SPASM-WTF - Une

[SPASM] WTF — Une journée c’est pas assez

« N’oubliez pas de voter! »

Le mot juste

C’est un privilège de pouvoir travailler chez Le Petit Septième et avoir la chance de visionner des métrages de toutes les longueurs, en avance ou en primeur. Mes coéquipiers sont talentueux et démontrent, à leur façon, un intérêt marqué pour le cinéma et une expertise qui leur est propre. Si je mentionne quelquefois une autre personne de mon travail, comme Solenne admettons, c’est par affection, mais surtout admiration. Je me souviendrai toujours de l’image de la valise Louis Vuitton dans ma revue de Kill Shot où François Grondin, aussi éditeur en chef, avait pris la peine de mettre un clin d’œil (et Dieu soit loué, je n’ai pas vu de pareil horreur depuis). 

Soirée WTF - intro
Jarrett Mann

Vous connaissez ma collègue Solenne? Elle me fait bien rire. Je la trouve tellement inspirante, brandissant fièrement une expression connue pour bien orienter la conversation, étrangement, apportant aussi le sentiment que c’est elle qui l’a inventé. Toujours le mot juste comme on dit. Face à ma sévérité, je tiens quand même à préciser que ses mots résonnent en moi avec certitude; « l’important c’est de participer ». Merci, de me ramener aux bases; à quoi servent les amies sinon à nous remettre sur le droit chemin?

SPASM WTF est un volet relativement nouveau du festival qui ne fut tenté qu’une fois durant la pandémie. Le voilà de retour avec une sélection très variée. C’est à se demander s’il sait ce qu’il est ou se cherche encore?

A Folded Ocean (Ben Brewer) — À quoi ressemblerait le film, The Thing, aujourd’hui?

A folded ocean

Un couple se perd en lui-même

A Folded Ocean, c’est une femme, interprétée par Anabelle Lemieux, et d’un homme, interprété par John Giacobbe (avec ses airs d’Adam Driver), qui passent littéralement à travers leur couple. Ben Brewer nous livre un court métrage avec un concept intéressant, mais des effets qui sont par moment très grossier dans leur rendu final. 

Arrivé au générique, j’étais légèrement déçu de ne pas avoir vu un être androgyne émerger de cette fusion entre deux êtres amoureux. À la place, suite aux croisements de leur chair, les images tournent au noir sur un couple qui… paraît plus conscient de l’un de l’autre? Je ne pourrais dire tellement la fin était vague. Mon seul véritable regret c’est qu’il ne soit pas le pire de la liste du festival SPASM : WTF; au contraire, celui-ci reste passable et saisit bien la thématique « What The Fuck » en étant autre chose que simplement loufoque et caricatural. 

La lumière est belle, l’ambiance est silencieuse, tout en sachant créer une atmosphère absorbante et intime. Quant aux acteurs, ces derniers sont très investis, sans parler de leur jeu physique et de leur regard poignant, iels sauvent les effets spéciaux cahoteux en offrant une performance exemplaire dans ce projet pas ordinaire.

Fiche technique

Titre original : A Folded Ocean
Durée : 13 minutes
Année : 2023
Pays : États-Unis
Réalisateur : Ben Brewer
Note : 7.5/10

Motomarine — En attendant la vague

Motomarine

Elsa se magasine un agent immobilier pendant la crise du logement à Montréal.

Gabriel Auclair-Doucet n’en est pas à son premier court métrage et son savoir-faire se développe depuis 2018 avec Crustacé (est-ce que Motomarine est un retour aux sources? Blague de plage.) Le film sans paroles oscille entre le comique et l’angoissant. Le scénario est un tantinet à la va-vite et donne davantage l’impression d’avoir été fait pour une improvisation comparée que dans l’intention de décrocher les mâchoires de stupeur.

Le jeu caricatural est appréciable et accompagne bien la musique jazz étrange. J’aurais souhaité peut-être un humour plus assumé, plus de sons en canne pour rendre la chose encore plus étrange ridicule et décontenançante (tant qu’à vendre le punch au début, divertissez plus). Les prises de vues démontrent une expertise à la fois technique et artistique. 

