« Une bombe qui contrôle la parole. »
Avec sincérité, humour et courage, un groupe de Canadiennes d’origine africaine brisent les tabous culturels sur la sexualité féminine et revendiquent le droit de se réapproprier leurs corps. Mêlant son parcours personnel aux récits intimes de plusieurs de ses amies aussi lumineuses qu’attachantes, la coréalisatrice explore le phénomène de l’excision et le chemin vers la guérison individuelle et collective, en Afrique comme au Canada.
Ce documentaire présenté à plusieurs festivals en 2023, dont les Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal, met en lumière le traumatisme de l’excision, une des mutilations génitales féminines vécues selon l’UNICEF par « plus de deux-cent-millions de femmes dans le monde ».
Cette pratique est présente majoritairement dans certains pays d’Afrique comme la Guinée, le Djibouti, le Mali ou l’Égypte, mais également au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique latine.
Parfois associée à des croyances, il s’agit essentiellement d’une coutume fondée sur des mythes qui se poursuit de génération en génération, depuis des siècles. Dans ce film, Habibata, Zainabou et Safieta témoignent des violences qu’elles ont subies durant l’enfance et des traumatismes qui ont suivi, physiques et psychologiques. La coréalisatrice Habibata milite pour une meilleure visibilité des effets de cette pratique, mais également pour que le Canada offre une chirurgie réparatrice à la suite de cette épreuve. Si cette mutilation est interdite au sein de ce pays, la prise en charge ainsi que le parcours de soins restent encore complexes à mettre en place. La docteure gynécologue canadienne Angela Deane, interviewée dans le film, souligne le manque de formation du personnel tout comme le besoin de financement afin de pouvoir mettre en place un réel protocole de soins.
« Passer d’une mémoire traumatique à une mémoire autobiographique », souligne et recommande Papa Ladjiké Diouf, psychothérapeute spécialisé dans la prise en charge de traumatismes. Habibata, Zainabou et Safieta ont chacune vécu cette épreuve et se sont réparées par le biais de la parole et d’une chirurgie appropriée. Durant la réalisation de ce documentaire, Safieta prend la décision de suivre cette opération afin de restaurer ce qui lui a été retiré et retrouver l’estime d’elle-même. En effet, un sentiment de honte peut survenir à la suite de la pratique de l’excision, ce qui parfois entraîne des conséquences psychologiques importantes comme un sentiment de détresse ou une dépression. Pourquoi cette pratique et quelles sont les actions possibles? Rendre la jeune fille « pure » au regard du futur marié renvoie à un problème sociétal extrêmement complexe, car en pratique depuis des siècles, sous couvert de pression sociale et de manque d’informations sur les conséquences parfois dramatiques. Parler, former des bénévoles, mettre en place des associations ou encore agir auprès des gouvernements sont des actions pouvant être revendiquées par certaines femmes ayant subi ces pratiques, des proches ou autres personnes impliquées.
Éclairant dans son discours, ce documentaire réalisé par Habibata Ouarme et Jim Donovan a le mérite de mettre en lumière les difficultés des individus et gouvernements à lutter contre cette pratique ancrée depuis bien trop longtemps au sein de certaines sociétés et à rassembler des moyens conséquents pour une chirurgie réparatrice.
Koromousso est présenté aux RIDM les 21 et 22 novembre 2023.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième