalactique, seront sacrés maîtres de l’univers.
Les 18 et 19 février prochains, les États-Uniens pourront assister à un visionnement en salle du classique DUNE de 1984, afin de marquer le 40e anniversaire de sa parution sur le grand écran (date exacte, 14 décembre 1984).
DUNE a droit à un regain de popularité depuis la menace Villeneuve qui déferle depuis quelques années déjà sur Hollywood et le cinéma nord-américain. On le sait tous (et pour ceux qui ne le savent pas, c’est le moment) que la production du premier DUNE, réalisé par David Lynch, n’a pas eu la réputation d’être de tout repos.
Lynch lui-même considère son film comme son plus grand échec et qualifie la création de cette œuvre comme cauchemardesque. Est-ce que le fait qu’un réalisateur déteste son film et en dise qu’il est un échec prouve absolument qu’il soit un mauvais film? En fait, quand est-il de l’enfant qu’un parent consacre similairement? De la même manière, que l’on peut aimer son enfant même s’il n’est pas un modèle à suivre pour l’espèce humaine; on peut aussi détester l’un d’eux même si ce dernier est un parangon pour l’humanité (faites pas cette face-là, c’est une analogie).
En opposition, le film (et bientôt les films) réalisé par Denis Villeneuve (qui apprécie sa création d’ailleurs), est considéré bien supérieur — 6.3/10 pour celui de 1984 et 8/10 pour celui de 2021 — si on se fit aux infos que l’on retrouve sur le site d’IMDb. On voit aussi immédiatement que le nombre de gens qui ont critiqué le dernier DUNE 2021 est de quatre à cinq fois supérieur à celui de 1984 sur le même site; une situation similaire un peu partout sur le web. Même les célèbres critiques de cinéma Siskel & Ebert avaient donné la note d’une étoile sur cinq à l’époque. Je vous laisse donc réfléchir aux nombres qui ont dû voir les deux; soit d’environ une personne sur cinq. Des nombres consternants qui témoignent sans aucun doute de l’échec commercial qu’a pu représenter le film à ce moment-là. Cependant, cela signifie-t-il un échec cinématographique? Ça, je ne pense pas.
Si je peux donner mon avis (c’est un peu aussi le but de mes articles haha), la critique de DUNE à l’époque, par Siskel & Ebert, le condamnant comme pire film de l’année était très excessive et quelque peu précipitée (tout comme celui de son créateur). Le film est étrange peut-être, différent même, mais mauvais ça je ne crois pas. C’est pourquoi j’avais l’impression qu’une petite rétrospective sur ce film controversé serait de mise question de souligner le 40e anniversaire du film de Lynch et de la sortie du 2e volet de la trilogie de Villeneuve. Peut-être même que je me permettrai de petites comparaisons ici et là.
DUNE débute avec une ouverture semblable à celle de Star Wars de George Lucas; à quelques exceptions près. L’opus de Lucas est accompagné de la musique de John Williams et d’un texte jaune défilant sur un fond étoilé (un texte qui avouons-le, la plupart d’entre nous n’ont jamais pris le temps d’apprécier à sa juste valeur); avec DUNE c’est autre chose. La musique et le texte sont remplacés par le visage de la princesse Irulan, interprétée par Virginia Madsen, fille de Padishah Emperor Shaddam IV, interprété par José Ferrer (ouais, pas mal moins simple que Luke, Lea, Han et l’Empereur sans nom), qui nous explique la situation géopolitique intergalactique et le plan concocté par l’Empire pour garder le contrôle de l’épice – une substance qui permet d’ouvrir son esprit sur l’univers et de traverser le cosmos sans bouger – une ressource qui n’existe que sur Arrakis (ou Dune pour les intimes), planète désertique dont seuls ses habitants connaissent le secret (attendez, c’est pas fini!).
