Nous voici au jour 8 de Plein(s) Écran(s) 2024. C’est possiblement la journée la plus forte du festival. N’eut été d’un film particulièrement faible, on aurait eu une journée qui frôle la perfection.
Deux des 4 films sont simplement des œuvres magistrales que vous ne devez pas manquer : Nanitic et Oskar. Je vous en parle juste un peu plus bas.
Vous êtes prêt? Go!
Sous la couverture de la nuit, les skaters s’approprient les rues.
Summer nights est ce que j’appelle un film de dimanche après-midi pluvieux. Le genre de documentaire qui n’est pas particulièrement intéressant, sans être totalement vide d’intérêts.
Ainsi, alors que le soleil se couche et que l’obscurité enveloppe les banlieues de Montréal, la sérénité paisible est brusquement brisée par le bruit perçant émanant des scooters. Avec une détermination inébranlable, Hélly et Natthan se lancent dans une quête aventureuse, parcourant les rues à la recherche des lieux de skateboarding les plus remarquables et impressionnants. Leurs esprits regorgent d’aspirations, s’imaginant exécuter sans faille des manœuvres complexes, défiant habilement la gravité et laissant une empreinte indélébile sur le paysage urbain.
Mais je m’égare. Dans la réalité, on regarde une bande d’ados jacasser de skate et de rêves d’avenir tout aussi peu probable de se réaliser les uns que les autres. Au final, ce qui aurait pu être un superbe documentaire sur l’univers des ados amateurs de skate, devient un simple « film de chums » dans lequel on réalise surtout que la publicité poche du gouvernement sur la langue française des ados était ridicule, mais visait assez juste.
En tout cas, ce film est plutôt « sketch ».
Trang, 9 ans, commence à sortir de l’oubli pendant que sa tante Ut s’occupe de sa grand-mère, qui repose sur son lit de mort dans le salon. Comment un seul corps peut-il occuper autant d’espace ? Que se passera-t-il quand grand-mère ne sera plus là ?
Avec une réalisation et une maîtrise parfaite, Carol Nguyen offre, avec Nanitic, un film remarquable, dans lequel elle utilise la métaphore des fourmis pour raconter la réalité des familles qui immigrent.
Les nanitics sont les fourmis ouvrières de première génération, qui sacrifient leur vie pour la survie de la colonie. Elles prennent soin de la progéniture ainsi que de la reine fourmi. En raison de leur position naturelle et de leur sacrifice, elles sont souvent plus petites que les générations suivantes et ont accès à moins de nourriture. Lorsqu’une reine fourmi meurt, il est dit que la colonie meurt peu de temps après.
Ainsi, la jeune réalisatrice met cette réalité ouvrière en parallèle avec la vie d’une famille vietnamienne installée au Canada. On pourrait donc dire que les grands-parents qui assurent la cohésion de la culture au sein de la famille seraient les reines fourmis, les parents qui se sacrifient pour l’avenir de leurs enfants seraient les nanitics, alors que les enfants récoltent tous les fruits de leur dur labeur à mesure que la colonie grandit, mais seulement pour être ensuite assimiler loin de leur propre cultures une fois les aînés décédés.
L’illustration est assez évidente ici, alors que la grand-mère se meurt, on voit les parents parler à leurs enfants en vietnamien pendant que les jeunes enfants jouent ensemble en se parlant en anglais.
Carol Nguyen réussit, en une quinzaine de minutes, à passer ce message sans donner l’impression de critiquer cette façon de faire. Le film montre une réalité, laissant le spectateur juger lui-même ce qui s’y passe.
Ce film a récolté un déluge de prix lors du dernier gala Prend ça courts, et chacun d’eux était grandement mérité. Comme ce film est un court métrage, il risque de disparaitre, malheureusement. Il faut donc profiter de l’occasion pour le regarder car cette jeune femme représente probablement une part de l’avenir du cinéma d’ici.
Un réalisateur se retrouve captif d’un chalutier en haute mer où sa détresse s’entremêle avec le destin de ce qu’il filme.
J’ai toujours dit qu’il ne faut jamais arrêter un film avant la fin. Parce que parfois, notre appréciation d’une œuvre pourrait complètement changer en fonction de la suite des choses. C’est exactement le cas ici.
Agonie commence un peu comme… une agonie pour le spectateur. Pendant la première moitié, on a l’impression que ça ne va nulle part. Et franchement, c’est totalement inintéressant. Puis, soudainement, arrivent les images des poissons capturés. Et sans trop en dévoiler, disons que ça change complètement le rythme du film et, surtout, la vision du spectateur.
Avec son film, peut-être qu’Arnaud Beaudoux fera réfléchir sur la relation entre l’humain et les animaux, autrement qu’en lien avec les mammifères terrestres. On entend souvent les défenseurs des animaux s’offusquer du traitement que reçoivent les mammifères. Mais qu’en est-il des poissons? Clairement, ça ne déchaîne pas autant les passions.
En ce qui me concerne, après avoir vu Agonie, je vais y réfléchir un peu plus lorsque viendra le temps de manger…
Au guidon de sa moto, Oskar traverse à toute vitesse les paysages sereins des côtes de la mer du Nord alors qu’il tente de fuir la tempête qui menace à l’horizon. Fatigué par cette fuite, il s’arrête sur une plage vaste et lumineuse, le temps d’une cigarette et de réfléchir à la direction à prendre. Mais le répit est de courte durée : la tempête l’a déjà rattrapé. Il décide alors de faire demi-tour et de l’affronter. Englouti dans la noirceur des éléments déchaînés, parviendra-t-il à retrouver la lumière?
Avec une narration basée sur le poème In the hollow throat of a folding wave, Oskar est visuellement magnifique.
La narration de Jeanne Roux-Côté est profonde, presque hypnotique. La voix empreinte d’une certaine tristesse, d’une nostalgie, relate les souvenirs de cette personne qui circule à moto, dans la tempête. Le ton est parfait. La voie est parfaite. Rarement ai-je entendu quelque chose qui berce de nostalgie de façon aussi douce et triste à la fois.
Puis, l’image, en teintes de gris, comme dessinée au fusain, est tout aussi hypnotique. Le spectateur est plongée dans un univers sombre et lumineux à la fois. Si ce n’était de l’incroyable beauté de l’image, on fermerait les yeux pour se laisser bercer par la voix de Jeanne Roux-Côté, mais on en est incapable, ne voulant manquer aucune seconde de l’animation intrigante qui berce notre regard.
Certains plans sont simplement divins, comme celui de l’image que j’ai insérée dans ce texte. Max Vannienschoot tire tout le jus qu’il y a à tirer de son histoire, sans la rendre lourde. Donnez-moi un long métrage à partir de ceci, s’il vous plaît…
Clairement mon coup de cœur de l’édition de cette année.
© 2023 Le petit septième