« Tu vas parler maintenant? »
Le cinéma hongkongais a été une grosse source de grands films, surtout dans la période des années 80 et 90, où des cinéastes comme Tsui Hark, John Woo et Ringo Lam ont fait preuve d’une profonde créativité et énergie dans ce qu’on appelle la nouvelle vague hongkongaise. Et puis, il y a eu la rétrocession de 1997, où la Chine a repris le territoire au Royaume-Uni. Si Hong Kong a continué à produire certains films marquants dans les années 2000, comme Infernal Affairs, Ip Man et In the Mood for Love pour n’en citer que quelques-uns, il reste que la région a perdu de sa splendeur dans les années 2010.
Notamment parce que de plus en plus de films se sont mis à suivre le cahier des charges du blockbuster chinois. Ce qui veut dire beaucoup d’effets spéciaux, des acteurs vedettes et beaucoup de budget. En gros, concurrencer les Américains, mais avec la philosophie du gouvernement chinois. On a parfois de très bons films qui sortent de ce moule, comme The Red Cliff de John Woo, mais parfois, il y a des moins bons, comme I Dit It My Way de Jason Kwan, réalisateurs des deux films Chasing the Dragon.
Sur la surface, le film avait de quoi plaire. C’est une histoire de confrontations entre la police et un cartel avec une intrigue à propos d’un policier infiltré qui a une amitié avec un criminel dont cette affaire va bouleverser leur relation, ce qui fait très John Woo comme histoire. De plus, ajouter la partie informatique est une nouveauté et peut être intéressante si elle est bien traitée. Il y a aussi Andy Lau, de la trilogie Infernal Affairs, l’un des plus grands acteurs du cinéma hongkongais dans le rôle du méchant. Cependant, le film reste juste une multitude d’idées mal exécutées.
À commencer par ce qui était le principal attrait du film, l’aspect informatique. Si la manière dont la police et les criminels utilisent à leur façon le web pouvait créer des situations et des enjeux intéressants, ici c’est fait comme si une personne âgée tentait de décrire Internet. Manquant de connaissance sur l’informatique et le hacking, il n’est pas possible de confirmer si tous les termes utilisés dans le film sont exacts ou non. Mais montrer le hacking comme des vaisseaux qui attaquent une base ou avoir un menu où un modèle 3D d’un visage apparaît pour confirmer une identité, ça semble quand même gros pour un néophyte. J’avoue, regarder pendant 2 heures des personnes taper à l’ordi n’a rien de passionnant, mais il existe sûrement un moyen plus intelligent et réaliste de représenter le hacking au cinéma. Mr. Robot l’a fait.
Ce n’est pas le seul aspect que le film caricature. On a notamment le droit au dealer sud-américain le plus stéréotypé qui soit, ainsi que des descriptions de personnes sous drogues absolument irréalistes qui semblent sortir tout droit d’une mauvaise publicité de prévention contre la drogue. Mais le pire reste l’une des scènes les plus malaisantes que j’ai vues depuis longtemps. Elle ne peut pas être décrite ici, mais sachez que cette scène de mort est à la fois dérangeante, irréaliste et complètement gratuite.
Mais mis à part ces scènes ridicules, le reste du film est juste passable, il y a une scène d’action qui est très cool, les autres sont basiques et mollement montées. Ce récit de conflictualité entre le devoir de policier et l’amitié entre le baron de la drogue est intéressant, mais mal exploité, tout comme l’idée de sympathiser le méchant qui donne juste un résultat mielleux.
Ce qui donne de l’intérêt au film, c’est la performance d’Andy Lau, génial en grand caïd qui a un coup d’avance sur la police. Même si, pour promouvoir le film, il a produit la reprise d’une célèbre chanson pop hongkongaise que l’on entend dans le film… avec un vidéoclip créé par intelligence artificielle. Le résultat est des plus étrange.
I Did It My Way avait un beau potentiel de grand thriller hongkongais, mais il a pris des décisions qui ont plombé ses qualités. Si les gros films de divertissement chinois, c’est votre truc, le film pourrait vous plaire. Sinon, je vous conseille plutôt Drug War de Johnnie To, un film d’opération sous couverture dans le milieu du trafic de drogue qui n’a certes pas d’ordinateurs, mais qui est beaucoup plus réussi à tous les plans que le film de Jason Kwan.
Bande-annonce
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