« C’est comme une nouvelle religion. »
Se déroulant dans un futur qui n’existe pas encore, Notes from Eremocene questionne le modèle techno-optimiste idéal qui s’offre à nous.
D’un point de vue curieux, ludique et critique, la cinéaste Viera Čákanyová explore le potentiel de la technologie blockchain et de l’intelligence artificielle pour faire face aux problèmes mondiaux complexes que nous, les humains, créons – le changement climatique et la crise de la démocratie représentative.
Combinant des séquences de films diaristiques avec des images de scanneur 3D, Čákanyová souligne avec poésie et force la tension inhérente entre l’avenir analogique et numérique de l’humanité.
Notes from Eremocene explore un avenir dystopique où les technologies numériques sont devenues hors de contrôle, tandis que la biodiversité s’atrophie. Je ne vais pas mentir. Cette œuvre profondément personnelle de Viera Čákanyová et qui s’appuie sur une conversation fictive avec son futur clone virtuel est par moment long et un peu ennuyant.
Cela étant dit, le film offre une fenêtre sur un monde dans lequel les solutions technologiques conçues par l’humanité pour maintenir son existence présentent des inconvénients majeurs et inattendus. Une réalité qu’on entrevoit déjà avec les arrivées massives des intelligences artificielles et les assistants virtuels. Ne dit-on pas que ChatGPT est en train de changer le monde tel qu’on le connaît?
Guidée par une sensibilité et une généreuse curiosité, cette œuvre singulière déploie une expérience esthétique et narrative qui incarne une réflexion à la fois cérébrale et pertinente.
Certains extraits sont assez frappants, dont celui où on entend celui qui serait l’inventeur de la Blockchain raconter qu’il regrette son invention.
« I couldn’t have foreseen all of the implications of my inventions. It was beyond everyone’s imagination… » [Je n’aurais pas pu prévoir toutes les implications de mes inventions. Cela dépassait l’imagination de tout le monde…]
Peut-on parier que les gens de OpenAI diront éventuellement la même chose?
Mais là où Notes from Eremocene est le plus frappant, c’est dans la vision qu’il offre de notre société non seulement actuelle, mais future en ce qui a trait à la solitude. Lorsque l’humain est littéralement rendu à avoir des discussions avec des machines, ne devrions-nous pas nous poser des questions quant à nos capacités à interagir avec les autres humains? Déjà que de plus en plus des nôtres ont d’avantages d’échanges avec leurs animaux de compagnies qu’avec d’autres humains.
On disait que la Covid avait mis des millions de personnes dans une situation de manque au niveau des relations humaines. Et pourtant, on continue de voir de plus en plus une diminution des interactions entre humains. Au Québec, cette tendance semble plus lente. Mais si on regarde aux États-Unis ou au Japon, par exemple, la tendance est lourde.
C’est donc avec une réflexion sur la place du numérique versus l’analogique que la réalisatrice réfléchit à l’avenir de nos relations. Non sans rappeler HAL (2001: A Space Odyssey), la vision de compétition entre humains et machines est au centre de cette œuvre.
Avec des images qui mélanges de bonnes vieilles prises de vue en argentique et des images numériques filmées, des créations vectorielles et des images 3D, des pixels à la tonne et du « pas clair » ce documentaire aux frontières de l’étrange ne laisse pas le spectateur froid.
Je ne peux pas dire que j’ai vraiment aimé ce film. Par contre, la réflexion qu’il apporte est nécessaire. Mais connaissant notre espace, nos décisions viendront encore une fois trop tard et seront probablement basées uniquement d’un point de vue ultra-capitaliste.
L’avenir nous le dira…
Notes from Eremocene est présenté aux RIDM les 19 et 24 novembre 2023.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième