« That’s the hook, so the girl falls for the village’s idiot. »
[C’est le problème, alors la fille tombe amoureuse de l’idiot du village.]
Itsy (Emma Tremblay) pense que sa vie est finie; elle et son petit frère, Evan (Kenneth Cummins) sont nouvellement arrivés dans la petite ville de Pebble Falls où il n’y a rien d’intéressant. Les choses semblent moins monotones lorsqu’elle rencontre son voisin Calvin (Jacob Buster), obsédé par l’espace, qui lui révèle que ses parents ont été enlevés par des extraterrestres. Journaliste en herbe, Itsy se fait convaincre par la directrice du journal étudiant d’écrire un exposé sur le phénomène Calvin; elle accepte, mais découvre vite chez lui bien plus qu’un jeune homme excentrique.
Le film Aliens Abducted My Parents And Now I Feel Kinda Left Out a le genre de titre agréable à faire un article avec. Sans être seulement accrocheur, c’est aussi assez gros pour que l’article ne soit pas long à écrire; déjà là, j’ai la moitié de faite (ben oui, je commence avec une blague. Je me sens comme ça aujourd’hui). Il est plaisant quelquefois d’aller se baigner croyant que l’eau sera glacée et de s’apercevoir qu’elle est tiède; les accroires les plus trompeurs sont ceux que l’on se fait à soi-même, n’est-ce pas?
Une feinte au cinéma est souvent appréciée surtout lorsqu’elle est pertinente ou est amenée avec soin. J’ai commencé le film croyant savoir où tout cela s’en allait, puis rendu à mi-chemin je n’en n’était plus sûr, mais pas dans le mauvais sens du terme. Au contraire, je me réjouis lors d’un visionnement d’être surpris que l’histoire ne se déroule pas totalement comme prévu; après tout, si l’on peut tromper la vigilance des cinéphiles les plus érudits ne serait-ce qu’un instant, cela doit être vrai pour les autres également, non?
Jake Van Wagoner nous offre un bon long métrage qui nous rappelle que les plus grandes aventures ne se passent pas toutes en territoires inconnus et que les êtres les plus intéressants ne sont pas nécessairement ceux que l’on peut rencontrer dans l’espace. Face à l’immensité du cosmos, il n’est pas difficile de se sentir si loin de tout. C’est toujours avec un pincement au cœur que je réfléchis sur la nature de la solitude; de ce sentiment ironiquement retrouvé sur l’une des seules planètes habitées. Cette sensation semble partagée par la protagoniste, Itsy, interprétée par Emma Tremblay, qui en bonne adolescente classique croit que sa vie est finie suite à son déménagement. Pour elle, la ville c’est la vie et le reste, c’est le vide intersidéral.
Cet environnement aride aux allures martiennes est le décor parfait pour qu’elle fasse la connaissance de son nouveau voisin étrange, Calvin, interprété par Jacob Buster, alors qu’il est vêtu d’un scaphandre lunaire. Il est très adroit que le film aborde les interactions humaines, spécialement les premiers réels balbutiements amoureux (je veux dire par réel que l’attachement qui se développe entre eux est autre chose que les histoires classiques « fille rencontre garçon ») , à l’aide de la thématique de la rencontre d’un extraterrestre. On a l’habitude avec ce genre de film d’avoir à traverser les moments malaisants et très conformes des premiers rendez-vous; premier retirage de soutien-gorge; premier baiser ou tenir la main ou n’importe quoi, mais pas ici, leur relation se développe organiquement, car iels apprennent à se connaître
Itsy au départ n’a envie d’apprendre à le connaître que pour pouvoir écrire un article intéressant. Habile encore une fois d’utiliser un stéréotype classique du genre cinématographique pour y apporter une touche plus réaliste. Itsy n’est pas la mauvaise fille qui réalise qu’elle veut être gentille, c’est plutôt une adolescente insouciante qui réalise quels genres de relations elle veut entretenir, et ultimement, quelle femme elle sera plus tard. Loin d’être un personnage passif, Itsy s’exprime avec sarcasme, agit de manière impulsive; mais elle apprend et découvre ses qualités profondes au même rythme que le public.