Une fois le petit résumé terminé (pour vrai 2 min 25, c’est fait), l’Empereur Pléonasme IV est visité par des membres de la Guilde Spatiale — une sorte d’alliance de banquiers et de marchands spatiaux (en l’occurrence, une des scènes les plus marquantes que j’ai pu voir dans ma vie) afin qu’il élimine Paul Atreides, interprété par Kyle MacLachlan, car il risquerait d’engendrer un événement qui pourrait compromettre l’approvisionnement en épices pour toujours et donc l’emprise de la Guilde sur l’univers. On nous présente la matrone des femmes psioniques et pseudo sionistes; une larve transcendantale; et à peu près tout ce que l’on doit savoir pour suivre l’odyssée qui se déploiera sous nos yeux (10 min30, et on est avec Paul sur sa planète de Aquaman).
Je l’accorde, c’est certain qu’on ne commence pas avec la même force que le premier Star Wars avec les lasers et les explosions. Et pourtant, les costumes sont uniques et le plateau est grandiose et travaillé; le vert et le doré brillant du décor ciselés par le noir des accessoires est tout simplement sublime à regarder. Je sentais mon corps se remplir d’effroi et de malaise face à l’inconnu qui s’étalait devant mes yeux. Une créature aux formes aliens dissimulée à travers une fumée rose donnant l’impression d’être ici et ailleurs en même temps; se réverbère dans la salle des voix robotiques angoissantes s‘échappant d’un traducteur universel, traduisant un langage extraterrestre de borborygmes rauques à la fois métallique et organique (Phyrexia, All will be One!).
Je ne veux pas mentir ou embellir la réalité, par moment les dialogues peuvent être longs, mais rien d’ennuyant. Ce n’est pas comme si la version de 2021 pouvait se vanter de ne pas prendre son temps avec les dialogues et une contemplation abondante. La trame narrative avance avec un bon rythme dans les deux cas, mais dans la première itération, je connais la réalité dans laquelle les personnages vont évoluer; dans la deuxième, je la découvre au fur et à mesure qu’elle se révèle à moi.
Dans la majorité des cas, l’option numéro un se retrouve à être nuisible pour le flot du récit, alors on opte pour la numéro deux. Cependant, cela n’est pas la même chose lorsque l’on parle de science-fiction, surtout du type fantaisie. Que ce soit Star Wars, Blade Runner ou même Foundation, il est selon moi impératif que l’auditoire puisse comprendre quel sera l’impact du récit sur le monde dans lequel les personnages évolueront. Quant à Dune 2021, l’approche est faite pour nous garder dans le mystère, mais faute d’avoir déjà un pied à terre dans cet univers, je ne peux distinguer ce qui est étrange ou problématique, si je ne sais pas où, quand et quoi.
Retournons à Dune 1984, les effets spéciaux ne sont pas toujours des plus glorieux, mais ils sont tout de même impressionnants. Étant majoritairement des effets pratiques, il est difficile de ne pas penser à tout le travail derrière ces maquettes, les décors et les toiles qui servent à l’occasion d’arrière-plans dans un contexte où le CGI n’en était pas encore tout à fait là.
La musique est loin d’être inintéressante, comment oublier ce moment rock-fusion qui surgit pendant un instant à travers les chœurs et les instruments du philharmonique de Vienne alors que Paul monte sur le dos d’un ver géant. Le score de Toto est unique en son genre et change la donne à l’échelle musicale cinématographique. L’ambiance réussit ainsi à se détacher des autres thèmes plus habituels des films de science-fiction.
