« There are people out here, like myself, who live a real life and have real problems. Like, real fucking problems.»
[Il y a des gens ici, comme moi, qui vivent une vraie vie et ont de vrais problèmes. Genre, de vrais putains de problèmes.]
Six meilleurs amis de l’université, maintenant dans la quarantaine, qui se retrouvent pour leur week-end de 25 ans de diplomation. Au fur et à mesure que le séjour avance, les secrets sont révélés, et les forceront tous à réévaluer leur vie.
Laura Adkin écrit et réalise son premier long métrage avec Re: Uniting. C’est toujours angoissant de faire le grand saut de l’autre côté de la caméra, surtout avec un projet personnel comme celui-ci. Son œuvre; aux airs d’une dramatique avec de la comédie, et non d’une comédie avec de la dramatique; explore l’idée du temps qui passe, mais plus spécifiquement encore, celui qui ne s’est pas passé ou qui ne se passera pas. L’expérience me faisait beaucoup penser à celle que j’avais vécue avec Le Temps d’un Été (ma première critique!)
Que nous reste-t-il de ces moments, de ces amitiés, de ces amours; et que nous restera-t-il ensuite? La narrative explore de long en large la possibilité que les sentiments réciproques ne disparaissent jamais; de l’importance de les nommer de peur de devoir se taire pour toujours face à l’inévitabilité d’une fin; du doute des choix qui gouvernent nos vies et nos quotidiens. Le personnage de Rachel, interprété par Michelle Harrison, ainsi que son mari et membre de leur cercle d’amitié de jeunesse Michael, interprété par Jesse L. Martin, réunissent ceux et celles qui furent importants dans leur vie; pour constater si les sentiments et les expériences qui les unissent résistent aux tests du temps. Cependant, Carrie, interprétée par Bronwen Smith, sent que son amie ainsi que son mari cachent quelque chose à elle et aux autres.
Les temps changent, mais le fond reste et même si nous aimons nous rappeler de ce que nous étions jadis (comme le fait constamment Danny, le personnage interprété par David Lewis), le temps amène son lot d’irréversibilité, de chances perdues ou tout simplement de la vie trop courte. Re: Uniting ce sont ces retrouvailles des amitiés et du bon temps qui après 8 ans ne se font pas sans raison. Rachel tarde à confier ce qui la tracasse ce sursis donne à ses invités la place nécessaire pour que cette gestation loin des tracas de leur vie de tous les jours accouche des secrets et des maux de chacun.
Les acteurs sont vraiment au sommet de leur forme et donnent un second souffle à une dynamique qui aurait pu vite s’épuiser après la première demi-heure. Les personnages en ressortent authentiques et auxquels on s’attache ou s’identifie facilement. Les dialogues semblent parfois anodins ou non-essentiels, mais c’est en portant une oreille attentive que se dessine une approche adroitement subtile; que se révèle le subterfuge des paroles au cinéma. On insinue, on accuse, on suppose et on questionne, mais qui ose savoir comment se sent autrui? En tout cas pas une bonne artiste telle que Madame Adkin.
Il est facile d’oublier comment en tant que public nous avons l’habitude de croire en la vérité intrinsèque qui émane des personnages comme étant immuable et absolue. Cependant, il faut prendre le temps de se remémorer que les personnages réussis en quatre dimensions (quatrième dimension parce qu’un personnage bien fait donne l’aspect d’avoir sa propre temporalité; d’arriver de quelque part et de possiblement aller ailleurs ensuite) sont inspirés de nous réels humains imparfaits que nous sommes. Si les êtres qui habitent l’univers de cette œuvre sont eux aussi imparfaits, leurs mots échangés ne reflètent pas LA vérité, mais bien une vérité qui leur est propre à chacun; il peut même leur arriver de mentir ou de se tromper, tout comme nous.
J’en viens à cette scène – à une scène parmi tant d’autres – qui représente un peu plus clairement mes pensées ci-haut. Michael, un homme ordinaire, et Collin, un riche joueur de football américain interprété par Roger Cross, discutent de leur vie respective. Les deux ont un lot de dilemmes et d’embûches à affronter, mais on comprend que chacun cache une part de vérité (à lui et aux autres), ce qui les amènent mutuellement à croire qu’ils sont différents quand, au fond, ils sont simplement à des endroits dans la vie qui ne sont pas les mêmes sans pour autant ne pas se ressembler. À la fin de la journée, ces interactions imparfaites font réfléchir sur notre propre honnêteté en public, y compris avec ceux et celles que nous aimons.
Le pivot menant au dénouement n’arrêtait d’envoyer surprises et suites inattendues; je n’en pouvait plus de rire tellement la scène se comparait à du théâtre d’été (ce n’était pas mauvais, mais quelques mots ne sauraient décrire avec justesse la scène). Malgré le plaisir que tout un chacun aura partagé durant son séjour, la tension monte et, à ce moment-là, atteint son paroxysme résultant en des confessions qui s’enchaînent et éclatent comme des bubons purulents. Cette culmination cathartique illustre avec beaucoup de couleurs que les démons qui nous hantent ne nous quittent jamais, et que le regret fait partie de la vie, car nul ne foule le sol qui n’a jamais regretté (l’attrape c’est que tu le sais toujours après qu’il soit trop tard, pas vrai?)
Tout se précipite vers la fin, mais peut-être symbolise-t-on l’urgence; l’impossibilité de dire, de faire tout ce que le passé et le présent ont laissé entre eux; comme le chante Barbara « …tout ce temps perdu ne se rattrape plus ». Le film laisse aussi sur la question du renouveau ou du pas à faire ensuite, car une fois plus vrai et plus honnête face à l’univers et envers nous-mêmes, il reste à apprendre, découvrir en quoi cela consiste.
Je terminerais en soulignant que l’œuvre est bonne et vaut même un deuxième visionnement afin de mieux saisir la subtilité des rapports entre les personnages, un visionnement qui permet une meilleure appréciation. On ne cherche pas à être nominé aux Oscars, mais on apprécie son charisme de film qui passe un dimanche vers 11h à la télévision. On ne s’endort pas dessus, au contraire, le film nous donne envie de sortir retrouver nos amis et profiter du temps qui nous est toujours offert à partager.
Bande-annonce
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