Le film ne coule pas, mais il nage difficilement; cherche son air de temps en temps. L’univers me fait penser un tout petit peu à du Ionesco et au théâtre absurde. Faire de l’absurde n’est pas seulement faire n’importe quoi, sinon ça finit par avoir l’air des derniers Bye-bye malaisants et pas du tout « what the fuck » dans le bon sens. Tout le monde est bon, il manque uniquement le sens de la surprise et du build up pour empêcher que Motomarine nage avec les poissons.

Fiche technique

Titre original : Motomarine
Durée : 4 minutes
Année : 2023
Pays : Québec, Canada
Réalisateur : Gabriel Auclair-Doucet
Scénario : Gabriel Auclair-Doucet
Note : 6/10

Claudio’s Song — On se le rappellera à travers les âges

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Un jeune homme est confronté à la colère d’une famille de criminels qui cible les personnes célèbres sur Internet et leur extorque de l’argent. Lorsque leur stratagème échoue, le plan pour le tuer prend une tournure inattendue.

Saisissant, impressionnant, inattendue c’est peu dire. L’esthétique est travaillée dès le premier plan alors que se dévoile à l’écran un chantier entouré de poutrelles perpendiculaires. Une toute petite voiture d’un rouge éclatant se stationne en plein centre du plan d’ensemble. La caméra se rapproche et la musique extradiégétique baisse au même rythme devenant intradiégétique en émanant de la radio.

Andreas Nilsson délivre une histoire renversante en plus d’un visuel impeccable. Avec un départ contemplatif et une belle transition musicale, le film monte exponentiellement en étrangeté plus il avance. Le choix d’utiliser plusieurs langues est très intéressant, mais soyez attentif à bien mettre les sous-titres à moins de connaître la langue ukrainienne (C’était tout qu’un premier visionnement).

Le cinéma qu’offre Claudio’s Song est vraiment à l’image du 7e Art; combinant savamment les différentes formes d’expressions artistiques (une sorte d’œuvre d’art totale du 21e siècle) le spectacle reste mémorable avec en plus une chanson qui restera en tête plus d’une journée. C’est d’ailleurs là que se trouve l’ironie du film qui prend le temps d’aborder la thématique de la permanence à travers la popularité recherchée par les influenceurs, et autres, avec les réseaux sociaux.

Fiche technique

Titre original : Claudio’s Song
Durée : 9 minutes
Année : 2023
Pays : Ukraine
Réalisateur : Andreas Nilsson
Scénario : David Kolbusz
Note : 8.5/10

Documentage : Les Hommes Face-Tronc / Les Sacs-Volants — *Insérer son de criquet*

Documentage

Amenés avec un ton humoristique et un style de montage 1960-70, ces faux documentaires portent sur des sujets ridicules avec un sérieux cinglant.

Fred Lavigne présente des capsules humoristiques sur différents faux faits divers dans le style de la fausse publicité de l’hippo des familles que présentait jadis le gouvernement du Canada. L’esthétique quant à elle rappelle de vieilles vidéos éducatives comme on montrait dans les classes durant la deuxième moitié du 20e siècle. Le montage d’introduction est tout simplement hilarant. Bref, tout est parfait, jusqu’à ce qu’on se mette à parler avec un son soporifique et des blagues qui ratent leur marque une fois sur deux.

Pas par faute de potentiel, l’humour un tant soit peu puéril de temps à autre et la voix qui manque de showmanship (faute d’une meilleure expression) coupent une partie du plaisir à l’auditoire de se prêter à la caricature des scènes.  Oui, ces vidéos étaient souvent franchement endormantes, mais de simplement recopier la technique ne recopie pas sans faute l’effet désiré. Un ton particulier s’associe déjà au genre, cela demande un effort de jeu de la part de l’interprète; si l’acteur ne joue pas, le public sera également désinvesti.

