« À notre putain de vie de merde. »
Trois filles se rencontrent dans la forêt. Elles répètent des conversations triviales avec leurs amis rassemblés là, mais une certaine noirceur apparaît parfois sur leurs visages.
Fidèle à lui-même, Kenichi Ugana propose, avec The Girls (愚鈍の微笑み), un film étrange, mélangeant réel et surréel dans un film que l’on pourrait qualifier de réalisme magique. Mais cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un film d’horreur.
Si vous n’avez jamais vu un film de ce réalisateur, vous ne pouvez probablement pas imaginer dans quoi vous embarquez en choisissant un film comme The girls. Même moi qui a déjà vu quelques-uns de ses films, je ne m’attendais pas vraiment à ça.
Le film débute tout lentement, avec la présentation des trois filles. De longs plans fixes nous les montrent, une à la fois, sans dialogues, sans mouvements, ou presque. La première (Momoko Tanabe) est assise à une table de pique-nique et boit du thé, pendant près de 7 minutes. La seconde (Kaoru Koide) est assise sur le bord d’une rivière et fume, pendant 7 minutes aussi. La troisième (Kokoro Morita) prépare de la viande, le regard vide. 20 minutes se sont donc écoulées et rien ne s’est encore produit. Finalement, les 2e et 3e filles arrivent chez la première et se font à tour de rôle engueuler, car elles sont en retard.
Mais où sont-elles en fait? Au milieu du bois, dans une cabane qu’on imagine plus voir dans un bidonville. S’installent des discussions banales qui laissent le spectateur à l’affût. Quelque chose cloche. On ne peut réellement mettre le doigt dessus, mais quelque chose cloche…
Kenichi Ugana ne propose jamais un film totalement normal. Et c’est ça qui alimente l’attente chez le spectateur.
Il faut dire qu’avec leurs tenues hautes en couleur et leurs cabanes en bois tout équipées, leur présence a quelque chose à la fois d’incongru et de tout à fait naturel. Mais que font-elles en ce lieu?
Ce film qui propose un genre de réalisme magique s’impose comme une interrogation qu’a le réalisateur sur notre sort dans un monde en crise. À mi-chemin entre insouciance et résistance, le microcosme excentrique de ces trois filles incarne les paradoxes d’une génération tiraillée entre l’impuissance et la rébellion, le conformisme et la sécession, l’indifférence et la dépression.
Pour rendre le tout un peu plus amusant, Ugana met en bouche des dialogues existentiels du genre « mais Walking Dead ne se terminera donc jamais ». Mais ces questionnements sur la série culte ne sont qu’une excuse pour traiter de la mort et de la place que nous avons dans un monde qui va de plus en plus mal.
En attendant son prochain film d’horreur (dont je vous parlerai demain), Ugana offre ce magnifique film existentiel mettant en scène trois excellentes actrices et quelques moments insolites. Mais soyez averti, la normalité n’est jamais totalement normale chez ce réalisateur…
The girls est présenté au FNC les 10 et 12 octobre 2023.
Bande-annonce
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