Le personnage de Calvin (contrairement au personnage de Eliott dans The Re-Education of Molly Singer) est réellement un bon garçon, un jeune homme blessé et légèrement traumatisé sans aucun doute, mais fondamentalement charmant, doux et intelligent. Il démontre une intelligence émotionnelle naturelle mêlée à une attachante naïveté. Itsy réalise peu à peu que le monde dépeint par Calvin est beaucoup plus inspirant que les ambitions normalisées par le système dans lequel elle vit. Il devient évident à ses yeux que les nouvelles générations sont encore promptes à ostraciser les gens et qu’elle-même sans s’en rendre compte en fait aussi partie.
Se perdre dans l’espace ne nécessite que de lever les yeux vers le ciel étoilé, mais si l’on descend notre regard sur le plancher des vaches, nous réalisons rapidement à quel point nous sommes déjà entourés de l’inconnu. Ne sommes-nous tous pas de l’inexploré les uns pour les autres tant que nous n’osons pas cette rencontre du troisième type? La découverte n’est pas vers le lointain d’alpha Proxima, elle se trouve dans la découverte de ce qui se trouve à proximité. Ce concept est illustré avec brio par le personnage du petit frère de Itsy, Evan, interprété par Kenneth Cummins, un jeune adolescent qui s’intéresse à connaître certaines informations qui a priori semblent inutiles. Il aime apprendre à lire les cartes, calculer par lui-même, etc. Bref, toutes des connaissances qui, de nos jours, sont déléguées aux machines ou aux Intelligences artificielles.
Ça fait du bien de voir la jeunesse comme sujets qui intéressent les auteurs sans pour autant en faire toute une histoire comme on dit; d’autant plus que ne tombe pas dans la dynamique facile de faire des mauvais coups, ou de mal agir sous prétexte d’être encore jeune. Cela contribue tout de même à subtilement souligner que, tout comme découvrir les confins de l’espace, ce n’est pas le sujet que l’on étudie qui importe, mais l’expérience que nous acquérons avec nos rencontres. On dit souvent que tout à déjà été fait, que tout est déjà découvert; en outre, quel est le point d’apprendre des choses que toute l’humanité connaît déjà? Peut-être que justement ce ne sont pas les outils que les humains utilisent qui les rendent magnifiques, mais plutôt le génie qui se trouve derrière.
L’article tire à sa fin et j’ai l’impression de saisir davantage ce dont Aliens Abducted My Parents And Now I Feel Kinda Left Out veut parler. Regardons-nous vers les cieux parce que nous nous ignorons entre nous? À vouloir contribuer coûte que coûte à notre société, sommes-nous en train d’oublier ce que la société est censée nous offrir? Nous devrions pouvoir chacun nous épanouir dans notre immédiat et ne pas avoir à fuir constamment les milieux sous prétexte qu’ils ne sont pas appropriés. Est-il possible d’être un membre utile au système sans nécessairement s’y conformer? La beauté de l’humanité ne se trouve-t-elle pas dans ce qu’elle recèle? Pourquoi chercher toujours plus loin pour se comprendre entre nous? Nous n’avons qu’à suivre nos élans, passions et nos pulsions en nous fiant à l’idée que nous voulons le mieux pour nous et pour notre prochain.
Ma dernière pensée aujourd’hui en est une de Fyodor Dostoyevsky sur la beauté de l’âme humaine et de l’usage beaucoup plus large que nous pouvons faire de notre savoir :
« Je conviens que deux fois deux font quatre est une excellente chose; mais si nous dispensons des louanges, alors deux fois deux font cinq est parfois aussi une petite chose des plus charmantes ».
Bande-annonce
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