Par contre, je ne peux pas enlever le crédit d’un artiste qui accomplit seul son travail. Ce n’est pas toujours chose facile de s’efforcer seul à mener à bien un projet; face à cela je m’incline respectueusement mon cher Monsieur Lavigne. 

Fiche technique

Titre original : Documentage
Durée : 1 minute / 1 minute
Année : 2023
Pays : Québec, Canada
Réalisateur : Fred Lavigne
Scénario : Fred Lavigne
Note : 6/10

Grosse Moustache — Tu n’étais pas vraiment beau

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Si on enlève la sensation de publicité du temps des fêtes pendants ciné-cadeau « pour des rabais touffus qui ont du mordant » (brevet. Hahaha), Grosse Moustache reste avec une sensation de publicité du temps des fêtes. La musique, le rythme, la lumière; rien n’est mauvais, mais rien ne semble pris au sérieux, et cela malgré l’atmosphère de pince sans rire. 

Je sais que ça l’air niaiseux, mais rendu à ce stade-ci à produire des films, il faudrait considérer que les productions ont un public, pas des professeurs, ou de la famille, des amis ou simplement un juré pour une médaille; mais un réel public de gens qui pour la plupart ne connaissent pas ceux qui participent à chacun des projets. Des gens qui ne sont pas là pour être captivés par les charmes de qui que ce soit, mais voir des œuvres cinématographiques denses et condensées, des gens qui voudront comprendre pourquoi ces gens ont été choisis.

Vous voyez, avoir l’air déjanté c’est comme avoir l’air cool, tu peux pas essayer faut que ça soit naturel. Jeremy Glavac reste un bon réalisateur et son film ne pique pas du nez, mais à mon avis, ils ont la possibilité ainsi que la capacité de faire bien mieux. Je reconnais sans aucun doute le potentiel de tout un chacun, malgré cela je crois que les travaux d’étudiants sont pour les études même s’ils démontrent une maîtrise évidente de la part de toute l’équipe.

Fiche technique

Titre original : Grosse Moustache
Durée : 2 minutes
Année : 2023
Pays : Québec, Canada
Réalisateur : Jeremy Glavac
Scénario : Jeremy Glavac
Note : 5.5/10

Sweet Mary, Where did you go?

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Sweet Mary, where did you go?…  Ouais… Pas facile ce film-là. La prémisse est claire, et les évènements qui s’ensuivent ne le sont pas. Tout semble parfait pour un « what the fuck » bien mérité, mais quelque chose cloche. Soit il y a trop de symbolisme, ou alors, il n’y en a pas du tout. Peu importe la réponse, le film n’a pas vraiment sa place ailleurs dans le festival. Cependant, ça ne l’empêche pas d’être quelque chose. Ah ça, oui!

De toute évidence, la technologie est rendue à un point où faire de belles images à l’écran n’est plus autant ardue que cela pouvait être auparavant. Cependant, outre les images, le récit laisse quelque peu de glace. Un bon récipiendaire pour ce volet du festival, mais ma simple curiosité est ternie par le peu de contentement de voir un projet qui ne semble pas dirigé avec intention. Le sanglant est bien fait, ça je le donne, surtout avec le blanc des costumes.

Certes, ce court métrage n’est pas le pire. Certes, le plaisir est important dans la création. Certes, le plaisir est apparent dans chacune de ces productions. Néanmoins, l’auditoire a besoin d’autre chose pour participer. Imaginez un peu que ces scénarios soient des livres lors d’un festival WTF littérature. Que décrirait le livre de Sweet Mary, Where Did You Go? Je suis navré d’admettre que je vois du non-sens un peu clownesque bien au-delà de ce que j’entends par what the fuck; je veux dire, un vrai bon what the fuck (vous me suivez?)

Fiche technique

Titre original : Sweet Mary, Where Did You Go?
Durée : 17 minutes
Année : 2023
Réalisateur : Michael Anthony Kratochvil
Scénario : Michael Anthony Kratochvil
Pays : Australie
Note : 7/10

Amok – Mark Jones n’est pas mort

Amok

Après avoir perdu sa fiancée et abîmé son visage dans un accident, Clyde doit faire face au démon qui l’habite.

