« Deprivation of freedom. »
[Privation de liberté.]
Deux familles se battent pour un droit à la justice, depuis la prison numérique de l’État chinois pratiquant la surveillance.
Total Trust suit le parcours de deux familles et d’une journaliste en Chine, subissant la surveillance du gouvernement, suite au « 709 Crackdown » en 2015, une campagne durant laquelle des personnes considérées comme dissidentes ont été arrêtées et parfois emprisonnées, contournant les applications légitimesde la loi.
Jialing Zhang avait déjà co-réalisé un premier long-métrage documentaire avec Nanfu Wang en 2019, One Child Nation, qui dépeignait les effets de la politique de l’enfant unique en Chine, mesure présente jusqu’en 2015.Avec 1,4 milliard d’habitants, ce pays demeure le plus peuplé du monde.
Actuellement établie aux États-Unis, la journaliste et cinéaste a réalisé son deuxième long documentaire entièrement à distance, durant cette période où la pandémie était encore omniprésente. Elle décide ici de poser un regard sur un Etat utilisant de façon constante les procédés d’identification et de reconnaissance digitale, faciale et vocale, afin d’identifier voire traquer une grande partie de la population.De la grande Histoire aux événements plus intimes, Jialing Zhang n’apparaît donc jamais à l’écran,et amène certains individus et familles directement concernés par ces emprisonnements à s’exprimer au sujet de la politique de contrôle en Chine. Chang Weiping, avocat, a été arrêté en 2020 et condamné à trois ans et six mois de prison pour « subversion à l’État de pouvoir » au centre de détention Feng County, dans la province de Shaanxi. Son travail consistait à défendre les droits des personnes subissant des discriminations de diverses origines.
Ce long-métrage dévoile une partie du combat mené par sa femme, Chen Zijuan, pour essayer de libérer son mari, à travers les nombreux courriers et pétitions envoyés aux autorités. Elle se débat au quotidien avec leur fils, impliqué avec sa mère pour une meilleure justice envers Chang Weiping. Sophia Huang Xueqin, journaliste engagée, a également dû faire face à des arrestations et des pressions suite à un article considéré comme une atteinte à l’État. Enfin, Wang Quan zhang, avocat, sa femme Li Wenzuainsi que leur fils subissent quotidiennement des surveillances de la part du gouvernement, suite à l’emprisonnement de Wang, relâché après près de cinq ans de détention. Ils échangent avec Chen Zijuan et la soutiennent, de par leur propre vécu.
Par ce procédé particulier mêlant travail à distance et observation d’une partie du quotidien des protagonistes, directement concernés par cet Etat pratiquant une surveillance constante, la réalisatrice parvient à instaurer un climat d’empathie. Nous ressentons la force mais également l’accablement des protagonistes. Lorsque Chen Zijuan souhaite assister au procès de son mari en compagnie de son fils et ce, après une longue absence, la police lui interdit alors de poursuivre sa route, invoquant des motifs autres que ceux reliés directement à la situation de Chang.Surviennent alors son désarroi et sa tristesse, face à ces sentiments d’oppression et d’injustice.
A la fin du long-métrage, nous apprenons que cette jeune femme et son fils ont quitté la Chine pour les États-Unis, et que Chang Weiping est toujours en prison. Wang Quanzhang et Li Wenzu poursuivent leur combat quotidien, tandis que Sophia Xueqin Huang a été arrêtée à l’aéroport alors qu’elle s’apprêtait à partir étudier au Royaume-Uni. Elle serait toujours emprisonnée aujourd’hui.
Cette Société du contrôle évoquée dans 1984 de Georges Orwell est malheureusement bien présente en Chine. Mais n’apparaît-elle pas ailleurs ? Les « big datas », réseaux sociaux et autres matériels d’identification sont, de nos jours, omniprésents. Il suffirait de peu pour que l’on bascule dans une société dans laquelle nous pourrions être évalués, utilisés et épiés au quotidien, tels des rats de laboratoire…N’est-ce pas déjà le cas ?
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième