La Petite vie - Une

La Petite Vie — Une recette traditionnelle meilleure que ce dont je me souviens | Tou.tv

« Y va ben! Y va ben! »

La famille la plus absurde et dysfonctionnelle du Québec navigue aujourd’hui dans les eaux troubles de notre modernité en s’adaptant (parfois difficilement) aux nouvelles technologies et à des courants sociaux souvent déstabilisants. Les Paré doivent aussi gérer un élément perturbateur important qui les bouleverse tous : le départ de Môman (Serge Thériault). Ti-Mé (Claude Meunier) s’ennuie énormément et tente de gérer sa peine. Et même s’ils essaient tous d’être là pour lui, ses proches doivent aussi admettre qu’ils ont déjà leur lot de préoccupations.

Les muffins de grand-maman

La Petite Vie revient sur les ondes de Radio-Canada (Tou.TV EXTRA, mais hey! Il y a un mois gratuit si vous n’êtes pas déjà abonné. Peut-être que ça vous donne le goût?) avec une telle présence qu’on a du mal à croire qu’elle était partie depuis si longtemps. Effectivement, depuis quelques années, la série québécoise culte regagne en popularité, notamment chez les plus jeunes générations. Comme quoi aller de l’avant ça ne veut pas dire jeter ce qu’il y a derrière, car certains n’ont pas encore eu la chance de l’apprécier eux-mêmes.

La Petite Vie_S5_Episode_1 - Les muffins de Grand-maman
Caro (Guylaine Tremblay), Rod (Bernard Fortin) et Thérèse (Diane Lavallée)

En entrevue, Claude Meunier confiait n’avoir eu que du plaisir à retrouver son ancienne famille. Pour lui, il y a de ça environ 25 ans, la série se terminait pour des raisons bien simples; il faisait mention des voix de ses personnages qui ne venaient plus titiller son imaginaire. Pourquoi se battre à faire continuer quelque chose qui veut partir (les Paré ont droit à une retraite tranquille, même si elle n’est que provisoire). Il ajoutait à ça le bonheur d’avoir encore des nouvelles de cette famille après tant d’années, de les voir revenir dans son esprit toujours aussi authentique dans leur unicité. 

La Petite Vie, c’est en quelque sorte Les Simpsons du Québec, sauf, un peu sénile, qui radote encore les mêmes histoires depuis une trentaine d’années (ce qui fut loin de nous déplaire). Leurs nouvelles péripéties viennent se greffer au cœur de son public comme un petit stimulateur cardiaque le réanimant pour découvrir que l’héritage légué est loin d’être mort. Un lègue que l’on se doit de garder vivant pour aujourd’hui, mais aussi pour demain. La Petite Vie n’est jamais partie, elle était seulement allée faire l’épicerie.

L’âme à double tranchant

J’ai toutefois de la difficulté à comprendre certaines décisions de Radio-Canada à ne pas rendre accessible la culture d’ici plus facilement à son public. En tant que société d’État, la chaîne à entre autres pour mission et je cite : « être offerte partout au Canada de la manière la plus adéquate et efficace possible, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens ». C’est évident que de permettre à tout un chacun de pouvoir visionner la nouvelle saison de La Petite Vie devrait être plus adéquate; que de la distribuer seulement au public payant semble légèrement contre-nature, si je peux emprunter l’expression. Un petit désarroi que l’équipe se permet de partager aux journalistes présents, lors de la table ronde.

La_Petite_Vie_S5_Episode_1 - âme à double tranchants
Réjean (Marc Messier, Lison (Josée Deschênes), Rénald (Marc Labrèche) et Thérèse

Pourtant, la nouvelle série Les Stagiaires, qui parle de l’avenir journalistique, sera présentée de manière beaucoup plus efficace sur les plateformes de Radio-Canada. Bien entendu, l’information est d’une certaine manière vitale à transmettre à la société pour aider à son bon fonctionnement, mais qu’en est-il de sa culture; c’est-à-dire qui s’occupe de permettre de répandre la culture canadienne avec efficacité si elle est classée dans le volet divertissement et/ou payant? Le but selon moi n’est pas de faire compétition à Netflix, mais de soutenir les artistes d’ici à promouvoir et élargir l’univers collectif national. Pourquoi faire deux fronts d’attaque lorsque les efforts déployés pourraient faire front commun?