Malgré une animation à la fois magnifique et psychédélique; selon moi, Amok est le court métrage qui manque le plus la marque pour un réel What the fuck. L’atmosphère est davantage de l’ordre de l’horreur sans pour autant être dérangeante plutôt qu’elle n’est morbide. WTF, probablement pour le côté visuel, mais rien que je n’avais jamais vu. 

Je pensais à la série anime MOB Psycho 100, écrit par Hiroshi Seko, qui à mon avis représente bien plus un moment « What the fuck » que simplement avoir une animation particulière. Ce n’est pas pour dire, le tout est beau, mais il manque du oumph comme on dit. Si seulement les moments de folies étaient déformés et disproportionnés , peut-être que l’aspect déjanté et estomaquant ressortirait davantage. 

Encore une fois, pas un flop, pas un succès. Cependant, le talent est indéniable. Il ne suffit que de trouver un style plus vaste qu’un changement de palette de couleurs. Quelques images par contre valent la peine et sont dessinées avec soin, le plaisir du dessin transparaît avec aise à chaque tableau, même si certains d’entre eux ne semblent pas nécessaires plus qu’ils ne créent de la variété.

Fiche technique

Titre original : Amok
Durée : 14 minutes
Année : 2023
Pays : France / Hongrie
Réalisateur : Balázs Turai
Scénario : Balázs Turai
Note : 6.5/10

Le mot de la fin

Contrairement à la croyance populaire, l’Art à la même horreur que l’Histoire; celle de devoir deviner. Le plaisir dans l’expression artistique maintenant c’est qu’elle soit assez connue et répandue pour permettre à un public d’interagir avec l’artiste en question; l’un comme l’autre peuvent faire un mouvement communicatif pour mieux saisir l’œuvre et par ricochet le monde qui les entoure. Par là, j’entends que les peintres et autres artistes d’hier n’ont plus la chance de répondre aux énigmes qu’ils ont laissées derrière eux. Cependant, de nos jours cela est chose du passé. Dans un contexte comme celui de ce festival, il serait vraiment agréable de souligner la démarche pour permettre au public de mieux saisir l’intensité de l’absurdité, et à un autre degré, le niveau de réflexion derrière un projet. Il faut prendre le temps de faire des trucs dingos, le public est capable d’en prendre, mais est-ce que toutes les idées sont capables de fournir, telle est la question.

Deviner est un concept arnaqueur; une charade pourrait-on dire, qui suppose un sens là où il n’y en a pas vraiment. Interpréter par contre se positionne comme base du rapport émetteur récepteur qui s’opère lors d’une performance X ou d’une projection Y (sans références aux chromosomes, là). En cela, les moments « what the fuck » n’en sont pas, s’ils n’établissent pas une raison pour que la situation soit invraisemblable. Je reviens à Claudio’s Song, là, la transition est parfaite. L’escalade progressive vers une fin que l’on redoute, puis, un croc en jambe. La suite est impensable, et pourtant, voilà que l’on part dans une direction insoupçonnée (aussi, la deuxième fois, avec les sous-titres, ça faisait plus de sens). 

La différence notable entre les productions québécoises et celles d’ailleurs est étrangement flagrante. Le Québec n’est-il pas reconnu pour ses talents aux niveaux techniques de la réalisation cinématographiques? Si tel est le cas, peut-être alors que le produit final est conséquent avec la difficulté à être adéquatement financé dans les projets de natures artistiques au Canada; ce qui permettrait de jouir de plus de temps et plus de latitudes. Oui, il existe des bourses, etc., mais elles sont peu nombreuses ou même simplement inaccessibles au commun des mortels.

Sur ces mots, je salue bien droit les participants du volet SPASM : WTF; un parcours très intéressant qui laisse sans mot, mais pas sans impressions. Pour ce qui reste de fou furieux, j’aimerais finir sur cette réflexion; peut-être qu’Einstein avait raison et que la folie c’est de réessayer la même chose en voulant un résultat différent, en ça, pourquoi arrêter une formule gagnante et vice versa?

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