« — Stop! I did not kill him.
— That’s not the point. »
[— Stop! Je ne l’ai pas tué.
— C’est pas ça le point.]
Sandra (Sandra Hüller), Samuel (Samuel Theis) et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel (Milo Machado Graner), vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.
Avec Anatomie d’une chute, Justine Triet propose un film de dialogues, une analogie sur la chute du couple. Le grand gagnant du dernier Festival de Cannes arrive à Toronto, et je vous en fais une courte critique.
En proposant un film de plus de 2h30 basé sur le dialogue, avec peu de déplacements et d’action, la réalisatrice fait un gros pari. Mais en misant sur une analogie solide entre la chute d’un couple et la chute d’un corps, elle parvient à garder le spectateur présent et captivé.
Au centre de ce film de tribunal, il y a une famille avec tous les enjeux que rencontre les familles, dont le partage du temps, avec au centre ce celui-ci, un enfant. L’expérience démontre que l’une des causes les plus fréquentes de chicanes dans un couple est le temps et sa gestion. Qui prendra de son temps pour faire le ménage, qui prendra de son temps pour s’occuper de l’enfant? Mais surtout, qui aura du temps pour travailler à son projet, à son épanouissement professionnel?
Ici, Sandra et Samuel étaient incapables de s’entendre sur le partage du temps, ce qui leur aura causé beaucoup de chicanes, à l’insu de leur fils. Mais lorsque le père meurt de façon suspecte, ces chicanes prennent un tout autre sens, et le film se transporte au tribunal. Là encore, ce sera une belle occasion de mettre en parallèle le bordel du couple et celui du tribunal. Pour moi, Nord-Américain, découvrir le bordel des cours de justice françaises est franchement déstabilisant. Ici, le droit de parole est strictement géré par le ou la juge. Mais en France, on peut s’interrompre sans arrêt. Même le prévenu peut le faire.
Au final, Anatomie d’une chute, c’est un couple qui a un fils qui découvre l’histoire de ses parents lors d’un procès — procès qui dissèque méthodiquement leur relation – ce qui mène l’enfant à passer du stade de l’enfance, incarné par la confiance absolue envers sa mère, à celui du doute, plus adulte.
Mais quand on y pense, le tribunal est le lieu où notre histoire ne nous appartient plus, où elle est jugée par d’autres, qui doivent la reconstituer à partir d’éléments épars, ambigus. N’est-ce pas, donc, de la fiction.
Anatomie d’une chute est présenté au TIFF, les 7 et 8 septembre 2023.
Bande-annonce
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