« As-tu seulement une conscience? »
Jae-wan (Sul Kyung-gu), un avocat pénaliste matérialiste qui n’a aucun problème à défendre des meurtriers, et son jeune frère Jae-gyu (Jang Dong-gun), un pédiatre chirurgien à la morale de fer et chaleureux, se réunissent une fois par mois avec leurs femmes pour le dîner. Un jour, une image d’une caméra de sécurité montrant un adolescent et une adolescente battant à mort un sans-abri devient virale. La police commence son enquête, mais comme les visages des auteurs n’ont pas été montrés, l’affaire n’aboutit pas. Mais après avoir vu les images, l’épouse de Jae-gyu, Yeon-kyung (Kim Hee-ae) et l’épouse de Jae-wan, Ji-su (Claudia Kim), découvrent un secret choquant.
Les deux couples arrivent au dîner avec des secrets impossibles à accepter. Le dîner commence dans une ambiance tendue…
Avec A normal family, Hur Jin-ho offre une tragédie remplie de rebondissement dans lequel il montre l’extrême d’une relation fraternelle malsaine marquée par la compétition et la jalousie. Inspiré du roman néerlandais Het Diner, d’Herman Koch, ce film questionne l’importance de l’amour fraternel et filial.
C’est avec une mise en scène impeccable, quoique classique, que Hur Jin-ho explore les dichotomies entre le bien et le mal, le remords et le pardon, et ce qui est dit et ce qui n’est pas dit. En utilisant une image très large, il montre la distance entre les personnages, surtout lors des diners de famille. Les personnages sont tous assis à distance, dans un décor chaleureux, mais sans âme. Chacun est crispé et la tension est aussi lourde qu’à un repas entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron.
Comme c’est presque toujours le cas dans le cinéma coréen, la mise en scène est soignée et on a l’impression qu’aucun détail n’a été laissé au hasard. Ajoutons à cela des performances impeccables des acteurs qui ajoutent du poids et de la finesse à cette histoire dysfonctionnelle de la vie d’une famille.
Le titre du film, A normal family (Une famille normale) est évocateur d’une réalité silencieuse. Chaque famille a ses frictions et ses secrets. Quelle famille vit une parfaite harmonie? Je regarde à quel point la rivalité entre les deux frères est remplie de jalousie, et je vois la famille d’une ex, ou encore celle de personnes proches de moi.
Un film qui, malgré une histoire rocambolesque, est empreint de réalisme. Disons que le résultat est un long métrage quelque peu perturbant. On se questionne à savoir jusqu’où on irait dans une telle situation.
La situation, c’est de découvrir que ton enfant, en complicité avec celui de ton frère, a commis un crime odieux. Quoi faire? Quoi dire? Parce que la décision d’une personne aura une grande répercussion sur la vie de 6 autres personnes.
Ce qui est au centre du récit, c’est la force des relations immuables comme l’amour/haine fraternel, mais aussi l’amour filial. Dans ce récit, les rebondissements sont nombreux, au rythme des questionnements moraux des personnages, surtout des deux frères. En plus de devoir gérer leur jalousie l’un envers l’autre, les deux hommes doivent aussi maitriser leurs femmes qui se détestent sans gêne. À chaque repas, Yeon-kyung trouve un moyen de reprocher à sa belle-sœur le fait qu’elle n’est pas une vraie mère puisqu’elle n’est que la seconde épouse et pas la mère biologique de l’adolescente. Pendant ce temps, elle ne manque pas une occasion de rappeler à Yeon-kyung qu’elle est plus vieille. Ça ne semble pas très grave, mais ça fait mouche sur la femme qui est jalouse de la beauté de Ji-su.
Mais lorsque les deux couples découvrent l’acte des enfants, ces chicanes et frustrations, la jalousie et les guerres seront exacerbées. La tension sera décuplée et le spectateur le ressent.
Se situant quelque part entre le film de genre et le cinéma d’auteur, A normal family est un film qui risque de traverser le temps admirablement. Son histoire est tout aussi valable en Corée qu’elle ne l’est en Europe ou au Québec. Les frustrations familiales et l’amour que l’on porte à ses enfants, ça n’est pas de frontière. Quant aux valeurs morales, ce long métrage montre à quel point elles peuvent être pliées par l’amour que l’on porte à son enfant.
Il y a aussi l’image forte de séparation morale entre les deux frères qui se reflète dans leur travail. Alors que Jae-gyu est médecin et sauve des vies, Jae-wan sauve des criminels de la prison. C’est d’ailleurs en défendant un connard de première qui a tué un père de famille dans un incident de rage au volant que l’aîné commence à questionner ses valeurs.
Ne reste qu’à espérer que ce film soit bientôt disponible au Canada.
A normal family est présenté au TIFF les 14 et 15 septembre 2023.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième