« Papier, ordinateur ou cellulaire? »
La série documentaire Les Stagiaires suit le parcours de six apprentis journalistes qui intègrent la salle des nouvelles de Radio-Canada pour suivre un stage expérimental destiné à former la relève.
Guidés par Marie-Maude Denis et appuyés par plusieurs professionnels de l’info, les stagiaires plongent dans un milieu journalistique en pleine transformation, bousculé par l’explosion des plateformes. Chaque semaine, les stagiaires doivent accomplir des tâches précises qui testent leurs aptitudes et les exposent aux défis du métier. Avec bienveillance mais sans complaisance, Patrice Roy et Isabelle Richer évaluent le travail des stagiaires et partagent leurs conseils de pros.
J’arrive à Radio-Canada le matin; en avance, toujours, histoire de ne pas être en retard comme le lapin blanc dans Alice in Wonderland (on se fout quelle version); pour assister à un visionnement de presse, avec d’autres journalistes, d’une émission sur la formation de journalistes et des différents angles du métiers. L’accueil qu’on y reçoit est toujours professionnel tout en étant cordial. Je m’assieds à une distance que je juge idéale dans la grande salle avec un petit café à la main; puis je me laisse absorber par l’atmosphère qui se dégage progressivement au rythme des images et du temps qui défilent. En tant qu’apprenti journaliste, je riais dans ma barbe (figurativement, bien sûr, j’ai difficilement du poil au visage) à cette situation que je jugeais des plus ironiques.
Luce Julien, en tant que directrice générale de l’information de Radio-Canada, répondait ensuite avec fierté aux questions des journalistes présents; et, fierté, il y a de quoi avoir; accompagnée des mentors et du reste de l’équipe (car oui, il y a toute une équipe qui travaille de concert pour mener à bien puis livrer n’importe quel projet). Les journalistes s’enflamment comme si les questions qu’abordent l’émission s’adressent spécifiquement à nous. Tout ça avec la chance d’être observé par le regard pétillant et amusé des six jeunes talents de la série, que je garderai dans l’anonymat (soyez bon joueur, vous verrez par vous-mêmes). Une fois la table ronde terminée, je m’avançais au bord des immenses fenêtres, grandes du sol au plafond, me prélassant à la lumière des discussions auxquelles je pus assister. Je me dis : « J’aime cette vitre. Moi qui suis acrophobe; de ce 7e étage, je n’ai pourtant pas le vertige ».
Malgré une éliminations légèrement rapide, voire précipitée, des 18 autres participants (un peu à la Hunger Games), l’émission investit déjà son auditoire dans ce qui se présente beaucoup plus sérieusement qu’on ne l’imaginait au départ. Oui, les autres apprentis sont vite passés sur le convoyeur, mais ça représente bien la dynamique de ce qui suivra. Loin d’être un American Gladiator, Les Stagiaires aborde avec réalisme la nécessité de l’entraide et de la prise de soi afin d’être un membre efficace d’une équipe. On y voit comment avec les années, l’expertise journalistique acquis à Radio-Canada n’est pas qu’un travail d’archiviste, mais bien plus encore.
Un incendie criminel fait 37 victimes au bar le Blue Bird de Montréal (archive Radio-Canada). C’est le début du célèbre talk-show Appelez-moi Lise animé par Lise Payette, coanimé par Jacques Fauteux (archive Radio-Canada). C’est aussi la sortie de la toute première calculatrice scientifique électronique par Hewlett-Packard, et suivie de près par le modèle de Texas Instruments; une invention qui révolutionne et ébranle le monde de la science et de l’éducation. On en vient ainsi à questionner la disparition possible d’une relève pour ceux qui font des calculs leur profession. Les mathématiciens ont-ils finalement tous disparu? Bien sûr que non, et voici la preuve : Terence Tao, mathématicien prodige.
Quand est-il de l’avenir des médias? Durant l’émission qui m’avait été permi de voir, une inquiétude avait été énoncée par les mentors. Une crainte face à la possible disparition des médias d’information qui seraient possiblement succédés par les créateurs de contenu et la multitude de plateformes internet. Des paroles qui furent reprises lors du visionnement de presse durant la période de questionnement.
Je trouve cela intéressant que ces dires ne se limitent pas simplement à l’univers journalistique, mais aussi à tous les autres domaines y compris le milieu informatique. Depuis l’avènement des avancées technologiques comme ChatGPT; l’accès à l’information, la peinture, l’écriture et même la programmation; tout se fait plus rapidement et sans que l’être humain n’ait à faire quoique ce soit… Ou presque. La question se pose effectivement, à savoir ce qu’il en est vis-à-vis de la continuité des métiers ou l’héritage qu’ils nous laissent. Sauf que, n’importe quelle fabrication, qu’elle soit arme ou outil, a le même défaut (si la référence vous intéresse, https://www.youtube.com/watch?v=Fus6NctmU3A) et sans utilisateur ce n’est pas un outil, simplement un gadget. C’est à l’humanité de veiller à sa propre survie, non?
Pour l’équipe de Radio-Canada, la série Les Stagiaires est la preuve que le journalisme n’est pas mort. Je crois que les générations qui évoluent dans l’ère de la désinformation sont de plus en plus conscientes de cette nécessité; non seulement à produire de l’information, mais aussi à s’assurer de sa légitimité tout en gardant, autant qu’il est possible, son objectivité. Pour son public, c’est une démonstration de la présence d’un intérêt notable chez les plus jeunes générations et de leur croyance en une nécessité d’une succession pour ces métiers qu’iels jugent fondamentaux.
Selon moi, l’occasion est très intéressante pour tisser des liens entre les médias d’informations et son public. On imagine trop souvent les gens de la télévision et de la radio comme de riches milliardaires qui, à la fin de la journée, s’en retournent en décapotable dans leur tour d’ivoire après s’être « pognés le beigne » toute la journée. Ça c’est comme dans tous les domaines, mais c’est loin d’être une majorité (pourquoi pensez-vous qu’on les nomment affectueusement le 1%?). Sans aucun doute que l’émission offre une chance en or de réinventer la façon d’approcher le processus d’embauche (pour le meilleur et pour le pire); et pas juste pour Radio-Canada. Je ne parle pas simplement de se former sa propre relève en joignant l’utile à l’agréable, mais aussi d’une possible aide future que les médias de masses pourraient apporter à la population.
On ne peut que faire ressortir le meilleur de ceux et celles qui auront le potentiel pour continuer, mais aussi améliorer leur milieu. Il ne reste qu’à veiller à ce que ces savoirs se transmettent avec bienveillance. De ce que j’ai pu constater, la docusérie Les Stagiaires est sur la bonne voie à tous les niveaux (et c’est beaucoup plus constructif qu’une télé-réalité comme Loft Story ou encore Occupation Double). Imaginez un peu de quoi aura l’air le monde si on utilise les experts en la matière pour mentorer les recrues dans toutes les sphères des métiers. Plus de compagnies qui investissent dans la maintenance et la formation de la succession, car, à moins de la preuve du contraire, nul n’est éternel. Allez le monde d’hier, participez à celui d’aujourd’hui en ayant conscience de le remettre à celui de demain.
© 2023 Le petit septième
Un rendez-vous à ne pas manquer.
ayant été en communication pendant 41 ans j’aurais probablement flanché moi aussi. Je me revois devant les directeurs qui m’ont donné ma première chance.