David Lynch utilise la peinture, la sculpture et la superposition d’images pour créer des effets visuels marquants sans pour autant délaisser le maquillage et les accessoires que l’on emploie ici à leur plein potentiel. Ces effets sont à mes yeux davantage préférables à un CGI malaisant; comme par exemple, le moment où Kyle MacLachlan et Patrick Stewart se battent alors qu’ils sont enveloppés dans une… Un… J’imagine des champs de force en forme de boîte de céréales? J’en conviens, mes mots ne sont pas des plus rassurants, mais croyez-moi, la scène est on ne peut plus divertissante (quoi que je reste content qu’on ne voit cet effet que deux ou trois fois dans le film 😅)
Soyons honnête, le réalisateur a sa touche; une approche à la réalisation qui lui est propre. Dans le jargon cinématographique, on vient à parler d’un style Lynchien lorsque l’atmosphère mondaine mélangée à des éléments sinistres finit par dévoiler une subjectivité inquiétante semblable à un rêve. D’avoir approché DUNE de cette façon témoigne pour moi de la marque d’un génie du cinéma pour qui l’expression « une image vaut mille mots » n’est pas vaine. Ainsi, la méthode de David Lynch donne aussi l’impression à l’esprit de voyager, car les pensées, les visions et l’inconscient ont une symbolique ancrée au-delà du système que nous soutenons tous; nous, les humains. Pas étonnant qu’on l’ait choisi pour mettre en image une histoire d’idéologie, de spiritualité et de transcendance comme celle écrite par Frank Herbert.
L’histoire transcende même les personnages, car elle ne raconte pas spécifiquement la vie d’individus, mais elle hyperbolise plutôt une démonstration des forces sociologique et anthropologique qui amène une nation, un peuple ou un être à part entière à se définir et s’afficher à la face du monde peu importe l’ordre établi. Une œuvre aux apparences socialistes qui cache des rêves de capitalisme comme en témoigne les mots de Paul Atreides lorsqu’il cite qu’une fois la révolution faite, c’est Arrakis qui deviendra le centre de l’univers.
Refaire un film déjà fait… C’est là que je ne suis pas trop certain de bien comprendre. Je suis bien conscient que la sortie de 1984 n’a pas rapporté son pesant en or (pas pesant d’or). Un film avec un budget d’environ 40 millions qui rapporte 31 millions au box-office n’est certes pas un signe de succès. Si l’on s’en tient à ce fait seulement pour fixer notre jugement, les chances sont bonnes pour que l’on considère l’œuvre mauvaise. C’est évident qu’en 1984 DUNE n’était pas de taille face à la bête montante qu’était Star Wars ou cet autre pilier de la science-fiction que représentait Star Trek. Difficile de se faire une place dans un tel milieu oligarchique et pas seulement du point de vue commerciale, mais aussi par rapport à la possibilité d’un réel engouement du public.
L’ironie de la critique qui a détruit DUNE 1984, c’est qu’elle saurait s’appliquer également, selon moi, aux dernières itérations des productions Warner Brothers (j’ai tendance à attendre qu’une trilogie soit terminée pour la juger. Je n’ose me prononcer trop hâtivement). En ce moment, Star Wars bat de l’aile (malgré selon les dires de fans invétérés qui espèrent toujours un retour de l’équilibre dans la Force); et Star Trek disparaît constamment de la conscience collective tel un Bird-Of-Prey Romulien. Avec LEGO qui se met de la partie annonçant leurs nouveaux modèles DUNE et toute la publicité qui entourent cette ancienne-nouvelle Saga réalisée par la fierté canadienne Denis « the Menace » Villeneuve, je ne crois pas que la trilogie risque d’échouer le test du box-office. Pour en avoir le cœur net, il faudra au moins attendre la sortie du film DUNE: Part 2, qui paraîtra en salle à partir du 1er mars de cette année.
Depuis le 9 février, le Cinéma du Parc offre aussi l’opportunité pour les fanatiques ou les curieux de DUNE de voir la première partie en salle pendant une semaine. Une occasion en or que vous vous amusiez ou vous ennuyiez avec le film, au moins vous pourrez le faire dans une atmosphère agréable. Pourquoi pas en profiter aussi pour vous rafraîchir la mémoire? 😉 Cela reste malgré tout dommage qu’on ne puisse pas être gracié d’un visionnement de la version de 1984 dans notre coin de pays pour l’année de son 40e anniversaire (je croise les doigts).
Ah, Histoire!
Aux ailes légères et frivoles;
Tu papillonnes;
Au gré des mines de plomb;
Pour oublier;
Les pages trop lourdes
Bande-annonce
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