« Bra-vo! »
Nouvellement installés en ville, Guy et Sylvie (Guy A. Lepage et Sylvie Léonard) sont obligés de constater que Montréal a bien changé depuis leur départ. Du côté de la famille et des amis, leur fille Camille (Anyjeanne Savaria) a une relation compliquée avec Mau (Camille Léonard), la nouvelle blonde de Charles (Eléonore Loiselle, Jean-Christophe Leblanc) est vraiment bizarre, le père de Guy (Pierre Lebeau) est toujours à l’hôpital, le couple Daniel et Loulou (Daniel Brière et Louise Richer) vit quelques chambardements et Martin (Martin Petit) est toujours aussi… Martin. Autrement, Sylvie se cherche un emploi après avoir complété avec succès son doctorat, tandis que Guy fait de la pige comme consultant avec cette impression d’être de moins en moins dans le coup. Enfin, Sylvie prend en grippe la présidente de l’association des copropriétaires, qui surgit de leur ancienne vie, et la maladie du père de Guy entraîne le retour de l’enfant prodige, Anakin (Mattis Savard-Verhoeven).
Avec cette nouvelle saison, Un gars, une fille revient en force, toujours aussi drôle et toujours aussi pertinent.
S’il y a bien une chose qui caractérise la carrière de Guy A. Lepage, c’est bien de ne pas avoir de tabou et de ne pas s’empêcher de dire ce qu’il a à dire. Certains diront qu’il a une sorte de passe-droit lui donnant le droit de dire certaines choses que d’autres ne pourraient pas dire. Personnellement, je crois plutôt que c’est parce qu’il sait comment aborder les questions sensibles.
Dans cette nouvelle saison de 10 épisodes, Lepage et ses co-créateurs se lancent dans une multitude de sujets risqués. Ils s’attaquent à l’activisme, à l’écoresponsabilité, la pollution, les identités de genres, la technologie, les mondes virtuels, l’homosexualité, la mort, et, les drag queens.
Chacun de ces sujets est évidemment traité avec humour, mais aussi de façon à montrer que l’ouverture d’esprit n’empêche pas l’incompréhension et vice-versa. La série est solide d’un bout à l’autre, malgré quelques moments plus faibles. Les scènes avec Martin Petit sont probablement celles qui fonctionnent un peu moins bien. On a l’impression que les gags tombent à plat et que les thématiques sont moins travaillées.
Mais comme ça a toujours été le cas, chaque épisode est divisé en trois séquences bien distinctes, donc même si une portion nous allume moins, on reste accroché à notre écran.
Mais la vraie force de cette nouvelle saison est que les scènes et les gags sont ancrés dans la réalité actuelle. On a presque l’impression que les créateurs (tous dans la cinquantaine ou presque) ont décidé de régler leurs comptes avec le Québec. Mais je ne le dis pas de façon négative dans ce cas-ci.
Guy et Sylvie représentent une génération, des archétypes de la société québécoise. Lui est l’homme dans la cinquantaine qui se sent de plus en plus dépassé par la société actuelle. Il ne comprend pas les relations modernes (mais les acceptes), il tente de s’adapter aux nouvelles tendances sans vraiment y parvenir (la séquence sur le recyclage et le compostage est particulièrement réussie) et il s’ennuie du bon vieux temps où on pouvait manger de la bouffe normale et ne pas se demander quel pronom utiliser.
Sylvie représente bien ces femmes dans la cinquantaine qui veulent vraiment rester jeunes, et pas seulement physiquement, mais aussi dans leur conception du monde. Vous savez, cette mère qui suit sa fille sur les réseaux sociaux et qui veut être cool en commentant chaque statut pour, au final, faire honte à sa fille? Elle reste cette personne pleine de bonne volonté qui n’arrive plus à rester à l’affût de tout. Mais elle reste heureuse d’aller chez Mado. Tout en agissant de façon déplacée, évidemment.
D’ailleurs, quand on parle d’actualité, on peut penser à cette séquence franchement drôle rappelant l’époque du cinéma de Buster Keaton, alors que le couple circule en voiture, à Montréal. Sylvie raconte plein de trucs sans liens, mais en n’introduisant jamais ses sujets de sorte que Guy ne sait jamais de quoi elle parle. Pendant cette séquence, ils roulent donc en voiture. Et alors que l’accent est mis sur la conversation, ce qui est réellement amusant, c’est de voir à quel point ça brasse parce que les routes sont terriblement maganées.
Il y a évidemment toute cette séquence chez Mado qui traite avec humour de cette chose si terrifiante : les drags queen. Sans oublier les multiples séquences qui servent à mettre de l’avant toutes les notions de genres. D’ailleurs, on sent que les auteurs ne sont pas tant entichés du pronom « iel ». Et on réalise à quel point ça bloque un peut dans la gorge. Comme si ce pronom mélangé ne glisse pas bien dans la bouche. En tout cas…
Il est rare que le retour d’une série absente depuis plusieurs années soit une réussite. Disons qu’il faudra se souvenir de 2023 comme d’une bonne année à ce niveau alors que deux séries ont réussi leur retour. Après La Petite Vie un peu plus tôt cette année, c’est au tour de Un gars, une fille de réussir le pari.
Je finirai en mentionnant que vous n’avez pas besoin d’être un inconditionnel pour apprécier la nouvelle saison. Si vous connaissez quelques personnages, vous serez en mesure d’apprécier pleinement la série.
Un gars, une fille sera disponible dès le 4 janvier sur Tou.tv.
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