On ne peut se cacher que la publicité à toujours fait partie du monde des médias, c’est ainsi que les entreprises permettent à la culture de foisonner moyennant quelques pauses publicitaires; tout comme les petits gâteaux Vachon avec La Petite Vie; qui n’ont jamais empêchés d’apprécier un épisode de la série (même Andy Warhol trouverait ça beau). J’ai simplement une certaine peur face à cette nouvelle tendance à vouloir se débarrasser de toutes les publicités transformant le statut du public à la fois consommateur et payeur; phénomène incitant à la liberté de s’empiffrer de produits sans gage certain de qualité risquant de transformer des cultes trentenaires en des quinze minutes de gloire, pour ensuite disparaître. 

Fontaine de jouvence

Le seul point négatif que je pourrais donner à cette nouvelle série de La Petite Vie, c’est le nombre d’épisodes. Je ne reproche rien à la création qui réussit à livrer davantage qu’une simple suite. Ceci n’est pas une refonte, c’est un ajout, une continuité indissociable et indifférenciable du matériel d’origine (excluant les quelques décennies qui se sont écoulées depuis). Cependant, je crois qu’il vaut mieux en avoir peu et donner l’envie d’en avoir plus que l’inverse, n’est-ce pas?

La_Petite_Vie_S5_Episode_2 - Fontaine de jouvance
Rénald et Réjean

En outre, l’opus de Claude Meunier impressionne avec sa vivacité toujours présente d’autant que de sa raison d’être encore sur nos écrans. Un vent de fraîcheur souffle toujours sur la culture québécoise telle les alizées. Il ne faut pas avoir peur des temps d’accalmie; on devrait profiter de ces périodes pour repeindre la maison et solidifier la toiture pour mieux subsister jusqu’à la saison nouvelle (au risque d’être emporté et se noyer une fois Notos venue). La culture n’est pas en danger, elle foisonne de plus en plus, ce sont simplement le nombre de médias différents offerts qui augmentent; et comme on m’a dit à Radio-Canada, le public à le droit d’être libre de choisir sa façon d’apprécier ce qui lui est offert comme contenu. La Petite Vie témoigne de ce qu’est une bonne œuvre sans avoir besoin de revêtir mille et un costumes pour paraître au goût du jour. 

Parlant de revêtir un costume. Une belle surprise attend les fans de la série (que même si tout le monde en parle, je me garderai de vendre la mèche pour ceux et celles qui conservent encore un certain décorum lorsque vient le temps d’apprécier l’art et la création) qui saura sans doute les atteindre au coeur ou même leur faire verser une larme de joie. 

Fiche technique

Titre original
La petite vie : 30 ans plus tard
Durée
23 minutes
Année
2023
Pays
Québec (Canada)
Réalisateur
Pierre Séguin
Scénario
Claude Meunier
Note
9.5 /10

1 réflexion sur “La Petite Vie — Une recette traditionnelle meilleure que ce dont je me souviens | Tou.tv”

  1. Excellent compte rendu. C’est rafraîchissant de lire la plume de la jeune génération qui n’essaie pas de faire passer les années 90 comme une époque lointaine et sans valeur. Je me souviens , on passait en boucle à la télévision l’annonce de ce qui allait devenir un phénomène, la campagne marketing a bien travaillé, de plus, Claude Meunier et Serge Theriault avaient la cote à l’époque. Le casting était parfait. On connaissait certaines têtes, et nous en découvrions de nouvelles. Le Québec s’est tapé sur les cuisses.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Fiche technique

Titre original
La petite vie : 30 ans plus tard
Durée
23 minutes
Année
2023
Pays
Québec (Canada)
Réalisateur
Pierre Séguin
Scénario
Claude Meunier
Note
9.5 /10

© 2023 Le petit septième